Les obstacles sont de nature juridique et sociale mais sont liés aussi à l’inadéquation des compétences et au caractère limité des perspectives dans le secteur privé
BEYROUTH, 15 mars 2013 – La région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) a déployé des efforts admirables au cours des quatre dernières décennies pour réduire les inégalités entre les sexes, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la santé. Mais, paradoxalement, ces investissements dans le capital humain ne se sont pas accompagnés d’un accroissement de la participation des femmes à la vie économique et politique, et le taux d’intégration des femmes au marché du travail dans la région MENA est inférieur de moitié à la moyenne mondiale.
La Banque mondiale a publié aujourd’hui un nouveau rapport intitulé Opening Doors: Gender Equality in the Middle East and North Africa à l’occasion d’une présentation organisée conjointement par le Carnegie Middle East Center de Beyrouth et le Carnegie Endowment for International Peace de Washington en collaboration avec la Banque mondiale.
La vague de changements qui déferle sur la région depuis deux ans offre des occasions pour promouvoir l’égalité des sexes, mais induit aussi des risques de retour en arrière. Comme Inger Andersen, Vice-présidente de la Banque mondiale pour la Région MENA, l’écrit dans l’avant-propos du rapport : « Il n’y a pas que sur les places publiques où la contestation s’est installée que nous avons vu des femmes dont les aspirations évoluent rapidement mais sont de moins en moins concrétisées… C’est certainement là un problème important auquel nous devons faire face tandis que la région subit de profondes mutations ».
Le rapport attire l’attention sur l’ensemble d’obstacles qui empêchent les femmes de prendre des décisions, de faire des choix, d’être mobiles et de saisir les opportunités. « Les obstacles qui se dressent entre les femmes et l’emploi sont souvent de nature juridique et sociale », déclare Manuela Ferro, directrice des activités de réduction de la pauvreté et de gestion économique pour la Région MENA à la Banque mondiale. « Les pays de la région MENA ont investi avec clairvoyance dans l’éducation des femmes, mais ils ne sollicitent pas encore tout leur potentiel pour promouvoir la croissance et la prospérité. En fin de compte, accroître la participation des femmes au marché du travail constitue une option judicieuse au plan économique ».
Les conclusions du rapport s’appuient sur des données économiques quantitatives, des analyses qualitatives et d’autres données internationales pour recenser les domaines prioritaires dans lesquels des mesures peuvent promouvoir davantage l’égalité entre les sexes.
Le rapport souligne que, dans la région MENA, les créations d’emplois dans le secteur privé ont été trop limitées pour absorber le nombre important et croissant de jeunes demandeurs d’emploi. De plus, dans cet espace déjà étroit, les femmes ne peuvent rivaliser sur un pied d’égalité. Les jeunes femmes sont confrontées à des taux de chômage pouvant aller jusqu’à 40 % dans beaucoup de pays de la région. Pour les responsables de l’action publique, l’un des défis essentiels consistera à créer un ensemble important et diversifié de possibilités d’emploi pour les femmes et les hommes.
Même si l’on crée des emplois, il faut engager des efforts ciblés sur plusieurs fronts pour accroître la participation des femmes à la vie économique et politique, et ces efforts doivent être adaptés à la situation de chaque pays. Cela nécessite de modifier les politiques pour obtenir l’égalité des femmes au regard de la loi, de s’attaquer aux insuffisances et aux inadéquations en matière de compétences, et de promouvoir résolument la participation économique, civique et politique des femmes.
Des consultations ont été organisées à travers la région afin de rassembler des informations pour élaborer le rapport. À cette occasion, les femmes ont exprimé à maintes reprises leur désir de travailler et ont déploré le manque d’opportunités d’emploi — en mettant l’accent sur les contraintes imposées par des normes sexospécifiques conservatrices. L’un des thèmes récurrents de ces discussions est le rôle joué par les lois qui régissent la capacité des femmes à faire des choix, à se déplacer librement et à profiter des opportunités existantes.
Tara Vishwanath, économiste principale au Département de la réduction de la pauvreté et de la gestion économique, a exposé un ensemble de recommandations à partir des conclusions du rapport : « Certains pays vont devoir combler les inégalités qui subsistent entre les sexes dans les domaines de l’éducation et de la santé, et améliorer la fourniture de services », déclare-t-elle. « Tous les pays vont devoir développer activement des possibilités économiques pour les femmes en supprimant les obstacles à leur participation à la vie active et en encourageant l’esprit d’entreprise. Il est également important de donner plus de poids à la voix des femmes et de garantir leur accès à un système juridique équitable ». Le rapport rappelle que l’élaboration de politiques efficaces dépendra du contexte national et devra s’appuyer sur les faits et les données disponibles.