WASHINGTON, 18 septembre 2011 — L’égalité entre hommes et femmes est un objectif de développement fondamental en soi, mais elle est aussi un atout pour l’économie. Comme le souligne un nouveau rapport phare de la Banque mondiale, les pays qui améliorent les opportunités et la situation des femmes et des filles peuvent accroître leur productivité, améliorer les conditions de vie de leurs enfants, rendre leurs institutions plus représentatives et renforcer les perspectives de développement pour tous.
Selon le Rapport sur le développement dans le monde 2012 : Égalité des genres et développement, les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) ont accompli des progrès rapides dans l’amélioration de l’espérance de vie des femmes et de leur accès à l’éducation, ainsi que dans la baisse des taux de fécondité. De fait, parmi l’ensemble des régions du monde en développement, la région MENA est celle qui a enregistré la plus forte baisse du taux de mortalité maternelle (59 %) entre 1990 et 2008. Et, au cours de la décennie écoulée, la scolarisation des filles a connu un essor plus rapide que celle des garçons.
Mais, en dépit de ces avancées dans le développement humain, les femmes de la région MENA sont confrontées a des disparités persistantes au niveau de l’accès aux opportunités économiques et elles se heurtent à de multiples obstacles sur le marché de l’emploi. Le taux de participation féminine à la vie active n’atteint que 26 % dans la région, loin derrière la moyenne mondiale de 52 %. En Jordanie, 15 % seulement des femmes âgées de 29 à 65 ans travaillent, contre 79 % chez les hommes.
L’existence, à travers la région MENA, de normes sociales conservatrices et de restrictions juridiques entravant la mobilité et l’exercice du choix limitent aussi le pouvoir de décision des femmes et leur capacité à participer à la vie sociale en dehors de leur foyer. À cette exclusion féminine s’ajoute de surcroît le manque d’emplois qui touche tous les citoyens de la région MENA. Les forts taux de chômage chez les jeunes — auxquels les femmes sont exposées de manière disproportionnée — constituent un défi particulièrement important pour la région. Les revendications de changement exprimées par les jeunes de la région ces derniers mois font finalement ressortir à quel point il est nécessaire d’accroître les possibilités de participation économique et sociale pour tous.
L’édition 2012 du Rapport sur le développement dans le monde, qui traite de la question de l’égalité des genres à l’échelle de la planète, décrit les grandes avancées réalisées dans la réduction des disparités entre hommes et femmes, tout en mettant aussi en évidence les écarts persistant dans de nombreux domaines. La pire de ces disparités réside dans le différentiel de taux de mortalité entre les genres dans les pays en développement : le surcroît de mortalité féminine après la naissance et les « filles manquantes » à la naissance représentent selon les estimations 3,9 millions de femmes chaque année dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Environ les deux cinquièmes d’entre elles n’ont jamais vu le jour parce que leur famille voulait un garçon, un sixième sont décédées pendant leur petite enfance et plus d’un tiers ont perdu la vie pendant leurs années reproductives. Et cette tendance s’accentue en Afrique subsaharienne, surtout dans les pays durement touchés par le VIH/SIDA.
« Nous devons changer les règles des inégalités », a déclaré à ce sujet le président du Groupe de la Banque mondiale, Robert B. Zoellick. « Au cours des cinq dernières années, le Groupe de la Banque mondiale a contribué un montant de 65 milliards de dollars pour promouvoir l’éducation des filles, la santé des femmes et l’accès de ces dernières au crédit, à la terre, aux services agricoles, à l’emploi et aux infrastructures. Ces efforts sont certes importants, mais ils ne sont pas à la hauteur des besoins et n’occupent pas une place suffisamment centrale dans notre programme d’action. À l’avenir, le Groupe de la Banque mondiale intégrera systématiquement les questions d’égalité des genres dans ses activités, et trouvera de nouveaux moyens de promouvoir les actions en ce domaine pour permettre à la moitié de la population de la planète de réaliser pleinement son potentiel. »
Le rapport fournit des exemples des progrès que pourraient réaliser les pays en s’attaquant aux disparités entre hommes et femmes :
- Selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), donner aux agricultrices et aux agriculteurs le même accès aux ressources productives pourrait entraîner un accroissement de la production agricole de l’ordre de 2,5 à 4 % dans les pays en développement.
- L’élimination des obstacles à l’emploi de femmes dans certaines professions ou dans certains secteurs aurait des effets positifs similaires, en réduisant l’écart de productivité entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins d’un tiers, voire même de moitié, et en accroissant la production individuelle de 3 à 25 % dans un large éventail de pays.
