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Podcast17 mars 2025

Les femmes, moteurs de l'économie locale

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00:00 Introduction

01:57 Rencontre avec Djénabou Cocker Bangoura, cheffe d’entreprise, promotrice de Délice de Guinée

05:05 Témoignage de Fahima Mohamed, agricultrice, activiste et fondatrice de la coopérative Women Initiative à Djibouti

09:39 Entretien avec Safiétou Kane, entrepreneure à la tête de l'entreprise familiale Maaro Njawaan en Mauritanie

14:08 Conclusion

Dans ce nouvel épisode de People First Podcast, nous mettons en lumière les initiatives impactantes de trois femmes exceptionnelles de l'agribusiness africain : Djénabou Cocker Bangoura, Fahima Mohamed, et Safiétou Kane.

Rejoignez-nous pour un voyage inspirant à travers la Guinée, Djibouti et la Mauritanie, et découvrez comment ces femmes utilisent l'agriculture pour autonomiser les femmes et les jeunes, créer des emplois, et améliorer les conditions de vie dans leurs communautés respectives.

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People First Podcast - Saison 3

« Si quelqu’un me dit « tu ne peux pas, » c’est là où je vais vraiment me battre dessus. Mais qu’est ce qui me donne cette envie de me lever chaque matin ? C’est de mettre des sourires sur les visages des gens, et sur mon visage aussi. C’est faire des trucs que j’aime. C’est pour cela que, j’ai préféré être libre, travailler quand je veux, et faire ce que je veux. » - Fahima Mohamed, fondatrice de la coopérative Women Initiative

Rama George : Bonjour à toutes et à tous. Bienvenue dans le podcast People First, le podcast qui met en avant les voix de la Banque mondiale pour la région Afrique de l’Ouest et du Centre. Je suis Rama George, et je suis ravie de vous retrouver.

Dans ce nouvel épisode et en ce mois de mars dédié aux femmes, j’ai le plaisir de partager avec vous ma rencontre avec trois femmes inspirantes. A travers leurs initiatives, elles arrivent à transformer des communautés entières, créer de l’emploi pour les jeunes et les femmes, tout en encourageant l'essor de l'entrepreneuriat dans le domaine agricole.

Dans un premier temps, nous allons à la rencontre de Djénabou Cocker Bangoura, une cheffe d’entreprise guinéenne, ensuite Fahima Mohamed activiste de genre et figure engagée dans le secteur agricole de Djibouti, et enfin Safiétou Kane, jeune entrepreneure mauritanienne.

Mais qu’ont-elles en commun ? Nos invitées partagent un engagement pour l'autonomisation des femmes et l'amélioration des conditions de vie des communautés. En utilisant l'agriculture et l'agroalimentaire comme leviers de changement économique et social, elles créent des opportunités pour les femmes et les jeunes. Leur engagement pour le développement durable, les droits des femmes, et la santé publique est LE fil conducteur de leurs actions.

L'agriculture joue un rôle crucial dans l'économie des pays africains. En Guinée, elle constitue la principale source de revenus pour 57 % des foyers ruraux et emploie plus de la moitié de la population active. Transformer l'agriculture de subsistance en une agriculture axée sur la productivité est donc essentiel pour renforcer la sécurité alimentaire, la résilience climatique et la compétitivité.

Pour en savoir plus, nous nous sommes rendus au siège de la société Délice de Guinée pour rencontrer Djénabou Cocker Bangoura, la cheffe d’entreprise.

Rama George : Bonjour Djénabou !

Aujourd’hui vous êtes à la tête de deux entreprises. Tout d’abord, Délice de Guinée, celle où nous nous trouvons actuellement. Ensuite vous gérez aussi le groupe « Aucune Femme Sans Emploi » qui soutient les femmes et les jeunes en zones rurales en leur donnant une formation. 

Alors … Selon vous, quelle est la place de la femme dans le milieu agricole ?

Djénabou Bangoura : Ce que le sang représente dans le corps humain, c’est ce que la femme représente dans le milieu agricole. La femme est à la base de tous les produits que nous consommons…Ceux sont les femmes qui font les pépinières, qui travaillent dans les champs et qui commercialisent. La femme est une actrice principale dans le milieu agricole.

Rama George : Vous avez dû surmonter certains obstacles pour créer vos deux entreprises. Pouvez-vous partager avec nos auditeurs votre expérience ?

