Tribune publiée dans la Tribune Afrique, le 13 juin 2023.
Tribune par Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, et Mouhamadou Diagne, vice-président du Groupe de la Banque mondiale pour l’Intégrité
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Chaque jour, nous entendons parler de l'assaut des crises auxquelles le monde est confronté - du changement climatique aux conflits, en passant par l'inflation et la dette, et le rétablissement en cours d'une pandémie qui perdure. Ajoutons-y la perspective d'une croissance économique lente, et nos efforts pour relever ces défis semblent semés d'embûches. Pour les pays en développement, aux ressources souvent limitées mais très sollicitées, la confluence des crises sera particulièrement difficile à gérer.
Mais pour réussir à relever les défis de notre époque, la corruption est LE fléau que nous ne pouvons pas esquiver.
La triste vérité est que la corruption persiste dans tous les pays, se manifestant sous de facettes multiples, depuis les dessous-de-table jusqu'au détournement à grande échelle des ressources publiques. Avec les progrès technologiques, elle devient de plus en plus un défi transnational sans respect des frontières, car l'argent circule désormais plus facilement à l'intérieur et à l'extérieur des pays, dissimulant des gains illicites.
La corruption est un problème fondamental pour le développement.
Elle nuit le plus aux pauvres et aux personnes vulnérables, augmentant les coûts et réduisant l'accès aux services de base, et même de la justice. Elle exacerbe les inégalités et réduit les investissements privés au détriment des marchés, des opportunités d'emploi et des économies. La corruption compromet la réponse aux situations d'urgence, entraînant des souffrances inutiles, et la mort dans le pire des cas. Si elle n'est pas combattue, la corruption peut saper la confiance que les citoyens accordent à leurs dirigeants et à leurs institutions, créant des tensions sociales et augmentant dans certains contextes, le risque de fragilité, de conflit et de violence.
Pour prévenir ces effets négatifs, nous devons faire face à la corruption par une action déterminée et délibérée. Pour le Groupe de la Banque mondiale, la lutte contre la corruption est une priorité absolue et un engagement de longue date dans notre travail opérationnel. Cet engagement se traduit par le soutien que nous apportons aux pays dans la mise en place d'institutions transparentes, inclusives et responsables, mais aussi par des initiatives qui vont au-delà des pays pour inclure les centres financiers, s'attaquer plus ouvertement aux politiques de corruption, et exploiter les nouvelles technologies pour comprendre, prévenir et traiter la corruption.
En Afrique de l’Ouest et du Centre, l'une de nos priorités stratégiques consiste à mettre l'accent sur la bonne gouvernance, la responsabilité et la transparence pour réduire la corruption. Nous reconnaissons que la transparence dans les affaires publiques et la responsabilité des hauts fonctionnaires sont fondamentales pour la confiance des citoyens dans leur gouvernement et pour la fourniture de services publics efficaces. Travailler à la reconstruction et au renforcement de la confiance entre les citoyens et l’État, en particulier dans les pays touchés par la fragilité, les conflits et la violence, soit la moitié des pays de cette région, est essentiel.
Dans toute l’Afrique, le Groupe de la Banque mondiale aide les pays à relever ces défis. Les investissements récents en République du Congo, au Ghana et au Maroc, par exemple, soutiendront les réformes de la gouvernance institutionnelle pour améliorer la performance et la transparence dans la prestation des services. Au Kenya, notre soutien doit permettre d’approfondir les réformes de la gestion fiscale pour une plus grande transparence des marchés publics. Le renforcement de l’engagement des citoyens et de l’État est essentiel : ainsi au Burkina Faso, un projet financé par la Banque mondiale a permis au gouvernement d’améliorer l'engagement des citoyens et la responsabilité du secteur public grâce à la mise au point d'un outil numérique permettant de suivre les performances des services municipaux.
Notre engagement se traduit également par des mécanismes solides au sein de l'institution destinés à renforcer l'intégrité de nos opérations. Notre Vice-présidence indépendante chargée de l'intégrité (INT) s'emploie à détecter, dissuader et prévenir la fraude et la corruption impliquant nos financements.
Au cours des deux dernières décennies, la Banque mondiale a sanctionné plus de 1 100 entreprises et individus, leur imposant souvent des interdictions qui les rendent inéligibles à participer aux projets et opérations que nous finançons. En outre, nous avons appliqué plus de 640 interdictions croisées avec d'autres banques multilatérales de développement, afin d'empêcher que la corruption n'entache les projets de développement partout dans le monde. Nous devons cependant rester vigilants face aux risques persistants de fraude et de corruption.
Tirant parti de son rôle de rassembleur mondial, le Groupe de la Banque mondiale soutient les acteurs de la lutte contre la corruption à tous les niveaux et organise cette nouvelle édition de l'Alliance Internationale Contre la Corruption (ICHA), qui se tiendra à Abidjan, en Côte d'Ivoire, du 14 au 16 juin 2023.
Le forum ICHA est l'occasion pour les praticiens engagés dans la lutte contre la corruption, ainsi que pour les décideurs politiques, les représentants du secteur privé et de la société civile, de partager leurs connaissances, leurs expériences et leurs idées pour lutter contre la corruption.
Pour la première fois depuis sa création en 2010, nous accueillons le forum ICHA dans un pays africain, ce qui reflète la réalité selon laquelle les impacts négatifs de la corruption peuvent être plus dévastateurs pour les pays en développement faisant face à des défis uniques et disposant de moins de ressources pour les surmonter. Nous sommes également conscients que nous devons nous appuyer sur les compétences et expertises en matière de lutte contre la corruption de ces mêmes pays.
Ensemble, nous pouvons affirmer que notre action collective permettra de faire progresser la lutte contre la corruption, même en période de crise.