Dans ce nouvel épisode de People First Podcast, rejoignez-nous à table avec quatre chefs africains engagés en faveur d'une gastronomie durable.
Au menu, découvrez leurs recettes adaptées aux enjeux du changement climatique et comment ils valorisent une économie culinaire circulaire, ainsi que les ingrédients et producteurs locaux.
Face aux crises alimentaires mondiales, il est crucial de repenser nos habitudes de consommation. La richesse et la diversité de l’héritage culinaire africain offrent des solutions prometteuses pour améliorer la sécurité alimentaire et relever les défis du développement.
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La gastronomie africaine, la véritable gastronomie africaine, je pense, c'est la gastronomie d'avenir.
La préservation des techniques culinaires africaines est essentielle, parce que c'est un savoir-faire spécifique qui était né des habitudes.
On connaît déjà l’Afrique pour certains plats, mais il faut vraiment développer cela. Moi, j'y travaille depuis plusieurs années, et c'est essentiel d'apporter l'essence traditionnelle culinaire africaine vers l'autre, parce que d'abord il y va de la politesse et puis de la culture.
Rama George : Bonjour à toutes et à tous. Je suis Rama George, et je suis ravie de vous retrouver de nouveau pour un nouvel épisode du Podcast People First, le podcast de la Banque mondiale, région Afrique de l’Ouest et du Centre, qui donne la parole à ses habitants.
Aujourd’hui, me voici dans un restaurant parisien pour parler gastronomie. Oui, vous avez bien entendu. Nous aurons le plaisir de partager avec vous, notre conversation avec des chefs africains engagés et porteurs de messages forts, qui ont aussi participé à notre série Instagram « Le goût du changement ».
Avez-vous déjà regardé un de ces épisodes ? Si la réponse est non, voici une petite mise en bouche. « Le goût du changement » ou « Taste of Change » en anglais, est une série d’entretiens avec des chefs de cuisine africains autour d’un plat réaménagé à leur façon, et mettant en valeur des céréales ou ingrédients de base. Chaque épisode de 90 secondes est produit avec le soutien de chefs et partenaires internationaux comme l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (la FAO) ou le Programme alimentaire mondial (le PAM).
L’idée est d’encourager les gouvernements et les communautés à renforcer la sécurité alimentaire face au changement climatique, à travailler avec les producteurs locaux, à transformer les systèmes alimentaires et, enfin, à étendre les programmes de protection sociale. [lien a un episode].
Nous accueillons à notre table la cheffe Georgiana Viou, du Bénin, la cheffe Maame Boakye, du Ghana, la cheffe Fatmata Binta, de la Sierra Leone et le chef Christian Abégan, du Cameroun.
Avant de poursuivre, laissez-moi vous présenter chacun d’entre eux.
Tout d’abord, Georgiana Viou, qui est cheffe étoilée du restaurant Rouge, à Nîmes, dans le sud de la France.
Ensuite, à ma droite, Maame Boakye, cheffe de cuisine du restaurant GHastro basé à Accra, au Ghana. A ma gauche, la cheffe Fatmata Binta, ambassadrice pour un tourisme responsable qui évoquera son engagement pour préserver l'héritage culinaire africain, la durabilité et l'autonomisation des communautés rurales.
Et enfin, Christian Abégan, expert en gastronomie et en sécurité alimentaire. Ce qui le passionne ? La cuisine inspirée par la terre, les traditions et le savoir-faire du continent africain.
J’espère que vous avez faim car c’est parti pour un repas bien copieux !
**A la découverte de la gastronomie africaine** :
L'art culinaire occupe une place prépondérante dans la culture africaine. C’est un symbole d'identité, de créativité, de transmission des savoirs et de célébration de la diversité entre individus, communautés et cultures qui font le panorama culinaire africain.
Christian Abégan : La cuisine a beaucoup évolué. J'ai un peu plus de 35 ans d'expérience dans ce métier. Et tout ce qu'on a pu faire comme travail a pu booster les gastronomies d'Afrique.
** Utilisation des produits locaux et de saison ** :
Rama George : Malgré cette évolution, beaucoup de chefs, comme vous, continuent à mettre en valeur cette richesse culinaire à travers le choix d’ingrédients disponibles sur le continent ou de saveurs. Du mil, au sorgho, aux tubercules comme l'igname et le manioc, passant par les épices, tous ces produits locaux ont une valeur nutritive sans pareil.
Cheffe Maame, pouvez-vous nous parler de l’intérêt de soutenir les producteurs locaux et de la manière dont cela influence votre cuisine ?
Maame Boakye [Traduction de l’Anglais] : Alors que nous sommes dans une démarche de plaidoyer pour l'Afrique, je pense qu'il est également important de défendre sa cuisine et ses ingrédients. N'oubliez jamais de soutenir les femmes du marché. N'oubliez jamais de vous efforcer d'utiliser des ingrédients locaux pour soutenir les agriculteurs qui travaillent dur pour s'assurer que nous disposons d'ingrédients frais, naturels et de qualité.
