La République centrafricaine a l'un des taux de mortalité maternelle et infantile les plus élevés au monde.
La réforme de la gratuité ciblée en faveur des femmes enceintes ou allaitantes, et des enfants de moins de 5 ans est l’une des stratégies clés pour lutter contre la mortalité maternelle et infantile.
Grâce au projet SENI Plus, près de 475 000 femmes et enfants ont reçu des services de santé essentiels et plus de 101 000 ont été complètement vaccinés entre octobre 2022 et mai 2024.
Awa Prisca n’a pas dormi de la nuit. Sa fillette de 3 mois, Maléyombo Mariana, n’a cessé de pleurer et brûle de fièvre. Sa mère s’empresse de l’emmener à l’hôpital de district de Sibut proche de sa maison.
Dès 8h00, le service de pédiatrie est rempli de patients. Tous ont suivi à la radio communautaire de la Kémo l’annonce faite la veille par le Dr Alain Doté, médecin-chef de l’hôpital de district de Sibut, informant de l’arrivée de médicaments en provenance de la capitale Bangui, et invitant les personnes concernées à se rendre à l’hôpital pour être servies.
Quand vient son tour, Awa Prisca se présente devant une assistante médicale qui la questionne sur l’état de santé de son bébé avant de l’ausculter attentivement puis de recommander que l’enfant reste en observation à l’hôpital. Le lendemain, le diagnostic établit un début de méningite. Awa Prisca est autorisée à rentrer chez elle mais doit se présenter tous les matins à l’hôpital avec son bébé qui bénéficiera d’un traitement approprié. Rassurée, la jeune maman reprend le chemin de son domicile, consciente que tout sera mis en œuvre pour guérir sa fille.
Une gratuité ciblée appréciée de tous
L’histoire d’Awa Prisca et de son bébé mérite l’attention dans le contexte de fragilité chronique de la République centrafricaine (RCA). Quelques années plus tôt, elle aurait sans doute choisi une autre option que l’hôpital, les maigres revenus de son foyer ne lui permettant pas de subvenir aux besoins de santé de sa famille.
La réforme de la gratuité ciblée des soins médicaux constitue l’une des stratégies clés pour lutter contre la mortalité maternelle et infantile en RCA où les taux sont parmi les plus élevés au monde.
Entretien avec le ministre de la Santé et de la population, RCA, Dr. Pierre Somsé
Awa Prisca a deux autres enfants de 4 et 6 ans nés tous deux à l’hôpital de district de Sibut, entre les mains expertes de Ndoumba Louise, sage-femme de 59 ans, qui est une référence à Sibut. Diplômée d’Etat avec 20 ans de service, elle a accueilli la gratuité ciblée comme un réel soulagement. « Avant, j’étais obligée de prendre sur mon salaire pour payer les soins des malades les plus pauvres », confie-t-elle.
Renforcer le système sanitaire national
Chef-lieu de la préfecture de la Kémo, Sibut se situe à plus de quatre heures de route de la capitale, et joue un rôle majeur dans la connectivité régionale. Mais Sibut est aussi une ville meurtrie par les vagues de violences qui ont émaillé l’histoire de la RCA au cours des deux dernières décennies.
Ndoumba Louise est témoin des changements majeurs survenus à Sibut au cours de la décennie. Sous ses yeux, la salle d’hospitalisation a été réhabilitée. Une nouvelle maternité puis un nouveau bloc opératoire ont été construits. Des équipements modernes, y compris de nouvelles couveuses, ont été acquis, ainsi que des panneaux solaires et un château d’eau installés pour assurer un accès permanent à l’électricité et à l’eau. Un entrepôt pharmaceutique a été construit et un système d’approvisionnement mis en place pour garantir la disponibilité des médicaments et des vaccins. Une clôture a été érigée pour sécuriser aussi bien les installations hospitalières que les patients, et empêcher les animaux domestiques de venir errer dans la cour de l’hôpital. Des assistantes de santé ont aussi été formées et un appoint de personnel soignant est arrivé pour favoriser une prise en charge adéquate des malades dans tous les services.
