TRIBUNE

La paix en Colombie peut mener à une croissance économique sans exclus

26 septembre 2016


Jim Yong Kim, président du Groupe Banque mondiale Portafolio

La Colombie a rendez-vous avec la paix. Et cette perspective, qui met un terme à un conflit armé qui paralyse le pays depuis plus de 50 ans et a affecté la vie de trois générations, est plus qu’une bonne nouvelle pour les Colombiens. Car une paix durable constituera le socle de la victoire contre la pauvreté et d’un développement sans exclus qui serviront de rempart contre les forces qui mènent à la violence.

Depuis des décennies, la Colombie est prisonnière d’un environnement de violence qui a ses origines dans le terreau des inégalités, de la pauvreté et de la défaillance des institutions locales, que le conflit armé n’a fait qu’aggraver. Avec l’annonce récente de l’accord de paix, le pays est plus proche que jamais de briser ce cercle vicieux, et d’entamer un processus de transformation et de développement territorial qui sera long et semé d’embûches.

Le conflit a directement touché jusqu’à 8 millions de personnes, et plus de 5 millions sont déplacées à l’intérieur des frontières du pays. Ces victimes comptent parmi les Colombiens les plus pauvres et les plus vulnérables ; on estime que les personnes déplacées représentent la moitié des habitants vivant dans l’extrême pauvreté en Colombie. Ces personnes n’ont accès ni à un logement décent, ni à une éducation de qualité ni à des opportunités économiques. La Colombie fait face à des enjeux considérables pour dédommager et réintégrer cette population.

L’après-conflit apportera son lot de difficultés, mais cette ère nouvelle offrira aussi la possibilité de résoudre d’importants problèmes en suspens, tels que l’hétérogénéité du développement territorial, les inégalités et l’extrême pauvreté. Il est désormais essentiel pour la Colombie de soutenir la stabilité et de renforcer la confiance de ceux qui ont souffert des violences en leur garantissant des services sociaux efficaces. La reconstitution du tissu social commencera par donner à tous les Colombiens la possibilité de réaliser leur potentiel. Pour atteindre sa pleine mesure, le pays aura besoin de la participation de tous ses habitants, issus de chaque région et de chaque partie de la société.

Le Groupe de la Banque mondiale travaille avec la Colombie pour élaborer une stratégie de développement qui bénéficiera aux pauvres et aidera le pays à tirer parti des possibilités qu’amènera la paix. Depuis ces dernières années, nous aidons le pays à améliorer son activité économique et ses services publics dans les régions défavorisées et touchées par le conflit, en nous attachant notamment à répondre aux besoins des victimes par le biais d’un projet de réparation collective.

Plus tôt dans l’année, j’ai eu l’occasion de constater le potentiel de cette démarche lors de ma visite à Guacoche, dans le nord de la Colombie. Cette communauté afro-colombienne a souffert d’une extrême violence de la part des groupes paramilitaires dans les années 90. Aujourd’hui, elle bénéficie des efforts entrepris par l’État pour reconstituer le tissu social, dédommager les victimes, leur restituer leurs terres, renforcer leur protection et réhabiliter leur environnement. Ce projet de réparation collective sert d’exemple pour d’autres initiatives dans le pays mais aussi dans les régions du monde où sévissent des conflits similaires.

Pour établir une paix durable, il faudra également déployer des efforts particuliers en faveur des infrastructures vitales : services d’eau et d’assainissement, électrification, transport et revitalisation du deuxième port du pays (Buenaventura). Tous ces efforts bénéficieront en particulier à la population afro-colombienne et aux personnes déplacées. Le programme de développement pour l’après-conflit restera un élément pivot de notre partenariat avec la Colombie, dans le cadre duquel nous nous employons à aider le pays à maintenir et renforcer le développement autour de plusieurs axes qui vont de la mobilité sociale au développement territorial, en passant par la productivité et les politiques macroéconomiques.

Des précédents ailleurs dans le monde nous fournissent des exemples positifs de négociations fructueuses et de transitions réussies vers la paix après des conflits prolongés. Comme à Aceh, en Indonésie, et à Mindanao, aux Philippines, où les autorités nationales ont fait appel à la communauté internationale pour les aider à mettre en place les bases de la stabilité et à atteindre des objectifs de développement de long terme.

Le Groupe de la Banque mondiale a tiré des leçons essentielles de sa collaboration de longue date avec des pays sortant d’un conflit :

·         Les investissements doivent être adaptés aux contextes locaux et régionaux pour renforcer la crédibilité et l’adhésion.

·         Il faut obtenir des résultats rapides pour poser les bases de la stabilité et du changement à moyenne échéance.

·         L’État doit prendre une part active au renforcement de la confiance de la population.

·         L’inclusion de la population et des acteurs non publics concernés dans les décisions et l’affectation des ressources amplifie le sentiment d’adhésion, améliore l’adéquation des interventions et renforce la confiance.

·         Un suivi régulier est essentiel pour mesurer les progrès et l’impact.

Les autorités colombiennes ont tracé la voie à suivre pour passer de la guerre à la paix et réussir la transition. Nous, membres de la communauté internationale, sommes prêts à soutenir une paix plus globale et un plan de développement qui s’attache à résoudre les causes fondamentales de la violence.

La paix et le développement vont de pair. Une stratégie en faveur d’un développement solide et durable est essentielle pour garantir un succès pérenne. La paix en Colombie est une occasion de montrer au monde qu’il est possible de panser les plaies des violences par l’inclusion et le développement équitable.

Jim Yong Kim est le président du Groupe de la Banque mondiale.

 

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