Djénabou Bangoura : Nous avons rencontré beaucoup de problèmes parce que la femme n’a pas encore droit à la terre. Notre objectif aujourd’hui est de pouvoir pousser les femmes à cultiver et transformer les produits locaux. Il faut avoir les fonds nécessaires pour pouvoir démarrer. Les banques demandent beaucoup de garanties pour donner le fonds. Ce sont ces garanties que les femmes n’ont pas le plus souvent en Afrique.

Rama George : Racontez-nous comment votre entreprise, « Aucune Femme Sans Emploi », fonctionne. Comment arrivez-vous à soutenir les femmes et les jeunes en leur donnant une formation ?

Djénabou Bangoura : Pour promouvoir l’emploi des jeunes et des femmes au sein de notre entreprise, nous les formons déjà. Après la formation, nous les accompagnons pour avoir un petit financement pour, par exemple, aller dans le village faire de la culture du piment, du gingembre, du fonio que nous rachetons et transformons ensemble. 

Nous leur apprenons à valoriser les produits locaux. Et comme ils apprennent avec nous, eux-mêmes, ils arrivent à encourager d’autres personnes à faire la même chose qu’eux. Avec cette chaine de valeur, nous arrivons à créer de l’emploi au niveau de la jeunesse. 

Ils s’auto emploient et on les emploie aussi. Ils nous revendent leur culture. Après la transformation, nous les payons. Donc nous créons de l’emploi au niveau des jeunes et des femmes, en valorisant les produits locaux.

Rama George : Combien de personnes employez-vous ?

Djénabou Bangoura : Aujourd’hui, au moins avec 25 femmes. Et en même temps, les mêmes personnes encouragent les autres qui sont dans les villages, à produire.  C’est quand les jeunes du village produisent que nous nous arrivons à transformer. 

Beaucoup de femmes sont autonomes. 

Le changement est vraiment visible !

A présent, cap vers l’Afrique de l’Est, plus précisément à Djibouti. Avec un peu plus d’un million d'habitants, ce petit pays de 23 000 km2, dépend des marchés étrangers pour nourrir sa population, en raison de ses terres arables limitées et des faibles précipitations.  Cette situation le rend vulnérable aux fluctuations économiques.

Quant aux femmes, elles, rencontrent de grandes inégalités économiques et sociales : un taux de chômage élevé et une forte participation au travail informel, notamment en zones rurales. Le taux de réussite scolaire des filles est inférieur à celui des garçons (d’environ 39% contre 44%). Les filles sont également exposées aux mariages précoces, ce qui limitent leurs opportunités d’emploi.

C’est dans ce contexte qu’une figure éminente comme Fahima Mohamed dans le secteur agricole veut changer la donne. Elle est agricultrice, activiste et agri-influenceuse. Elle est aussi fondatrice de la coopérative Women Initiative qui défend l'équité entre les sexes et l’autonomisation des femmes dans l'agriculture par le biais d’initiatives environnementales et agricoles durables. Nous la retrouvons dans sa ferme agricole.

Bonjour Fahima !

Fahima Mohamed : Bonjour !

Rama George : Pourriez-vous nous raconter votre parcours et ce qui vous a permis d’arriver là où vous êtes aujourd’hui ?

Fahima Mohamed : J’ai eu une éducation assez normale à Djibouti. Après je suis allée en France, à Nantes. J’ai fait droit et science po.

Quand je suis revenue sur Djibouti, tout a changé. Le social est venu vers moi.

Rama George : Est-ce à ce moment-là que vous avez eu l’idée de créer votre coopérative ?

Fahima Mohamed : Women Initiative est arrivé à un constat, en 2016, … avec beaucoup de jeunes femmes revenues d’Europe et des Etats Unis d’Amérique…, on voulait trouver du travail sur Djibouti. Beaucoup de choses manquaient. Et on s’est dit pourquoi ne pas faire un endroit…

de networking avec l’idée de mettre ensemble des femmes qui avaient déjà une situation, qui avaient un carnet d’adresse et les mettre avec d’autres qui étaient en train de chercher un emploi, de créer leur propre entreprise, sr Djibouti. C’était très simple. Mais après, c’est devenu grand !  

