« On peut voir la technologie comme une solution nouvelle à un problème ancien », souligne Joao Pedro Azevedo, économiste principal au Pôle mondial d’expertise en Pauvreté de la Banque mondiale et co-responsable de l’initiative Listening to Tajikistan avec William Hutchins Seitz, « mais ce dont nous avons vraiment besoin, c’est de modifier notre approche. Bien souvent, nous ne faisons qu’appliquer la technologie à un cadre de pensée préalable. Par ailleurs, nous devons également nous pencher sur les nouvelles questions qui peuvent – ou devraient – apparaître avec le recours à ces nouvelles méthodes d’enquête, et nous demander comment nous pouvons utiliser ces outils pour suivre les résultats en temps réel. »
Un aperçu du futur
On peut déjà avoir un aperçu de ce qui nous attend : au Tadjikistan, l’équipe du programme installe actuellement dans certains foyers des boîtiers connectés afin d’effectuer un suivi de la consommation d’énergie, l’un des principaux défis à relever pour ce pays. Ces appareils envoient automatiquement, en temps réel, des données sur les coupures de courant, ce qui peut permettre de mesurer la qualité de l’énergie. En outre, l’équipe collabore également avec le service chargé du Big Data au sein de la Banque mondiale, pour mettre au point et valider des algorithmes d’apprentissage automatique en fonction d’informations géospatiales, telles que la lumière nocturne, et pour mieux comprendre l’origine des coupures de courant, sans se limiter aux 150 lieux dans lesquels les boîtiers connectés ont été installés.
Des enfants courent dans le village de Pastigov, dans les montagnes du Tadjikistan. Le projet Listening to Tajikistan permet de collecter des données sur le bien-être des populations via des téléphones mobiles. © Ronan Shenhav/Flickr
En Somalie, dans le cadre d’un projet pilote, une équipe a déployé quelque 200 balises GPS afin d’étudier les schémas migratoires de populations nomades. Il s’agit de faire en sorte que ces populations soient représentées dans les enquêtes futures, de fournir des éléments d’analyse destinés à définir quand, où, comment et vers quelle destination ils émigrent, ainsi que d’améliorer la prestation de services publics.
D’autres initiatives sont en cours : au Mexique, par exemple, la Banque mondiale et ses partenaires s’appuient sur l’imagerie par satellite (a) et des données d’enquête pour évaluer le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté dans les villes. En Somalie, les images par satellite sont utilisées pour guider les enquêteurs dans le cadre de l’enquête à haute fréquence, ou pour définir un échantillon représentatif. Malgré les innovations apportées par cet usage de la technologie, ces initiatives n’ont pas pour but de remplacer les enquêtes traditionnelles auprès des ménages, qui constituent toujours le principal moyen de mesurer la pauvreté. Bien intégrés, ces outils peuvent toutefois se révéler extrêmement efficaces pour recueillir des données, et donc pour mettre à disposition des décideurs les éléments les plus pertinents.
Alvin Etang Ndip, un économiste qui collabore avec le Pôle mondial d’expertise en Pauvreté de la Banque mondiale et qui dirige l’initiative Listening to Africa, résume très bien l’intérêt des innovations technologiques pour l’obtention de données : « La révolution technologie change notre manière de travailler. En mieux. »