Rama George : Et pour vous, chef Christian ?
Christian Abégan : Les ingrédients locaux sont une valeur ajoutée et surtout les saisonniers. Vous savez que moi quand j'étais petit, il y avait des lentilles que je voyais qu'on ne servait que pendant les fêtes de Noël. Elles étaient brunes, très très très petites et qu'on a de moins en moins parce que les gens n'en achetaient plus ou alors ne recherchaient plus au profit d'autres produits. Je pense que consommer les produits locaux et de saison, c'est de l'excellente résilience parce qu'on fait travailler les campagnes, on fait travailler les fermiers.
Rama George : Cheffe Maame insiste sur ce point important, à savoir la promotion des pratiques de pêche durables pour assurer la préservation des écosystèmes, et la sensibilisation à la gestion durable des ressources fluviales ou maritimes.
En revanche vous, chef Christian, vous êtes un aficionado du manioc. Vous avez proposé un repas à base de manioc pour la série sur Instagram !
Christian Abégan : Le manioc, pour moi, est une solution pour l'avenir. C'est un don gracieux du ciel. On doit tout faire pour pouvoir le développer parce que le manioc ne détruit pas le sol. Il a beaucoup de vertus. Et on le consomme de la racine à la feuille.
Il y a beaucoup de pays qui ont comme plat principal traditionnel le manioc. On en produit des tonnes et des tonnes, que ce soit le Nigeria, le Cameroun, le Congo, les deux Congos, Madagascar. Je pense que c'est l'un des premiers produits qu'on peut avoir dans les champs.
Rama George : Nous sommes à table, mais si je vous demandais de partager votre recette de manioc préférée, que serait-elle ?
Christian Abégan : J'en ai deux. La première, c'est des ravioles qu'on fait à base de manioc et puis du canard fumé. Ça, j'aime beaucoup. Et aussi des crêpes pour les enfants, vraiment de la semoule de manioc, rincée avec de l'eau, un peu de sucre et puis des fruits, en dessert.
** Transmission des savoirs ancestraux ** :
Rama George : Quand on parle de la gastronomie africaine, il faut rappeler qu’il s’agit de la transmission de recettes et de savoirs ancestraux de génération en génération.
À vous, cheffe Georgiana, pourquoi est-il si important de préserver les arts culinaires ancestraux en Afrique ?
Georgiana Viou : Parce qu'en Afrique noire, la transmission en cuisine se fait par le geste et à l'oral. Il y a très peu d'écrits. Il faudrait vraiment qu'on se mobilise tous et qu'on fasse ce devoir de mémoire. Pour moi, c'est un devoir de mémoire, parce que sinon, dans 20 ans, même dans 20 ans, ce n'est pas loin, on ne saura plus. Surtout que si je prends le cas du Bénin, il y a beaucoup de recettes qui ont une histoire, en lien avec différents événements, en lien avec la migration des uns et des autres, en lien avec l'esclavage, en lien avec telle ou telle cérémonie. Et tout ça, ça fait partie de la culture et je pense que c'est important.
Rama George : Et vous, chef Christian, vous avez entamé depuis plusieurs années, des recherches à ce sujet. C’est un travail de codification des gastronomies africaines n’est-ce pas ?
Christian Abégan : Nous avons une tradition séculaire culinaire qui date de plus de 5 000 ans, depuis l'Égypte antique. Nous avons un savoir-faire. Donc, nous avons nos habitudes, nous avons notre culture.
Codifier une cuisine, c'est une science, je pense, et c'est vraiment l'élaboration des recettes et le respect du goût et le respect donc des produits. On est en train d'aménager un savoir-faire avec ce travail de recherche depuis plusieurs années. Et c'est de pouvoir donner une identité vraiment différente.
La gastronomie de demain, n'est pas assez popularisée encore. À part quelques choses, le monde entier ne connaît pas encore très très bien ce que c'est que l'Afrique culinaire.
Rama George : Absolument !
** Réduction du gaspillage alimentaire ** :
Une gastronomie durable se caractérise par une cuisine qui tient compte de la provenance des ingrédients, de la façon dont ils sont cultivés (ou élevés) et dont ils arrivent sur nos marchés et par la suite dans nos assiettes.
Une économie culinaire circulaire permet d’éviter autant que possible le gaspillage alimentaire.
Christian Abégan : Je pense que nous avons la chance d'avoir un repas tous les jours pour certains. Ce n'est pas le cas pour les enfants. Comme j'ai dit, on ne va pas avoir assez de nourriture pour nourrir la planète. Il est nécessaire de chercher au niveau des champignons, au niveau des céréales, beaucoup de types de produits pour développer d'autres sources d'approvisionnement.