Aujourd’hui, on s’occupe de plein de choses. On travaille dans le domaine de l’entreprenariat, du social. On a 376 jeunes femmes, qui ont moins de 30 ans, qui font leurs études ou qui travaillent sur Djibouti et qui sont vraiment les fruits de Women Initiative.  

Women Initiative est un catalyseur féminin. Mais on veut vraiment venir vers les jeunes garçons aussi.

Rama George : Quels sont les luttes qui vous sont le plus chères ?

Fahima Mohamed : Beaucoup de luttes me sont chères. La première est la scolarisation… Qu’il y ait moins de grossesses précoces. Mais il y a aussi, la sante menstruelle : qu’aucune fille aujourd’hui ne rate l’école parce qu’elle n’a pas les protections hygiéniques adéquates. Le plus important pour moi est le foncier agricole pour les femmes. 

Je veux vraiment que le foncier agricole soit quelque chose de palpable, quelque chose de « affordable ». La dernière lutte pour moi, c’est qu’il y ait plus de femmes, qui aient de grandes fermes, et de grandes propriétés de 100 à 200 hectares. Je me bats pour ça ! Pour qu’il y ait plus de femmes qui arrivent à générer des revenus et vivre de l’entreprenariat agricole féminin à Djibouti.

Rama George : A votre avis, quelle est la place de la femme dans l’agriculture dans votre pays ?

Fahima Mohamed :  La place de la femme dans l’agriculture à Djibouti est primordiale. Ce sont les femmes qui vont mettre les graines. C’est la ménagère qui va au marché pour consommer nos fruits et nos légumes. 

Travailler la terre est quelque chose de très important pour moi, parce que on a tous besoin de manger. On n’a pas le choix.

Rama George : Si vous pouviez changer une chose pour les femmes ici, à Djibouti, quelle serait-elle ?

Fahima Mohamed : J’ai beaucoup de rêves, mais un de mes rêves c’est un Djibouti vert, un Djibouti où 100% de ce que nous mangeons dans nos assiettes est djiboutien. C’est-à-dire du terroir djiboutien. Un Djibouti où les prix ne flambent pas. Un Djibouti où les femmes ont beaucoup de droits, où une femme peut décider ce qu’elle veut : être ingénieure, travailler la terre, être maçon, travailler dans la construction...

Rama George : Avez-vous un message à faire passer à nos auditeurs ? Le mot de la fin, pour laisser votre empreinte ?

Fahima Mohamed : Je veux sensibiliser tous les jeunes, toute personne aujourd’hui qui veut investir en Afrique. N’investissez pas dans les bâtiments. Investissez dans les sols, investissez dans la terre, investissez pour tout ce qui est local, qu’on arrive aujourd’hui à consommer ce qui est produit comme on appelle dans notre terroir, s’il vous plait.

Selon les études de la Banque mondiale, un secteur agricole non compétitif entraîne une dépendance accrue aux importations et limite la capacité de l'agriculture à réduire la pauvreté en milieu rural.

Pour vous donner un paysage contrastant, nous allons maintenant à la rencontre d’une jeune entrepreneure mauritanienne qui a su surmonter des obstacles en tremplins. En constatant la difficulté des riziculteurs locaux pour écouler leur récolte, elle crée une entreprise locale pour les soutenir. Notre prochaine invitée s’appelle Safiétou Kane.

Bonjour Safiétou !

Safiétou Kane : Bonjour !

Rama George : Expliquez-nous l'initiative de votre entreprise familiale, Maaro Njawaan ?

Safiétou Kane :  Alors, à Maaro Njawaan, nous rachetons le riz paddy produit localement avec les producteurs locaux. Ensuite, nous le transformons dans notre usine que nous avons localisée à Tékane, dans la région de Trarza en Mauritanie.

Nous sommes la deuxième entreprise de riz local privée. 

En 2015, le l'État mauritanien décide d'arrêter de racheter le riz local paddy des agriculteurs. Ainsi, les usines qui travaillaient pour l'État ferment aussi naturellement. Donc venant d'une famille d'agriculteurs, mes frères et moi avons décidé de saisir cette opportunité pour créer notre propre entreprise qu'on a décidé d'appeler Maaro Ndjawaan parce que en peulh et en hassani on dit « maaro » pour dire « le riz », et « njawaan » parce que c'est un fleuve dans notre village.

Rama George : A votre avis, que faudrait-il faire pour attirer plus de jeunes vers le secteur agricole et favoriser la création d’emplois ?

