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TRIBUNE 05 décembre 2019

Pourquoi les pays riches doivent accroître leur contribution à la lutte contre la pauvreté dans le monde

Les pays membres de l’Association internationale de développement (IDA), qui fait partie du Groupe de la Banque mondiale, se réuniront prochainement pour débattre de la 19e reconstitution des ressources de cette institution, dont l’aboutissement déterminera le programme d’aide aux pays en développement les plus pauvres pour la période triennale commençant en juillet 2020. L’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Iran et le Koweït ont contribué à la 18e reconstitution des ressources de l’IDA, qui couvre la période allant du 1er juillet 2017 au 30 juin 2020. Il est essentiel que ces pays – et d’autres pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) qui pourraient éventuellement verser des contributions – maintiennent et accroissent leur présence et leur participation à cet important forum international, et œuvrent à la promotion d’un bien public mondial.

La prochaine reconstitution des ressources de l’IDA sera l’occasion pour les pays de la région MENA de faire reconnaître leur contribution et leur présence. À partir de 2020, la région MENA deviendra l’épicentre de plusieurs manifestations et débats internationaux : l’Arabie saoudite accueillera le sommet du G20, l’Égypte présidera l’Union africaine, les Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI se dérouleront à Marrakech en 2021, et la région accueillera sa première exposition universelle à Dubaï et sa première Coupe du monde de football à Doha en 2022. Bien que ces manifestations soient intrinsèquement importantes, une contribution financière plus importante des pays de la région à l’IDA témoignera de la capacité de cette région à prendre les devants sur des enjeux mondiaux à long terme comme la réduction de la pauvreté, la croissance inclusive et le changement climatique.

L’IDA a été créée en 1960 dans le but d’accorder des « prêts concessionnels » (dons, prêts à des conditions favorables, allégement de dette) aux pays en développement les plus pauvres et n’ayant pas les moyens d’emprunter aux conditions de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD). L’IDA est devenue l’une des plus importantes sources d’assistance pour les 77 pays les plus pauvres du monde et le principal instrument d’acheminement des financements multilatéraux là où ils sont le plus nécessaires, de la manière la plus rapide et la plus efficace qui soit. Aucun autre bailleur de fonds ne finance autant les services de base dans ces pays.

Depuis 1960, l’IDA a fourni près de 400 milliards de dollars d’investissements dans plus de 100 pays. Son aide a ouvert la voie à l’équité, la croissance économique, la création d’emplois, l’augmentation des revenus et l’amélioration des conditions de vie. L’IDA intervient notamment dans les domaines de l’enseignement primaire, des services de santé de base, de l’eau potable et l’assainissement, de l’agriculture, de l’amélioration du climat des affaires, des infrastructures et des réformes institutionnelles. Plus récemment, elle a employé d’importants moyens pour apporter de l’espoir aux personnes touchées par le conflit et la violence, notamment dans la région MENA. Bien entendu, l’IDA accorde désormais la priorité aux investissements permettant de faire face aux conséquences les plus néfastes du changement climatique.

Depuis 2000, l’IDA a fourni une aide financière de plus de 88 milliards de dollars à des pays arabes et musulmans. Au cours de la période couverte par la 18e reconstitution de ses ressources (IDA-18), plus de 50 % des ressources sont allées à 28 pays membres de l’Organisation de la coopération islamique. Certains des principaux bénéficiaires de l’IDA sont le Bangladesh, le Pakistan, le Burkina Faso, le Niger et le Mali. Dans la région MENA, Djibouti, la Syrie et le Yémen comptent parmi les bénéficiaires de l’IDA.

Au Yémen, grâce à ses nombreuses contributions, l’IDA a joué un rôle crucial en apportant les secours nécessaires et en œuvrant à l’atténuation des effets à long terme du conflit tragique que traverse le pays. L’IDA aide les Yéménites à lutter contre les maladies et la famine, et sauve littéralement des vies ! L’IDA a contribué à la formation de près de 12 000 agents de santé et à la vaccination de 6,9 millions d’enfants (dont 5 millions âgés de moins de cinq ans). Grâce à un programme d’urgence, elle contribue à faire en sorte que près de 9 millions de Yéménites vulnérables aient accès à la nourriture et à d’autres produits de première nécessité.

