Chaque jour, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la Banque mondiale se concentre sur un objectif fondamental : mettre fin à la pauvreté, sous toutes ses formes, où qu'elle se trouve.
Or la pauvreté concerne de plus en plus les zones en proie à la fragilité, aux conflits et à la violence. Une nouvelle étude de la Banque mondiale estime que d'ici 2030, les deux tiers de la population vivant dans l'extrême pauvreté seront concentrés dans des régions fragiles ou en conflit. L'extrême pauvreté recule globalement dans le monde, mais elle augmente dans les pays où l’État et le contrat social sont fragiles, où les conflits persistent et où les niveaux de violence sont élevés.
Les situations de conflit et de violence ont traditionnellement été considérées comme des problèmes d’ordre humanitaire relevant du mandat des Casques bleus et des organismes pour les réfugiés. La reconstruction a en revanche toujours été au cœur même de la mission de la Banque mondiale : notre institution a été fondée pour aider à reconstruire l'Europe sur les cendres de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, ces dernières années nous ont appris qu'il ne suffit pas d'attendre la fin d'un conflit pour commencer à recoller les morceaux et à reconstruire. En effet, la fragilité sape la croissance et crée un terreau fertile pour la pauvreté. Les conflits se répercutent sur les pays voisins et provoquent des crises telles que l'afflux de réfugiés. Et la prospérité ne peut pas s’installer si les individus craignent pour leur vie et la sécurité de leur famille.
Nous devons nous attaquer de front aux situations de fragilité, de conflit et de violence, et nous consacrer à la rude tâche de soutenir le développement à chaque étape de ce processus complexe. La semaine dernière, la Banque mondiale a publié sa première stratégie globale en matière de fragilité, conflit et violence, qui explique comment l'institution entend favoriser le développement dans les pays à revenu faible et intermédiaire touchés par ces situations.
Il s’agit en premier lieu de remédier aux causes profondes de la fragilité et des conflits, comme les inégalités, l'exclusion et la corruption. En mettant l'accent sur des aspects tels que la transparence, la responsabilisation des pouvoirs publics, la justice et l'État de droit, il est possible d'éviter que les mécontentements se transforment en véritables crises. Nos recherches montrent en outre qu'un dollar investi dans la prévention des conflits permet d'économiser 16 dollars sur le long terme.
Ensuite, il est essentiel de maintenir nos activités pendant les conflits. Même dans les zones de combat, nous pouvons préserver des institutions clés et l'accès à des services tels que la santé, l'assainissement et l'éducation, en particulier pour les plus pauvres et les plus vulnérables.
Enfin, il faut également aider les pays à sortir d'un conflit en y créant des institutions, en prévenant les crises transfrontalières et en facilitant les investissements du secteur privé. Les petites et moyennes entreprises locales, qui fournissent 80 % des emplois dans les zones fragiles, sont le socle de la croissance économique.
Au cours des dix dernières années, notre institution a été moteur dans chacun de ces domaines au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Par exemple, à la suite du Printemps arabe, la croissance du PIB tunisien a ralenti, pour tomber à seulement 1,1 % l'année dernière. Le taux de chômage est resté obstinément élevé, en particulier chez les femmes (23 %) et les diplômés de l'enseignement supérieur (28 %). Même quand la situation politique est relativement stable, ce type de contexte économique est un terreau fertile pour l'instabilité.
Entre les exercices 2011 et 2019, le soutien financier de la Banque mondiale en Tunisie a atteint au total 4,6 milliards de dollars. Cet appui s’est surtout attaché à renforcer la stabilité dans l’ensemble du pays en ouvrant des perspectives économiques nouvelles, en particulier pour les zones intérieures et rurales, en favorisant les débouchés pour les jeunes et en exploitant la technologie pour améliorer la fourniture de services essentiels.
Là où un conflit fait rage, nous faisons tout notre possible pour éviter de nouvelles pertes en vies humaines et préserver les institutions clés. Comme au Yémen, où, selon les estimations de l'ONU, plus de 24 millions d’habitants (soit 80 % de la population) étaient menacés par la famine et la maladie l'année dernière. Près de 18 millions de personnes n'avaient pas accès à l'eau potable ou à des installations sanitaires, et près de 20 millions ne pouvaient pas bénéficier de soins de santé.
Nous utilisons les financements de l'IDA, notre fonds qui aide les pays les plus pauvres, pour débloquer des aides d'urgence en faveur du Yémen. En collaboration avec nos partenaires internationaux et locaux, nous avons apporté 1,7 milliard de dollars pour des interventions d'urgence dans la réponse aux crises, la santé et la nutrition, ainsi que l'accès à l'électricité. Ces actions sont en cours et sont importantes pour deux raisons : premièrement, pour empêcher que la situation se détériore davantage et, deuxièmement, pour construire une base de connaissances approfondie sur les besoins du pays et mieux comprendre comment poursuivre notre soutien à mesure que les combats s'apaisent.
L'Iraq est un autre exemple. Dans ce pays en proie au conflit avec Daech, la Banque mondiale a contribué, dès la libération de Mossoul, à y ramener la vie en réhabilitant trois ponts stratégiques sur le Tigre qui relient l'Est et l'Ouest de la ville. À ce jour, grâce à un projet de reconstruction d'urgence d'un montant total de 750 millions de dollars, plus de 300 kilomètres de routes et 23 ponts ont été achevés à Mossoul et dans d'autres régions libérées d'Iraq. Ce projet a permis de créer des emplois pour des centaines d'hommes, de femmes et de jeunes, de rétablir l'accès aux services, aux marchés, aux hôpitaux, aux écoles et aux universités et de soutenir le retour de milliers de familles déplacées.
L'instabilité et les conflits, et notamment la guerre en cours en Syrie, ont forcé des millions de personnes à quitter leur foyer et provoqué une crise migratoire qui menace de déstabiliser encore davantage la région. Heureusement, le Liban et la Jordanie ont agi pour le bien commun mondial en prenant en charge des millions de réfugiés. Le Liban et ses 4 millions d'habitants ont accueilli environ 1,5 million de réfugiés, soit près du quart de la population du pays. La Jordanie a pour sa part accueilli plus de 1,3 million de réfugiés pour une population d'un peu plus de 8 millions de personnes. Pour chacun de ces deux États, le coût est estimé entre 2 et 3 milliards de dollars par an, sans parler des changements induits, peut-être de manière irréversible, dans les équilibres sociaux délicats de ces pays.
Pour aider la Jordanie et le Liban, la Banque mondiale a créé le Mécanisme mondial de financement concessionnel, qui a déjà octroyé à ce jour plus de 500 millions de dollars à des conditions privilégiées. Au Liban, la Banque mondiale facilite l'intégration de 200 000 enfants syriens dans les écoles publiques. Et en Jordanie, nous contribuons à créer 100 000 emplois pour les ressortissants jordaniens et les réfugiés syriens.
Assurer la stabilité et la prospérité dans les zones fragiles et touchées par un conflit est l'un des défis de développement les plus difficiles à relever. La tâche est ardue, mais nous n'avons pas le choix. Nous devons nous attaquer de front à ces situations. Pour répondre aux aspirations de ceux qui souffrent depuis si longtemps, il faut une paix durable. Une paix que nous nous efforcerons de construire dans toute la région dans les prochaines années.