WASHINGTON, 8 octobre 2014 — Selon la dernière édition du rapport de suivi de la situation économique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (Middle East and North Africa Economic Monitor) du Groupe de la Banque mondiale, la région devrait connaître une croissance moyenne de 4,2 % en 2015, en léger progrès par rapport aux années 2013 et 2014. La croissance de l’économie pourrait même s’établir à 5,2 %, sous réserve d’une reprise de la consommation intérieure, de l’allègement des tensions politiques en Égypte et en Tunisie favorisant le retour des investissements mais aussi d’un redémarrage complet de la production de pétrole en Libye.
« Les conflits violents qui touchent la Syrie, l’Iraq, Gaza, le Yémen et la Libye, et qui n’épargnent ni le Liban ni la Jordanie, pourraient assombrir les perspectives de croissance de la région MENA, souligne Inger Andersen, vice-présidente de la Banque mondiale pour la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Mais avec sa population jeune et instruite, sa position géographique stratégique et ses ressources naturelles, la région a un incroyable potentiel. C’est pour cela que le monde doit se mobiliser en sa faveur et, à l’instar de ce qui a été fait pour l’Europe en 1944, soutenir un plan de redressement. »
Entre la guerre civile qui a éclaté en Syrie voici 4 ans, la prise de contrôle par l’État islamique de pans entiers des territoires syrien et iraquien, les affrontements meurtriers à Gaza en juin et juillet 2014 ou encore l’insurrection permanente au Yémen, la région est le théâtre de plusieurs conflits qui risquent fort d’entraver sa croissance en 2015. En Égypte, en Tunisie et au Maroc, en pleine transition, la croissance devrait s’accélérer à respectivement 3,1, 2,7 et 4,6 %, même si les déséquilibres macroéconomiques et l’ampleur des réformes à achever, notamment en matière de subventions, sont autant d’obstacles à l’afflux d’investissements, nationaux et étrangers, qui pourraient enclencher une croissance durable. En Algérie et en Iran, la croissance ne devrait pas dépasser les 2 à 3 %, alors qu’elle pourrait atteindre 5 % en moyenne dans les pays à revenu élevé (tous exportateurs de pétrole dans le golfe Persique). Mais des difficultés structurelles conjuguées à l’affaiblissement possible du marché du pétrole pourraient à terme porter un coup d’arrêt à cette trajectoire.
Le rapport de la Banque mondiale accorde une place particulière à la nature délétère des subventions énergétiques, très importantes dans la région. Celle-ci connaît actuellement une croissance inférieure à son niveau potentiel et doit faire face à un chômage endémique, des villes polluées et congestionnées et des pénuries d’eau qui fragilisent la production agricole. Le rapport montre comment les subventions à l’énergie ont entretenu ces obstacles au développement et plaide pour que la réforme de ces subventions fasse partie des premières priorités des décideurs.
« Les subventions énergétiques encouragent une production à forte intensité de capital, au détriment de la main-d’œuvre et de l’emploi, et entretiennent ce faisant le chômage élevé que connaît la région, analyse Shanta Devarajan, économiste en chef à la Banque mondiale pour la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Si l’énergie coûtait plus cher, les ressources se tourneraient plutôt vers l’industrie légère, le bâtiment et d’autres secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, ou vers des entreprises plus jeunes et plus dynamiques. »
De nouvelles données semblent attester l’existence d’une corrélation positive entre, d’une part, le prix des carburants et, d’autre part, la croissance du PIB par habitant, la création d’emplois et les performances dans les secteurs du transport et de l’eau. Le rapport exhorte les gouvernements des pays de la région MENA à réduire leurs subventions à l’énergie afin d’installer une dynamique économique créatrice d’emplois sous-tendue par une urbanisation raisonnée et un secteur agricole productif.