À Djibouti, de 2014 à 2018, l’IDA a fourni des services essentiels à 1,9 million de personnes. Des milliers de femmes enceintes et allaitantes, d’adolescentes et d’enfants de moins de cinq ans ont bénéficié de services de nutrition de base. Au cours de la même période, plus de 24 000 femmes ont accouché avec l’assistance d’un professionnel de la santé qualifié, une progression par rapport aux 1 000 accouchements de ce type enregistrés par le passé. L’IDA a également aidé à faire vacciner 78 % des enfants avant leur premier anniversaire en 2018, contre 33 % en 2012.

Le conflit en Syrie, qui en est à sa huitième année, continue de peser lourdement sur la vie du peuple syrien et sur l’économie du pays. Le nombre de morts en Syrie directement liées au conflit au début de 2016 est estimé entre 400 000 (ONU, avril 2016) et 470 000 (Centre syrien de recherche sur les politiques publiques, février 2016), sans compter les nombreux blessés et vies bouleversées. Le conflit a fait environ 6,2 millions déplacés internes, dont 2,5 millions d’enfants. Plus de 5,6 millions de personnes sont officiellement enregistrées comme réfugiés (HCR, 2019). Au Liban, l’IDA aide le pays à inscrire 200 000 enfants syriens dans les écoles publiques. En Jordanie, elle aide à créer 100 000 emplois pour les Jordaniens et les réfugiés syriens.

Au-delà de la région MENA, qu’il s’agisse de la République démocratique du Congo déchirée par un conflit, du Pakistan secoué par un séisme, d’Haïti, du Népal, du Tadjikistan ou du Myanmar, l’IDA est un partenaire de développement essentiel pour les pays les plus pauvres. S’appuyant sur son expérience de soutien aux réfugiés syriens et aux communautés d’accueil, l’IDA a contribué à la réinsertion de personnes déplacées dans plus de 10 pays, parmi lesquels l’Afghanistan, le Bangladesh, le Niger et le Pakistan.

Les institutions internationales, dont l’IDA est un chef de file reconnu, restent importantes pour certaines des régions et des communautés qui sont les plus à la traîne au monde. Des évaluations indépendantes ont démontré les avantages considérables que l’appui d’IDA peut apporter au développement des pays pauvres. Beaucoup de personnes ne savent pas que des pays comme la Chine, la Corée du Sud et l’Inde ont bénéficié de l’aide de l’IDA dans le passé, et le rendent aujourd’hui à la communauté internationale en tant que donateurs.

Des institutions comme l’IDA méritent notre plus grand soutien, car lorsque le malheur frappe un pays, les connaissances et les ressources financières dont elles disposent peuvent sauver, protéger et préserver des vies. Ces institutions peuvent fournir des idées de stratégies de développement et des fonds pour financer des infrastructures essentielles. Pour éliminer la pauvreté extrême et accélérer la croissance des revenus moyens, des institutions telles que l’IDA sont un allié précieux pour les gouvernements et les citoyens.

Le Groupe de la Banque mondiale est reconnaissante aux donateurs de la communauté internationale pour leurs généreuses contributions financières à l’IDA. Toutefois, je pense que les pays les plus fortunés de la région MENA peuvent et doivent accroître leur contribution à l’IDA. Certains d’entre eux comptent parmi les plus riches du monde. Leur bonne fortune offre à la région MENA la possibilité d’assumer un rôle de premier plan dans ce forum mondial important. C’est également une occasion formidable d’aider ceux qui sont dans le besoin, en parfaite adéquation avec la riche tradition de la région d’aider les moins fortunés.

L’IDA a une mission mondiale cruciale – et ses succès à date n’ont été rendus possibles que grâce à la générosité de ses membres. Une contribution financière plus importante à l’IDA sera bénéfique à la position de la région MENA au sein de la communauté internationale. Mais c’est aussi ce qu’il est juste de faire.

* Ferid Belhaj est vice-président de la Banque mondiale pour la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord

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