SINGAPOUR, 13 juillet 2016 – Le facteur le plus capital pour parvenir à redynamiser des zones urbaines en déclin réside dans la participation du secteur privé, selon un nouveau rapport (a) rendu public aujourd’hui par la Banque mondiale et le Fonds de conseil en infrastructure publique-privée (PPIAF), à l’occasion du World Cities Summit qui se déroule cette semaine à Singapour.
« Les projets de rénovation urbaine sont rarement mis en œuvre par le seul secteur public. Ils nécessitent des ressources financières massives dont les villes, pour la plupart, ne disposent pas, note Ede Ijjasz-Vasquez, directeur principal du pôle mondial d’expertise en Développement social, urbain et rural de la Banque mondiale. La participation du secteur privé est un facteur capital de la réussite d’un programme de redynamisation, avec, à la clé, le développement de centres urbains où les habitants peuvent vivre, travailler et s’épanouir. »
Toutes les villes possèdent des poches de territoire sous-exploitées ou des zones sinistrées, qui sont souvent le fruit des évolutions de la croissance et de la productivité urbaines. Dans les pays en développement, qui absorbent actuellement 90 % de l’accroissement démographique urbain mondial, les quartiers déshérités accueillent un nombre de plus en plus grand de citadins pauvres et vulnérables. Ils ont pour conséquence de marginaliser et d’exclure leurs habitants du reste de la population, et de nuire durablement à leur mobilité sociale.
La nouvelle publication, intitulée en anglais Regenerating Urban Land: A Practitioner’s Guide to Leveraging Private Investment, se penche sur les programmes entrepris dans huit villes — Ahmedabad, Buenos Aires, Johannesburg, Santiago, Séoul, Shanghai, Singapour et Washington —, en décrivant les principales difficultés auxquelles elles ont été confrontées.
En s’appuyant sur l’expérience de ces villes disséminées dans diverses régions du monde, le rapport passe au crible les projets déployés dans différents contextes : quartiers déshérités à l’intérieur des villes, anciens sites industriels ou commerciaux, ports, quais fluviaux ou fronts de mer, et centres historiques. Si ces différents projets de redynamisation et de réhabilitation urbaine diffèrent sur de nombreux plans, ils ont tous en commun d’accorder une place importante à la participation du secteur privé.
Pour chaque étude de cas, les auteurs recensent les bons instruments de financement et de politique publique mis en œuvre, et mettent en évidence les problèmes et les difficultés rencontrés par chaque ville tout au long du processus. La réussite d’un programme de rénovation urbaine repose selon eux sur quatre phases distinctes : le cadrage, la planification, le financement et l’exécution. Pour chaque phase, le rapport expose un ensemble de mécanismes spécifiques auxquels les administrations locales engagées dans un processus de réhabilitation peuvent recourir de manière systématique.
Dans le cas de Singapour, par exemple, la rivière éponyme — et polluée — n’était plus utilisée pour le transport commercial en raison de l’essor des grands ports à conteneurs.
« Les autorités ont misé sur l’importance historique de la rivière Singapour et sur son potentiel de réaménagement et lancé un programme de transformation qui a permis de préserver le patrimoine culturel, d’améliorer l’environnement et de créer un espace de loisirs piétonnier. On peut imaginer d’entreprendre ailleurs des initiatives similaires et parvenir ainsi à redynamiser des villes et des économies régionales », souligne Jordan Schwartz, directeur du pôle de la Banque mondiale pour les infrastructures et le développement urbain situé à Singapour.
Il ne faut cependant pas en déduire qu’il existe une formule passe-partout face à des territoires urbains sur le déclin. Les auteurs font valoir au contraire que, même si les instruments mis en avant dans le rapport ont abouti à de bons résultats dans de nombreuses villes à travers le monde, il n’existe pas de solution universelle qui convienne indifféremment à toutes les villes et à toutes les situations. Ils soulignent également que toutes les villes peuvent se lancer dans un processus de rénovation urbaine : l’important est qu’il soit guidé par une autorité politique forte. En revanche, pour pouvoir mettre à profit les instruments d’aménagement du territoire et de financement, il est indispensable que la ville soit dotée de systèmes de zonage et d’impôt foncier solides et que ces derniers soient bien appliqués.