« Empêcher les femmes et les filles d’acquérir les compétences et d’obtenir les revenus nécessaires pour réussir dans une économie mondialisée est moralement injustifiable et préjudiciable sur le plan économique », a fait valoir Justin Yifu Lin, économiste en chef et premier vice-président de la Banque mondiale pour l’Économie du développement. « Il est essentiel d’assurer un partage égal des fruits de la croissance et de la mondialisation entre les hommes et les femmes pour pouvoir atteindre les grands objectifs de développement. »
Le rapport observe également qu’au cours des 25 dernières années, dans le monde entier, le fossé entre hommes et femmes s’est considérablement réduit dans l’éducation, la santé et sur le marché du travail. Dans la quasi-totalité des pays, les disparités entre garçons et filles à l’école primaire ont disparu. Au niveau du secondaire, ces écarts sont en train de se combler rapidement, et dans de nombreux pays, notamment en Amérique latine, aux Caraïbes et en Asie de l’Est, ce sont aujourd’hui les garçons et les jeunes hommes qui sont pénalisés. Ainsi, dans 45 pays en développement, les filles sont actuellement plus nombreuses que les garçons à fréquenter les établissements d’enseignement secondaire, et dans 60 pays en développement, on dénombre plus d’étudiantes que d’étudiants dans les universités. On note des progrès analogues pour l’espérance de vie : désormais, dans les pays à revenu faible, non seulement les femmes vivent plus longtemps que les hommes, mais elles ont également gagné 20 années d’espérance de vie par rapport à 1960. Et, dans une grande partie du monde, les différentiels de taux d’activité reculent, puisqu’un demi-milliard de femmes sont entrées dans la population active au cours des 30 dernières années.
Les disparités qui persistent concernent la faiblesse relative des taux de scolarisation des filles défavorisées ; les disparités au niveau de l’accès aux opportunités économiques et des revenus, que ce soit sur le marché du travail, dans l’agriculture ou dans l’entreprise ; et les différences marquées entre l’influence qu’ont les hommes et les femmes au sein du ménage et dans la société.
Le rapport fait valoir que la structure des progrès et la persistance des efforts déployés pour éliminer les disparités entre les genres sont importantes pour les politiques de développement. L’augmentation des revenus contribue à réduire certains écarts, par exemple dans l’éducation. À mesure que les écoles se développent et que les possibilités d’emploi augmentent pour les jeunes femmes, les parents constatent qu’il est manifestement avantageux d’éduquer leurs filles. Trop souvent, toutefois, les marchés et les institutions (y compris les normes sociales concernant les travaux ménagers et les soins à la famille) conjuguent leurs effets à ceux des décisions prises par les ménages pour perpétuer les disparités entre les hommes et les femmes. À cet égard, les écarts entre les revenus des hommes et des femmes restent profondément enracinés et ne cessent de persister dans la majeure partie du monde.
Le Rapport sur le développement dans le monde 2012 prône la poursuite d’une action dans quatre domaines afin de : 1) s’attaquer aux questions de capital humain, telles que le surcroît de mortalité des filles et des femmes et les poches d’inégalités qui persistent en matière d’éducation ; 2) combler les écarts entre les niveaux de rémunération et la productivité des femmes et des hommes ; 3) accroître l’influence des femmes au sein du ménage et dans la société ; et 4) lutter contre la perpétuation des disparités entre hommes et femmes d’une génération à la suivante.
« La poursuite d’une action publique nationale ciblée reste essentielle à la promotion de l’égalité des genres », a noté Ana Revenga, codirectrice du rapport. « Et, pour être efficaces, les stratégies devront s’attaquer aux causes profondes des disparités entre les genres. Face à certains problèmes, comme l’ampleur de la mortalité maternelle, il faudra renforcer les institutions qui assurent la prestation des services. Pour d’autres, comme l’accès inégal aux opportunités économiques, des mesures devront être prises dans le but de s’attaquer aux multiples obstacles — sur les marchés et au sein des institutions — qui confinent les femmes dans des emplois peu productifs et peu rémunérés. »
Pour assurer la poursuite des progrès au plan de l’égalité des genres, la communauté internationale doit apporter un complément aux politiques mises en œuvre dans les pays.
« Les partenaires de développement peuvent appuyer les politiques nationales de diverses manières — en accroissant leur appui financier, en encourageant l’innovation et en renforçant leurs partenariats », a expliqué à ce sujet l’autre codirecteur du rapport, Sudhir Shetty. « L’offre de financements supplémentaires à l’appui de la fourniture d’eau potable, de l’assainissement et de services de santé maternelle, par exemple, aidera les pays les plus pauvres. La poursuite de nouvelles expériences, l’évaluation systématique des interventions et l’amélioration des données sexospécifiques pourront fournir des indications sur la manière d’améliorer l’accès des femmes aux marchés. Enfin, il serait profitable d’élargir les partenariats pour inclure le secteur privé, des groupes de la société civile et les centres universitaires. »