Nous sommes réunis pour envoyer ce message urgent.
Depuis une génération, des progrès remarquables ont été accomplis. Jamais dans l'histoire tant de personnes ont survécu à l'enfance, échappé à la pauvreté, fait leur entrée sur le marché du travail, vécu si longtemps ou été scolarisées et alphabétisées. Mais la situation qui prévaut aujourd'hui est d'autant plus injustifiable que nous avons ces acquis et que le changement est possible.
- Plus de la moitié de la population mondiale n'a pas accès à des services de santé essentiels, près de 100 millions de personnes s’enfonçant dans l'extrême pauvreté chaque année à cause des dépenses de santé.
- Dans les pays les plus défavorisés du monde, quatre personnes pauvres sur cinq ne bénéficient pas de la couverte qu’offre la sécurité sociale, ce qui les rend particulièrement vulnérables.
- Environ 5,4 millions d'enfants de moins de 5 ans sont morts en 2017, la plupart de causes évitables. A peu près la moitié de ces décès concernaient des nouveau-nés.
- Plus de 750 millions d'adultes sont analphabètes, leur productivité durant toute leur vie étant ainsi sérieusement compromise par le manque d’éducation.
- Plus de 260 millions d'enfants ne vont ni à l’école primaire ni à l’école secondaire. De plus, un quart de milliard d'enfants ne peuvent ni lire ni écrire alors qu’ils ont été à l'école. S'ils formaient un pays, celui-ci serait le troisième pays le plus peuplé au monde.
- Près d'un jeune enfant sur quatre dans le monde est sous-alimenté (présente un retard de croissance), ses perspectives d’avenir étant ainsi limitées de façon permanente par une accumulation de malheurs durant ses premières années de vie.
Cela étant, nous craignons que toute une génération ne soit dépourvue des moyens de réaliser son plein potentiel et de soutenir la concurrence dans l'économie de demain. La nature du travail change rapidement dans le monde, de même que la demande de compétences d'un ordre supérieur. Pourtant, un demi-milliard de jeunes des pays en développement sont aujourd'hui sous-employés ou occupent des emplois précaires. Si les jeunes n'ont pas la possibilité de réaliser leurs aspirations, nous nous exposerons à une plus grande fragilité et au risque accru de conflits dans le monde, avec un coût économique incalculable.
Il est temps de reconnaître qu'investir dans l’humain, c'est investir dans la croissance inclusive. Chaque année de scolarité supplémentaire augmente de 8 % à 10 % le revenu de l’individu. Dans certaines régions, cette augmentation peut aller jusqu’à 22 %. Le ratio avantages-coûts médian des interventions permettant de réduire le retard de croissance au cours des 24 premiers mois de la vie d’un enfant correspond à 18 dollars de bénéfice pour chaque dollar dépensé. Si l'égalité de rémunération était une réalité, la richesse du capital humain pourrait augmenter de 21,7 % à l'échelle mondiale.
Le message qui s’adresse aux pays, aux économies, aux gouvernants et aux citoyens intéressés de notre monde interconnecté est clair : si nous ne cherchons pas à accroître qualitativement et quantitativement les investissements stratégiques dans l’humain aujourd’hui, les États et les économies payeront plus tard un prix fort.
Il va de soi que si une vraie impulsion est donnée, nous pouvons rapidement faire des progrès. Nous pouvons tirer parti des leçons dégagées au Malawi où le taux de retard de croissance a baissé de 10 points de pourcentage en quelques années seulement pour s’établir à 37 % ; ou de l’expérience du Vietnam où on a enregistré une amélioration spectaculaire des acquis scolaires en lecture, mathématiques et sciences. Dans ces deux cas, le succès tient essentiellement à un leadership attentif, des acteurs engagés et des approches intégrées à l'échelle du gouvernement.
Nous espérons que le Projet sur le capital humain et le nouvel Indice du capital humain, qui établit une corrélation entre le capital humain la productivité à venir, permettront d’impulser la dynamique en faveur de l’action et nous inciteront à nous engager résolument sur la voie qui mène à la réalisation des objectifs de développement durable à l’horizon 2030.
Nous vous invitons à vous tenir à nos côtés au moment où nous lançons cet appel pour un accroissement quantitatif et qualitatif des investissements dans l’humain. C’est de cette façon que nous pouvons transformer l'avenir des nations, des familles et des générations dont les rêves n’ont d'égal que la volonté qu’elles ont de les réaliser.
Abiy Ahmed, Premier ministre d’Éthiopie
Achim Steiner, Administrateur du PNUD
Aliko Dangote, PDG et Président-fondateur de Dangote Foundation
Børge Brende, Président du Forum économique mondial
Sir Chris Hohn, Cofondateur de Children's Investment Fund Foundation
Douglas Peterson, Président et PDG de S&P Global
Sir Fazle Abed, Président-fondateur de BRAC
Frans van Houten, PDG de Philips
Henrietta Fore, Directrice exécutive de l’UNICEF
Hugh Evans, Président de Global Citizen
Dr Jim Yong Kim, Président du Groupe de la Banque mondiale
Joanne Carter, Directrice exécutive de RESULTS
Sa Majesté Letsie III, Roi du Lesotho
Penny Mordaunt, Secrétaire d'État au Développement international, Royaume-Uni
Dr Rajiv. J. Shah, Président de la Rockefeller Foundation
Shinichi Kitaoka, Président de JICA
Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS
Tharman Shanmugaratnam, Vice-Premier ministre de Singapour
Youssou N'Dour, musicien sénégalais
Cette lettre a été publiée initialement dans le Financial Times.