« Chez nous, à l’hôpital de district de Sibut, nous n’avons enregistré aucun cas de décès mère-enfant depuis des années », résume triomphalement Ndoumba Louise. « Il y a aussi moins d’accouchements à domicile », ajoute Dr Alain Doté. Le bilan prénatal étant gratuit, les femmes enceintes viennent massivement à l’hôpital pour consulter. Elles sont donc mieux informées de l’évolution de leur grossesse et mieux suivies par les sage-femmes.
Les cas d’accouchements extrahospitaliers qui surviennent encore résultent souvent « d’un manque d’organisation », indique le médecin-chef. Les femmes enceintes qui continuent d’assurer des tâches domestiques lourdes et des activités agricoles pénibles pour nourrir leurs familles, sont parfois prises au dépourvu par le début du travail. En réponse à cette problématique, un groupe de matrones est en formation dans diverses localités du pays pour assurer le suivi des femmes enceintes dans la communauté, intervenir en cas d’urgence et apporter les premiers soins aux patientes et à leurs nourrissons, avant de les référer au centre de santé le plus proche.
L’hôpital de district de Sibut est aujourd’hui en mesure de proposer un paquet complet de soins aux populations les plus vulnérables. Il dispose de trois médecins, deux sage-femmes, six assistantes accoucheuses et sept assistantes sanitaires. « Il accueille en moyenne 1 400 à 1 500 patients par mois, contre moins de 1 000 avant la mise en œuvre de la gratuité ciblée », précise le Dr Alain Doté. Le médecin-chef estime cependant que cette progression résulte également de la stratégie avancée pratiquée par l’hôpital et qui consiste, chaque week-end, à mobiliser une équipe constituée d'un assistant médical, d’une sage-femme et d’agents de laboratoire pour sillonner les axes périphériques de Sibut afin de sensibiliser les populations, consulter et traiter les patients. Les séances se déroulent habituellement chez les chefs de villages, informés à l’avance, pour leur permettre de préparer les sites et mobiliser les communautés.
Un partenariat exemplaire et vital
Les progrès affichés par l’hôpital de district de Sibut illustrent l’efficacité du partenariat entre la République centrafricaine et la Banque mondiale dans le domaine de la santé. Ilsecristallise aujourd’hui autour du projet d'appui et de renforcement du système de santé et de la prestation de service (SENI-Plus), qui vise à accroître l’utilisation des services de santé essentiels de qualité notamment pour les femmes et les enfants, et à protéger les services sociaux essentiels pour la population de la RCA, surtout en zone rurale.
SENI Plus dispose de 95 millions de dollars, don de l'Association internationale de développement (IDA), et de financements additionnels à travers le Mécanisme de financement mondial pour les femmes, les enfants et les adolescents (GFF), ainsi que de la coopération suisse à travers le fonds fiduciaire multi-donateurs.
Depuis le début de sa mise en œuvre en 2022, SENI Plus a permis le recrutement et le maintien de 300 agents de santé qualifiés assurant le fonctionnement de plus de 500 centres de santé, y compris 15 hôpitaux de districts. Près de 475 000 femmes et enfants ont reçus des services de santé essentiels et plus de 101 000 ont été complètement vaccinés entre octobre 2022 et mai 2024.
Les témoignages de vies d’une jeune maman soucieuse du bien-être de son bébé, et du personnel de santé dévoué de l’hôpital de district de Sibut confirment l’importance d’une action collective autour d’une mission essentielle : développer un modèle d’intervention spécifique pour renforcer la résilience du système sanitaire de la RCA et développer son capital humain. Une aspiration partagée par tous ceux qui portent en eux l’espoir légitime d’un avenir meilleur pour le pays.
Sauver des vies en République centrafricaine : Les héros de Sibut dans les services de santé
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