« L’Eldorado ouest-africain », « mini-CEDEAO », « pays d’hospitalité », « la deuxième patrie », « le pays de tous », « le pays où tout pousse » : toutes ces appellations décrivent la Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de cacao, de noix de cajou, de noix cola. Elles tirent leur origine de la générosité de sa terre. Cette terre, autrefois offerte en symbole d'hospitalité aux « frères » des pays voisins et aux migrants jusqu'aux années 90, et devenue source de discorde après la crise post-électorale de 2010-2011, avec des conflits fonciers ruraux menaçant désormais la paix et la sécurité nationales.
À Bécédi-Brignan, village cosmopolite à environ 140 km au nord d'Abidjan, « on recevait et jugeait en moyenne trois à cinq cas de litiges fonciers par semaine », rappelle son chef, Adou Yapi Félix. La situation est encore plus complexe dans l'ouest du pays, frontalier de la Guinée et du Libéria, durement touché par la crise, où les disputes foncières ont entraîné des violences et des morts. « Le feu couve sous la cendre », avertit Bamba Cheick Daniel, directeur de l’Agence foncière rurale, soulignant les germes d'un conflit aux conséquences dévastatrices.
41 000 certificats fonciers et contrats signés
Jusqu'en 2018, seuls 4 627 certificats fonciers, soit 1%, étaient délivrés pour des centaines de millions d'hectares de terre. Pour remédier à cela, quelques mois après l'opérationnalisation de l'agence foncière rurale, la Côte d'Ivoire lance le projet d’amélioration de la mise en œuvre de la politique foncière rurale (PAMOFOR). L'objectif est ambitieux : délivrer 53 400 certificats fonciers, délimiter 400 villages, et favoriser la signature de 10 000 contrats d'exploitation entre propriétaires terriens et exploitants agricoles non-propriétaires.
Cependant, deux obstacles se dressent : la procédure existante à quatre étapes s'avère limitée et coûteuse ; et la question épineuse des exploitants agricoles, étrangers ou Ivoiriens venus du Centre ou du Nord, exploitant des terres sans en être propriétaires depuis plusieurs années, complique davantage la situation.
Avec un soutien technique et une enveloppe de 50 millions de dollars de la Banque mondiale par l’intermédiaire de l’Association internationale de développement (IDA), le PAMOFOR introduit l'approche « quatre en un » et supprime les frais. Plus de 10 000 acteurs du foncier rural sont formés et les populations concernées sont informées et sensibilisées sur l'importance de sécuriser leurs terres. Entre 2018 et juin 2023, période de la phase pilote du projet PAMOFOR, environ 41 000 propriétaires terriens et exploitants agricoles ont obtenu un document officiel pour leurs terres : le certificat foncier pour le propriétaire, et le contrat pour l’exploitant agricole. Au-delà de la simple sécurisation des terres, le PAMOFOR devient un instrument de « cohésion sociale », selon Zorro Armelle Yougone, sous-préfet de Yakassé-Attobrou, contribuant à régler de nombreux conflits au sein des familles et entre les communautés.