Donc c'est vraiment une question très sérieuse au niveau de l'alimentation, parce-que sur des programmes qu'il y a aux Nations unies, il y a des programmes pour la mère et l'enfant où l'enfant doit naître avec tout ce dont il a besoin pour pouvoir vivre dans un monde hostile. Mais les crises de l'alimentation dans le monde, ça concerne la planète, parce qu'il y a les gens qui meurent de faim encore, pendant que dans certains pays industrialisés ou ailleurs, on jette des tonnes de nourriture.
Rama George : C’est vrai.
Et quand on évoque l’antigaspi, en cette belle journée, on pense instantanément à votre version du Gari Foto, cheffe Georgiana.
Georgiana Viou : C'est vraiment un plat qu'on peut décliner de dix mille et une manières, parce que ce gari, avec ses points d'acidité, il accepte vraiment toutes sortes de choses. Même s'il vous reste parfois, nous à la maison, quand il reste un fond de sauce, pas assez pour faire un plat complet, eh bien on rajoutait du gari dedans, des morceaux de poisson, un peu de viande ou du fromage Peul. On mélange tout ça, boum, on a un plat qui peut faire office de déjeuner en général. Donc voilà, c'est vraiment quelque chose que j'affectionne particulièrement. Et c'est aussi une bonne recette, donc, anti-gaspi. C'est une recette complète.
** Promotion de l'agroécologie ** :
Rama George : Et vous, cheffe Binta, depuis quelques années, vous vous êtes engagée à mettre en valeur l'héritage culinaire africain, y compris les céréales indigènes comme le fonio, tout en mettant l'accent sur l'agriculture durable et à la sécurité alimentaire en Afrique.
Fatmata Binta [Traduction de l’Anglais] : Depuis quelque temps, je travaille avec des producteurs de fonio au Ghana, et tire les leçons de la popularité mondiale du quinoa. Le projet vise à garantir l'autonomisation des producteurs locaux de denrées alimentaires, en particulier des femmes qui cultivent le fonio.
Rama George : Votre vision de la gastronomie est une invitation à sortir de sa zone de confort et à explorer les saveurs et la subsistance à travers les palettes des femmes peules, en célébrant des ingrédients sous-évalués et sous-utilisés. Parlez-nous de votre Village du patrimoine culinaire de la Fondation cuisine peule au Ghana.
Fatmata Binta [Traduction de l’Anglais] : Ma fondation se consacre à la préservation et à la revitalisation des systèmes alimentaires autochtones. Nous nous concentrons principalement sur la promotion des pratiques agricoles traditionnelles, la protection des semences autochtones et l'éducation des communautés en matière de production alimentaire durable et d'héritage culturel. Notre objectif est d'améliorer la sécurité alimentaire, de soutenir la souveraineté alimentaire des populations locales et de célébrer leurs riches traditions culinaires. C'est un parcours passionnant dont je suis très fière. En tant que chef cuisinier, il est très enrichissant d'être dans ces communautés et d'apprendre toutes ces bonnes pratiques, ces connaissances et ce savoir inestimable.
Rama George : Le mot de la fin est réservé au Chef Christian :
Christian Abégan : Quand vous venez en Afrique, dans n'importe quel village, quand c'est l'heure du repas, vous passez devant des maisons, on vous dit, viens manger ! On a souvent, cette culture de partage. C'est je pense ce qu’il est essentiel d'apporter cette culture. L'Afrique, c'est d'abord cela !
Le rôle de la cuisine est essentiel dans le dialogue interculturel. Ça permet d'adapter les recettes, d'adapter les produits, mais de découvrir l'autre par sa gastronomie. Et puis, la prochaine destination culinaire, c'est l'Afrique. Il ne faut même pas se louper. C'est l'Afrique où le monde entier découvre en ce moment, et va continuer à découvrir l'Afrique culinaire.
Rama George : En résumé, la nourriture dans la culture africaine est l’alliage du sociétal, du culturel, de l’historique et de l’identité. Elle véhicule des traditions, des expressions culturelles et des valeurs profondément enracinées qui relient les individus, les familles et les communautés. Les repas sont l'occasion de se réunir, d'échanger des nouvelles, de renforcer les liens familiaux et de partager des moments de convivialité—tout comme nous venons de faire avec vous.
C’est la fin de cet épisode ! Un épisode qui met en valeur la gastronomie africaine, la gastronomie de demain.
Au nom de toute l’équipe, j’espère que vous avez apprécié nos échanges destinés à nous faire apprécier l’art culinaire africain dans un monde moderne, tout en préservant les traditions ancestrales et la nature.
Rendez-vous au mois de septembre prochain pour un nouvel épisode du podcast People First.
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À propos du People First Podcast:
People First Podcast vient apporter un éclairage humain et concret sur les thématiques de développement spécifiques aux habitants d'Afrique de l'Ouest et du centre, et sur la contribution de la Banque mondiale. People First Podcast, pour un développement durable et inclusif !
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