En tant que parent, j'ai à plusieurs reprises observé avec horreur et éprouvé une profonde empathie pour les familles des victimes de la violence armée qui touche les écoles aux États-Unis. En tant que père de deux filles, je trouve également déchirant de savoir que des filles sont actuellement privées de leur potentiel et empêchées d'aller à l'école en Afghanistan. Un point lumineux inattendu pour moi la semaine dernière a été une visite en République démocratique du Congo (RDC), où la gestion des plaintes d’élèves, d’enseignants et de parents, basée sur un centre d'appel nommé "Allo Ecole", fait partie d'une vague de réformes permettant à un plus grand nombre d'enfants de fréquenter l'école primaire gratuitement, dans un environnement plus sûr qu’il y a quelques années.
En 2019, le gouvernement de la RDC a déployé un ambitieux programme d'enseignement primaire gratuit. La suppression des frais de scolarité a permis d'élargir la scolarisation primaire à environ 3 millions d'enfants supplémentaires, dont de nombreuses filles des zones rurales qui étaient auparavant laissées de côté. Elle ouvre également la voie à une plus grande responsabilité et à une plus grande confiance entre l'État et ses citoyens, forgeant ainsi un nouveau contrat social.
Grâce à un financement IDA de 800 millions de dollars basé sur la performance, la Banque mondiale aide le gouvernement congolais à prendre en charge une partie des coûts de l'enseignement primaire gratuit afin d'alléger la charge des familles. Jusqu'à récemment, les écoles publiques faisaient payer aux parents environ 100 dollars par an et par enfant - en plus des manuels, des uniformes scolaires et d'autres coûts - un montant hors de portée des familles les plus pauvres dans un pays où 73 % de la population vit avec moins de 1,90 dollar par jour.
Plus important encore, le projet contribue à mettre en place des changements de normes dont pourraient bénéficier des générations futures.
Les garanties sociales du projet et les indicateurs liés au décaissement mettent en place les fondements d'écoles plus sûres et plus inclusives - des écoles où les filles, comme les garçons, peuvent apprendre, dans de bonnes conditions.
Le mécanisme de gestion des plaintes "Allo Ecole" est l'une des nombreuses innovations qui sous-tendent cette vision. La ligne d'assistance gratuite (composez le 178) a été initiée en 2018, mais elle est désormais fonctionnelle et accessible dans tout le pays. Lorsqu'elle a été inaugurée dans sa nouvelle configuration, la hotline a reçu 1 200 plaintes et demandes de renseignements au cours de la première semaine.
Certaines des plaintes sont importantes mais moins sensibles, déposées par exemple par des enseignants qui n'ont pas été payés. D'autres plaintes sont extrêmement sensibles - des mères et des jeunes filles signalant qu'un enseignant a abusé sexuellement d'un enfant - et sont traitées avec l'urgence et la confidentialité que ce type de plaintes mérite. Une enquête est menée, et les survivants bénéficient d'un soutien socio-psychologique et médical si nécessaire ; toute action en justice est menée de manière à protéger l'identité de la victime afin qu'elle ne soit pas stigmatisée. Les cas qui se présentent sont douloureux à entendre - chaque cas d'agression sexuelle est un cas de trop. La violence sexuelle fait des ravages chez les survivants et freine le développement du pays. Mais le signalement de ces cas et les actions qui s'ensuivent sont des premières étapes essentielles pour rendre l’école plus sûre pour les filles.
Pour un système éducatif responsable
Pour la première fois, tous les enseignants doivent s'engager à respecter un Code de bonne conduite du personnel enseignant qui comprend des définitions claires des comportements interdits en matière d'exploitation, d'abus et de harcèlement sexuels, et qui prévoit également des sanctions. Suite à une campagne massive de communication et de mobilisation sociale, plus de 300 000 exemplaires du code ont déjà été signés. Des points focaux ont été désignés dans tous les districts administratifs et dans les 20 000 écoles primaires des provinces concernées par le projet, et sont formés au traitement des plaintes liées à la violence sexuelle. Le projet s'emploie également à généraliser le recrutement des enseignants du primaire et des directeurs d'école sur la base du mérite, afin d'améliorer la qualité des services éducatifs fournis par l'État. En outre, le projet soutient les efforts du gouvernement pour intégrer les enseignants en exercice dans le système de rémunération, ce qui a permis jusqu'à présent à environ 60 000 enseignants primaires supplémentaires de recevoir un salaire, allégeant ainsi la charge financière de près de deux millions de ménages pauvres.
Un changement systématique, pragmatique mais surtout ambitieux dans l'enseignement primaire a été un moteur puissant dans l'amélioration des résultats d'apprentissage dans de nombreux pays, et je suis réconforté par le fait que la RDC s'attaque à des problèmes épineux pour réduire sa pauvreté éducative et fournir l’éducation pour tous. Il ne fait aucun doute qu'il faudra plus qu'un centre d'appels pour mettre fin au fléau de la violence sexuelle, mais changer les normes et relever les défis pour protéger les écoliers est un bon point de départ.