TUNIS, 6 mai 2024 — En 2023, la reprise économique de la Tunisie a été affectée par une sécheresse sévère, des conditions de financement strictes et un rythme modéré des réformes. La croissance du pays est restée inférieure aux niveaux d’avant la COVID19, plaçant la Tunisie parmi les économies de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord qui connaissent les reprises les plus lentes. C’est ce que révèle le Rapport de suivi de la situation économique pour la Tunisie, publié par la Banque mondiale au printemps 2024.
Le rapport, intitulé Une énergie renouvelée pour l’économie, prévoit des taux de croissance de 2,4 % en 2024 et de 2,3 % en 20252026, en supposant une atténuation des conditions de sècheresse et un progrès dans les réformes budgétaires et celles liées à la concurrence. Selon le rapport, la Tunisie a connu une amélioration de la balance extérieure, une réduction du déficit commercial, bénéficiant de conditions internationales favorables, et des besoins de financements extérieurs qui demeurent importants. Le rapport souligne également qu’il est crucial de s’attaquer rapidement aux causes profondes des besoins de financements extérieurs, comme le déficit énergétique, le service de la dette, et le niveau des investissements étrangers.
Malgré les progrès réalisés dans le tourisme et les exportations, l’économie tunisienne a été affectée par les effets de la sécheresse, qui a provoqué une réduction de 11 % de la production agricole. Cette situation met en évidence le besoin de prendre mesures d’adaptation au changement climatique. Les répercussions de la sécheresse ont été exacerbées par une demande intérieure limitée, ce qui a affecté la croissance des secteurs de la construction et du commerce. Cela a conduit à une hausse du taux de chômage qui a atteint 16,4 % au quatrième trimestre de 2023, tandis que la participation au marché du travail a diminué.
Le rapport examine en détail les défis et les opportunités économiques actuels de la Tunisie. Malgré une demande limitée, l’inflation se maintient à 7,8 %, avec une hausse des prix alimentaires atteignant 10,2 %. Cette inflation peut s’expliquer par l’augmentation des marges bénéficiaires et des coûts des importations, ce qui souligne l’importance des politiques commerciales et de la concurrence dans l’atténuation des pressions inflationnistes. D’un autre côté, le déficit commercial a été réduit, passant de 17,5 % du PIB en 2022 à 10,8 % en 2023, tandis que le déficit du compte courant a également baissé, passant de 8,6 % à 2,6 % du PIB au cours de la même période.
Face à des conditions de financement extérieur plus restrictives, la Tunisie a intensifié son recours aux banques nationales – et, plus récemment, à la Banque centrale – pour soutenir son budget. Cette approche a augmenté les risques pour le système financier et provoqué un effet d’éviction, les banques consacrant une part de plus en plus importante de leurs prêts à l’État au détriment du secteur privé.
« Malgré les défis actuels, la Tunisie a d’importants potentiels pour transformer et renforcer son économie. En particulier, Des investissements stratégiques, notamment dans les énergies renouvelables, aideraient la Tunisie à considérablement améliorer sa résilience économique et sa durabilité », a déclaré Alexandre Arrobbio, Représentant Résident de la Banque mondiale pour la Tunisie. Nous sommes déterminés à aider la Tunisie à tirer parti de ses abondantes ressources énergétiques renouvelables, et le rapport offre des orientations précises pour stimuler sa croissance et renforcer sa stabilité. Il est essentiel de développer ces sources d’énergie pour réduire la dépendance vis-à-vis des importations et améliorer la situation budgétaire, tout en renforçant la sécurité énergétique et en favorisant un avenir économique durable. »
Le rapport met en lumière les projets ambitieux de la Tunisie dans le domaine des énergies renouvelables, qui pourraient apporter une solution à ses défis économiques et environnementaux. Le pays envisage d’augmenter la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique de 3 % à 35 % d’ici 2030. Actuellement, des projets de production destinés à des financements privés ont été lancés pour un total de 2.200 MW, ce qui devrait porter la part des énergies renouvelables à 17 % d’ici 2025. Le rapport souligne les bénéfices économiques substantiels d’une transition approfondie vers les énergies propres grâce à un programme ambitieux de décarbonation. L’investissement total requis est estimé à 4,5 milliards de dollars d’ici à 2030, avec la possibilité d’un financement principal par le secteur privé sous réserve de la mise en place de réglementations appropriées. L’un des projets phares de ce programme est l’interconnexion électrique entre la Tunisie et l’Italie (Elmed). Ce projet vise à renforcer la résilience du système électrique de la Tunisie et à la transformer en un exportateur net d’électricité, ce qui réduirait considérablement sa dépendance aux importations de gaz naturel et améliorerait sa balance des paiements.