BRUXELLES, 8 mars 2018 — En Europe, l’essor de la technologie risque de pénaliser les pays les plus pauvres, les régions à la traîne et les travailleurs non qualifiés, et de creuser ainsi les fractures économiques au sein de l’Union européenne (UE), selon un nouveau rapport de la Banque mondiale.
Intitulé Growing United: Upgrading Europe’s Convergence Machine, ce rapport montre que si la technologie profite aux hauts revenus et aux entreprises de pointe dans les régions riches, elle pourrait augmenter le chômage et faire basculer davantage de personnes dans la pauvreté dans les régions d’Europe les plus déshéritées.
Depuis 15 ans, les métiers manuels ont reculé de plus de 15 % dans l’UE, tandis que les métiers créatifs et analytiques progressaient dans la même proportion — et cette tendance s’accélère. Le rapport recommande aux décideurs de développer les qualifications des travailleurs afin de les préparer aux nouveaux emplois dans un marché du travail extrêmement évolutif et, ainsi, de rehausser les niveaux de vie dans les pays et les régions à la traîne.
« Pendant plus de 60 ans, l’incroyable machine à convergence de l’Union européenne a permis de stimuler la croissance et la prospérité dans toute l’Europe, pour le plus grand profit des individus et des entreprises. Mais ce n’est pas un processus automatique. Faute de mesures garantissant des retombées positives pour tous, le moteur risque de caler, souligne Kristalina Georgieva, directrice générale de la Banque mondiale. Pour maintenir cette dynamique, l’Europe doit se doter de politiques garantissant l’acquisition des compétences indispensables pour exploiter les nouveaux débouchés. Pour créer davantage d’emplois pour plus de travailleurs, les pays doivent améliorer l’accès à l’éducation et à la formation, de même que l’environnement des affaires. »
Le rapport suggère en effet d’assouplir les règles bureaucratiques qui empêchent les entreprises de se développer pleinement et de profiter de la transition technologique. L’écart de productivité entre les États membres du nord et du sud de l’Europe, qui se creuse depuis 20 ans, illustre bien les défis immédiats à relever. Entre la fin des années 90 et aujourd’hui, les gains de productivité ont ralenti de 2 à 1,5 % dans l’Europe du Nord, contre une décélération deux fois plus rapide en Europe du Sud.
La piètre qualité de l’éducation dans certains pays et régions de l’UE aggrave également la fracture économique et sociale entre les plus riches et les plus pauvres. Dans la moitié des pays de l’UE, plus de 20 % des individus âgés de 15 ans n’ont pas le niveau de compétences de base en lecture et en mathématiques, cette proportion grimpant à 30 % en Bulgarie, à Malte, en Roumanie et en Slovaquie.
Pour combler les écarts de compétences sur le marché du travail, les gouvernements doivent remettre à plat les systèmes d’éducation et introduire des politiques d’égalité des chances à l’école et au travail. Dans de nombreux pays, des améliorations radicales s’imposent pour impartir aux étudiants les compétences qui leur permettront d’être compétitifs dans les métiers de demain.
Le rapport constate que la main-d’œuvre non qualifiée est plus exposée aux chocs liés à l’évolution du marché du travail. Dans de nombreux pays d’Europe centrale et du Sud, le poids des réglementations dissuade les entreprises de se développer, de créer des emplois et d’attirer des investissements directs étrangers.
L’amélioration de l’environnement des affaires dans l’UE aidera par ailleurs les entreprises à profiter de la croissance continue que connaît la région, en favorisant l’innovation et l’adoption des nouvelles technologies. En Espagne, en Grèce, en Italie et en Slovaquie par exemple, les microentreprises assurent 40 % des emplois.
« La croissance est une réalité en Union européenne, mais une réalité inégale selon les Européens. Ce rapport insiste sur la nécessité de créer un environnement plus adapté pour permettre aux individus et aux entreprises de profiter des opportunités créées par la machine à convergence de l’Europe, indique Arup Banerji, directeur régional pour les pays de l’Union européenne à la Banque mondiale. De nombreux pays, notamment dans le Nord, opèrent dans des environnements offrant un fort potentiel de croissance inclusive. Nous devons privilégier les politiques permettant de créer des conditions similaires pour les pays et les régions en retard. »