TUNIS, 7 septembre 2022 – Une lente reprise économique post-COVID et des retards dans la mise en œuvre de réformes essentielles, y compris en matière de subventions, risquent de grever encore davantage des finances publiques déjà sous tension et de creuser les déficits budgétaire et commercial, selon le dernier Bulletin de conjoncture économique de la Banque mondiale consacré à la Tunisie.
Publié en français sous le titre Gérer la crise en temps d’incertitudes, le rapport anticipe un taux de croissance de 2,7 % pour 2022, à la faveur essentiellement de la reprise du tourisme et du commerce, conjuguée à la bonne performance des secteurs de l’industrie minière et manufacturière. Ce chiffre est légèrement inférieur aux prévisions antérieures de la Banque mondiale, ce qui rend compte de l’impact de la guerre en Ukraine sur l’économie tunisienne. L’activité économique en 2022 va par conséquent rester bien en deçà de ses niveaux préCOVID.
« Au moment même où son économie commençait à reprendre vigueur après la crise de la COVID-19, la Tunisie a été confrontée au double défi de la montée des prix des produits de base et de la guerre en Ukraine, qui a provoqué de très fortes tensions sur les approvisionnements mondiaux en blé et en énergie, explique Alexandre Arrobbio, responsable des opérations de la Banque mondiale pour la Tunisie. Consciente de ces difficultés sans précédent, la Banque mondiale a octroyé, dès la fin du mois de juin, un prêt de 130 millions de dollars à la Tunisie afin d’atténuer les répercussions de la guerre en Ukraine sur la sécurité alimentaire. Ce financement permettra au gouvernement de financer ses achats de céréales tout en engageant les réformes annoncées. »
Le premier chapitre du rapport montre comment la guerre en Ukraine et la hausse des prix mondiaux des produits de base et des produits manufacturés ont exacerbé les vulnérabilités de l'économie tunisienne durant les premiers mois de 2022. Le taux d’inflation a augmenté de 6,7 à 8,1 % entre janvier et juin 2022, ce qui a poussé la banque centrale à relever son taux directeur pour la première fois depuis 2020. Le déficit commercial s’est creusé de 56 % pendant le premier semestre de 2022, pour ressortir à 8,1 % du PIB, tandis que le déficit budgétaire devrait atteindre 9,1 %, contre 7,4 % en 2021, sous le poids de la hausse des subventions énergétiques et alimentaires.
Le système de subventions alimentaires, qui constitue l’un des principaux facteurs de la montée des déficits commercial et budgétaire, est plus particulièrement traité dans le deuxième chapitre. Il ressort du rapport que, dans le cas du blé, le système de subventions a effectivement permis d’assurer la stabilité des prix au profit des consommateurs, mais qu’il a aussi eu pour effet d’exercer une pression considérable sur les finances de l’État, de pénaliser les agriculteurs et les acteurs de la transformation alimentaire, et d’entraîner une surconsommation, avec à la clé des pertes et gaspillages importants. Plutôt que de subventionner les prix alimentaires, le rapport préconise de verser des allocations monétaires compensatrices aux ménages vulnérables, ce qui permettrait d’améliorer l’efficacité du système, de réduire les coûts budgétaires et d’importation et de renforcer la sécurité alimentaire face aux chocs futurs.