Alors que l’exode rural s’accélère, les pouvoirs publics doivent également gérer une urbanisation sans précédent, satisfaire les besoins en logements et en infrastructures des citadins et faire en sorte que leurs besoins alimentaires soient satisfaits grâce à une productivité agricole accrue. Mais ils doivent aussi garantir la sécurité alimentaire dans les campagnes.
Sur le plan environnemental, l’Afrique est affectée de manière disproportionnée par le changement climatique dont elle n’est pourtant pas responsable : sécheresses, inondations, élévation du niveau de la mer, etc., autant de phénomènes coûteux auxquels l’Afrique est confrontée.
Mais tous ces défis sont également porteurs d’opportunités, tout particulièrement dans le champ de la recherche scientifique. Il existe en effet de réelles possibilités de collaboration scientifique dans des disciplines telles que la médecine, la biodiversité, l’irrigation, l’ingénierie ou encore les mines, et cette collaboration serait bénéfique pour les scientifiques du monde entier comme pour les chercheurs africains.
Un obstacle de taille persiste cependant : ces alliances prometteuses de chercheurs ne pourront voir le jour en Afrique qu’à condition de redresser un déséquilibre de longue date dans les systèmes éducatifs. Aujourd’hui, les diplômés africains sortent majoritairement des filières littéraires et de sciences humaines : la part des étudiants en science, technologie, ingénierie et mathématiques ne représente en effet en moyenne que 25 % des effectifs. De plus, les femmes sont sous-représentées dans ces domaines.
Grâce aux progrès récents de l’Afrique sur le plan de la scolarisation, de plus en plus d’élèves achèvent leurs études primaires et secondaires. Cette nouvelle génération doit pouvoir acquérir les compétences et les connaissances dont elle aura besoin pour résoudre par elle-même les défis du continent. Au début de l’année, les autorités rwandaises et la Banque mondiale ont organisé à Kigali un Forum de haut niveau sur l’enseignement supérieur pour la science, la technologie et l’innovation. À cette occasion, les pays participants et leurs partenaires ont lancé un appel à l’action fixant un objectif ambitieux : multiplier par deux d’ici 2025 la proportion d’étudiants sortant des universités africaines avec un diplôme de scientifique ou de technicien en poche. Car c’est à ce prix que l’on pourra accélérer la transition de l’Afrique vers une société fondée sur le savoir en l’espace d’une génération.
Comment procéder ? Plusieurs mesures, qui ont déjà fait leur preuve, permettront d’adapter l’enseignement supérieur aux besoins de l’économie du 21e siècle et d’élargir les perspectives de carrière des jeunes Africains. Elles s’articulent autour d’un maître mot, les partenariats : partenariats entre établissements universitaires, en Afrique et ailleurs, entre universités et secteur privé et entre pays africains et nouveaux partenaires d’investissement d’Asie et d’Amérique latine. Des réformes systémiques sont également indispensables, notamment pour améliorer la qualité de l’éducation à tous les niveaux et rendre l’enseignement supérieur plus conforme aux attentes des employeurs.
Les universités africaines ont tout à gagner d’un rapprochement avec leurs homologues étrangères, à l’instar de l’initiative STEM-Africa de l’université du Michigan, qui soutient de jeunes scientifiques, fait avancer des réseaux de recherche associés à des institutions en Afrique et œuvre à former des mathématiciens et des médecins sur le continent.
De fait, la diaspora africaine représente un puissant moteur pour la promotion scientifique et technologique sur le continent, en suscitant un regain d’intérêt en faveur des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques en Afrique. Nous devons mobiliser une vaste alliance —composée de décideurs, d’institutions financières internationales (comme le Groupe de la Banque mondiale) et d’universitaires — en Afrique et à l’étranger. Dans le même temps, les universités africaines doivent passer la vitesse supérieure en matière d’ ’excellence locale.
Un certain nombre d’universités américaines et européennes ont établi des campus et des programmes à l’étranger, notamment en Asie et au Moyen-Orient, mais le nouveau territoire à explorer, c’est l’Afrique. Une université américaine a ouvert un campus au Rwanda, dont la première promotion obtiendra son diplôme à la fin de cette année. En construisant des campus en Afrique, ces programmes offrent un enseignement de qualité adapté aux normes culturelles et aux besoins locaux. Les universités pionnières auront un avantage important, car c’est un marché en pleine croissance qui ne pourra que se développer à la faveur de la poursuite d’une croissance robuste en Afrique.
Une fois diplômés, les étudiants doivent également pouvoir mettre en pratique ce qu’ils ont appris et accéder au marché du travail. Il faut pour cela des coalitions et des partenariats innovants ainsi que des réformes ciblées. Suivant l’exemple de pays comme le Kenya ou le Sénégal, les ministères en charge de l’enseignement supérieur doivent aussi chercher à ouvrir leurs conseils d’administration à des représentants du secteur privé dans le but de renforcer les liens avec les employeurs, notamment pour l’élaboration des programmes d’études. D’autant que les partenaires du secteur privé en Afrique peuvent offrir des opportunités d’apprentissage, des stages et des programmes de certification pour aider à faire en sorte que les cursus universitaires correspondent mieux aux réalités du marché du travail et investir ainsi dans la prochaine génération de techniciens et de cadres.
La Banque mondiale, aux côtés de huit pays africains et de l’Association des universités africaines, a mis en place une initiative qui vise à établir 19 « centres d’excellence » en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Il s’agit de développer et de soutenir l’excellence dans l’enseignement supérieur africain, en particulier dans les domaines de la science et de la technologie, en favorisant une spécialisation régionale , en réunissant les meilleurs professeurs et chercheurs et en favorisant l’échange de connaissances. Cette forme de coopération est cruciale pour maximiser l’impact de ressources trop restreintes et favoriser une intégration régionale accrue.
Les nouveaux partenaires de l’Afrique — le Brésil, la Chine, l’Inde ou la Corée — ont un rôle essentiel à jouer dans le développement du capital humain en Afrique, car ils ont su élaborer des cursus d’enseignement supérieur concourant à la modernisation de leurs économies. Ils ont beaucoup à apprendre à l’Afrique. La Banque mondiale œuvre à la constitution du Partenariat pour les sciences appliquées, l’ingénierie et la technologie (PASET), qui entend rassembler de nouveaux partenaires et des décideurs africains pour enclencher un tel processus, en particulier dans les secteurs à haut potentiel.
Ce type de partenariats nous permettra de mettre en place plus rapidement une approche concertée pour faire progresser la science et la technologie en Afrique et aider les jeunes Africains à satisfaire leurs aspirations. Cette collaboration aidera aussi les entreprises à recruter sur place des jeunes talents compétents pour pouvoir se positionner avec succès sur les marchés internationaux et développer leurs activités.
Dans les dix années qui viennent, plus de 11 millions de jeunes Africains entreront chaque année sur le marché du travail. Investir de manière stratégique dans l’éducation de ces jeunes gens, qui seront les moteurs de la transformation économique de l’Afrique, constitue un impératif.
Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour la Région Afrique, est au Rwanda pour assister aux Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement.| @Diop_WB