« Puisque chaque ville est unique, la Banque mondiale a mis au point un outil de décision disponible en ligne qui tient compte des problèmes qui sont spécifiques à chaque ville ainsi que sur sa situation réglementaire et financière, explique Rana Amirtahmasebi, l’un des auteurs du rapport. Grâce aux informations que nous avons structurées dans ce rapport, les administrations locales pourront commencer à inverser le processus de déclin économique, social et matériel qui frappe certains territoires urbains et engager leur ville sur une trajectoire de développement durable et inclusif. »
Voici un aperçu des études de cas :
- La ville de Santiago, au Chili, a perdu presque 50 % de sa population entre 1950 et 1990 tandis que le parc de logements accusait une chute de 33 %. La capitale chilienne est parvenue à renverser la situation en mettant en place un dispositif national d’allocations au logement visant spécifiquement à repeupler les quartiers sinistrés. À partir d’une subvention de 138 millions de dollars, elle a mobilisé un investissement privé de 3 milliards de dollars sur toute la durée de vie du projet.
- La situation de Buenos Aires, en Argentine, est devenue pratiquement insoutenable quand l’expansion de cette ville tentaculaire s’est détournée du centre et que les habitants ont déserté un front de mer au patrimoine architectural et industriel important. La ville a alors recouru à une initiative de rénovation urbaine autofinancée dans le quartier de Puerto Madero afin de réaménager 170 hectares inexploités et de les transformer en une zone de front de mer polyvalente et attractive. L’investissement total a atteint 1,7 milliard de dollars, avec un financement de la ville de 300 millions de dollars tiré de la vente des terrains.
- Le centre-ville de Séoul, la capitale de la République de Corée, se caractérisait par des parcelles de petite taille, des rues étroites et des prix fonciers élevés. Pour toutes ces raisons, son aménagement était trop coûteux et ces quartiers ont connu un fort déclin résidentiel et commercial : entre 1975 et 1995, le nombre d’habitants dans le centre-ville a chuté de moitié, tandis que le nombre de logements précaires (essentiellement des locations et des squats) y était deux fois supérieur à la moyenne de la ville. Séoul a alors lancé le projet de la Cheonggyecheon qui a consisté à détruire une voie express de 18 voies et à aménager une coulée verte de 16,3 hectares, ce qui a entraîné une hausse spectaculaire de la valeur de l’immobilier et une diversification des usages des espaces du centre-ville.
- La ville d’Ahmedabad, en Inde, est marquée à partir de 1975 par la fermeture des moulins textiles situés sur les rives de la Sabarmati. Les ouvriers au chômage s’installent progressivement le long du lit du fleuve, les habitations de fortune insalubres prolifèrent et les inondations deviennent incontrôlables. Cette situation pousse les autorités municipales à lancer un projet de réhabilitation des bords du fleuve : elles créent une société d’aménagement urbain afin de récupérer 200 hectares sur les berges et finance leur projet avec la vente de 14,5 % de cette superficie. Le reste est transformé en parcs publics tandis que les ouvriers sont relogés dans le cadre d’un programme national.
- Au cœur de Johannesburg, en Afrique du Sud, sur une surface de 18 kilomètres carrés, une série d’initiatives de réhabilitation ciblées a permis de faire baisser le taux de biens vacants de 40 à 17 % entre 2003 et 2008, tandis que, inversement, le nombre de transactions immobilières a fortement progressé. Depuis 2001, chaque million de rands (soit 63 000 dollars) investi dans ces quartiers par l’Agence d’aménagement de Johannesburg s’est accompagné de 18 millions de dollars provenant d’investisseurs privés et a abouti à la création de biens immobiliers d’une valeur de 600 millions de rands et d’infrastructures chiffrées à 3,1 milliards de rands.
Pour accéder au rapport intégral et au guide pratique, rendez-vous sur : https://urban-regeneration.worldbank.org/