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TRIBUNE

Le monde avec 4 degrés de plus ? Un scénario à éviter absolument

20 novembre 2012


Jim Yong Kim, Président du Groupe de la Banque mondiale Les pages Développement mondial de The Guardian, le 19 novembre 2012



La réalité du changement climatique est irréfutable. La question qui se pose désormais est de savoir à quoi ressemblera le monde que nous léguerons à nos enfants. Lorsque mon garçon de trois ans aura mon âge, son monde pourrait être complètement différent de celui dans lequel nous vivons à cause, en grande partie, du changement climatique.

Malgré l’engagement pris par la communauté internationale de contenir le réchauffement du globe à + 2 oC par rapport à l’ère préindustrielle, il est de plus en plus probable que la hausse de la température mondiale dépassera ce seuil. Les chercheurs s’entendent pour affirmer que les promesses et engagements pris par les pays en vertu de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques conduiront vraisemblablement à un réchauffement de 3,5 à 4 oC. Et plus nous tardons à remplir ces promesses, plus nous augmentons le risque de nous retrouver dans un monde plus chaud de 4 oC d’ici la fin du siècle.

Le Groupe de la Banque mondiale a commandé une étude à l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique afin d’en savoir plus sur l’état des connaissances scientifiques actuelles et sur les répercussions possibles d’un réchauffement climatique de 4 oC sur le développement économique.

Les scénarios envisagés dans cette étude — dont le rapport est publié aujourd’hui — sont catastrophiques : inondation des villes côtières ; risques accrus pesant sur la production vivrière et qui pourraient conduire à une hausse des taux de malnutrition ; aggravation de la sécheresse dans les zones arides et du niveau d’humidité dans les zones humides ; vagues de chaleur sans précédent dans beaucoup de régions, et particulièrement sous les tropiques ; aggravation sensible des pénuries d’eau dans beaucoup de régions ; augmentation de la fréquence et de l’intensité des cyclones tropicaux ; perte irréversible de la biodiversité, y compris dans les systèmes de récifs coralliens.

Certaines des villes les plus vulnérables se trouvent au Mozambique, à Madagascar, au Mexique, au Venezuela, en Inde, au Bangladesh, en Indonésie, aux Philippines et au Viet Nam.

De plus, un monde plus chaud de 4 oC serait tellement différent de celui que nous connaissons aujourd’hui qu’il nous est difficile d’imaginer les risques nouveaux qu’il poserait, et d’anticiper les mesures qui nous permettraient de nous y adapter.

Si nous n’agissons pas suffisamment contre le changement climatique, nous risquons non seulement d’empêcher des millions de gens du monde en développement de connaître la prospérité, mais également de détruire les acquis de décennies d’efforts de développement durable.

Mais la réalité, c’est aussi que cette hausse prévisible de 4 oC n’est pas inéluctable et qu’il faut se garder de se focaliser sur les scénarios catastrophe pour agir. En fait, je crois pour ma part que la perspective de vivre un jour dans un monde à faible intensité de carbone a elle-même largement de quoi nous enthousiasmer.

 


« Si nous n’agissons pas suffisamment contre le changement climatique, nous risquons non seulement d’empêcher des millions de gens du monde en développement de connaître la prospérité, mais également de détruire les acquis de décennies d’efforts de développement durable.  »

Jim Yong Kim

Président du Groupe de la Banque mondiale

Les travaux menés par le Groupe de la Banque mondiale sur la croissance verte et solidaire ont conduit à conclure qu’une utilisation plus efficace et plus intelligente de l’énergie et des ressources naturelles pourrait nous permettre de réduire radicalement l’impact du développement sur le climat sans pour autant ralentir les efforts de lutte contre la pauvreté ou la croissance économique.

Au nombre des initiatives envisageables, on peut inclure : l’utilisation à meilleur escient de la somme de plus de 1 000 milliards de dollars actuellement consacrée aux subventions pour l’exploitation des combustibles fossiles et autres subventions aux effets pervers sur l’environnement ; la prise en compte de la valeur du capital naturel dans la prise de décisions économiques ; l’augmentation des dépenses publiques et privées consacrées à l’« infrastructure verte », capable de résister aux conditions météorologiques extrêmes ; l’investissement dans les systèmes de transports publics urbains conçus pour minimiser les émissions de carbone et maximiser la création d’emplois et l’accès aux services ; l’appui aux régimes internationaux et nationaux de détermination du prix du carbone et d’échanges de droits d’émission ; l’augmentation du rendement énergétique — en particulier dans les bâtiments — et un meilleur partage de l’énergie renouvelable produite.

Tel est le défi qui nous incombe : encourager les entreprises les plus efficaces et les plus inventives ainsi que les pays développés et en développement à saisir les occasions que peut leur offrir une croissance verte et solidaire. Leur démontrer que la croissance économique peut très bien passer par la recherche de nouvelles technologies et de nouvelles approches capables d’atténuer le changement climatique.

Mais alors, est-il possible de créer un grand marché pour ces technologies sobres en carbone ? La réponse est incontournable selon moi : il le faut, tout simplement.

J’espère que la perspective alarmante d’une hausse de la température mondiale de + 4 oC nous poussera à réagir. J’espère aussi que les perspectives économiques nées de la nécessité de créer un monde à faible intensité de carbone nous inciteront à créer les nouvelles technologies qui stimuleront la croissance économique tout en nous permettant d’échapper aux conséquences catastrophiques d’un réchauffement planétaire de cette ampleur.

Nous devons tout faire pour empêcher le scénario des 4 degrés de plus. L’avenir de nos enfants en dépend.

 

 

Paru initialement le 19 novembre 2012 sur les pages Développement mondial de The Guardian

http://www.guardian.co.uk/global-development

 


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