Safiétou Kane : Je pense qu’en facilitant l'accès au financement, en mettant l'accent sur les jeunes, et en aménageant nos terres arables, nous serons en mesure de promouvoir l'agriculture locale. Ainsi, dans le futur, nous pourrons atteindre l'autosuffisance alimentaire et considérablement diminuer le taux de chômage des jeunes qui est assez élevé en Afrique.

Rama George : Au regard de votre expérience dans ce domaine depuis 2017, quels conseils donneriez-vous à des jeunes voulant se lancer dans l’agribusiness ?

Safiétou Kane : A ces jeunes, je leur conseillerais de formaliser leurs entreprises. Ensuite de faire structurer leurs entreprises par des professionnels dès le début. On a tendance à se dire que ce n'est pas important tant qu’on n’a pas un certain nombre d'employés. Mais je pense que c'est une erreur.  Je pense que l'organisation de l'usine et la répartition claire et nette des tâches sont cruciales. Troisièmement, je leur conseillerais aussi de faire une bonne étude du marché pour maîtriser la commercialisation de leurs produits ; même si c'est quelque chose qui est très difficile en Mauritanie parce que le marché est très aléatoire. En dernier, je leur conseillerais, comme on dirait en anglais, « Last but not least », de mettre l'accent sur la qualité de leurs produits. Car c'est la qualité qui tisse le lien avec le client.

Rama George : En parlant de qualité des produits, vous mettez également l’accent sur le packaging, n’est-ce pas ?

Safiétou Kane : Ce qui a vraiment fait la différence au début, c'est la qualité.

Si tu n'as pas un produit de qualité, eh bien tu ne vendras pas ton riz. Mais pour ceux qui étaient plus hésitants, c'est le packaging qui les a attirés pour acheter. Ils ont vu que c'était un bon produit et voilà.

Rama George : Qu'espérez-vous accomplir avec votre entreprise ?

Safiétou Kane : J'espère pouvoir motiver d'autres femmes à se lancer pas seulement dans le domaine de de l'Agro-business mais juste à se lancer dans l'entrepreneuriat en général pour avoir une certaine indépendance financière, même s'il y a beaucoup d'obstacles à franchir tels que la formation ou les accès au financement.  

J'espère aussi que Maaro Njawaan aura permis à nos employés, surtout les femmes, d'être plus indépendantes financièrement. Et à nos partenaires et nos fournisseurs, qui sont majoritairement des pères de famille, d'avoir financé les études de leurs filles.

Rama George : Formation, accès au financement et aux terres, création d’emplois, promotion locale, et entraide... Voici les mots-clés à retenir de ces entretiens.

En fait, il s’agit de s'engager dans l'agrobusiness sans complexe. Finissons donc cet épisode avec le slogan de cette jeune et inspirante entrepreneure. 

Safiétou Kane : « Produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons » passe un message d'espoir et de fierté d'une jeune femme diplômée mauritanienne qui pense pouvoir contribuer au développement de son pays qu'elle aime tant.

Rama George : Ce sont quelques exemples de réussite sur le continent africain avec des femmes entrepreneures promouvant la consommation locale, renforçant la confiance et la fierté vis-à-vis des producteurs nationaux.

Ainsi s'achève cet épisode, consacré aux femmes entrepreneures de l'agribusiness africain.

Au nom de toute l’équipe, je vous remercie de nous avoir suivis et espère que vous avez apprécié ces témoignages. Rejoignez-nous lors de notre prochain épisode pour explorer d'autres solutions innovantes qui contribuent à façonner l'avenir de l'Afrique. 

En attendant, si vous aimez notre podcast, laissez-nous un commentaire et cinq étoiles dans l’appli Apple Podcast ou sur votre plateforme préférée de podcast. Vous avez des propositions de sujets pour nos épisodes à venir ? Nous serions ravis de répondre à vos intérêts et de valoriser votre fidélité. 

Il n’y a plus qu’une chose à faire ! Nous contacter par mail : peoplefirstpodcast@worldbank.org  

A très vite ! 

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À propos du People First Podcast:

People First Podcast vient apporter un éclairage humain et concret sur les thématiques de développement spécifiques aux habitants d'Afrique de l'Ouest et du centre, et sur la contribution de la  Banque mondiale. People First Podcast, pour un développement durable et inclusif !

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