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ARTICLE30 novembre 2023

En Jordanie, une nouvelle génération d’agriculteurs climato-intelligents nourrira les générations futures

The World Bank

Lina Madlboh, titulaire d'un diplôme en ingénierie de l'Université jordanienne des sciences et technologies, se consacre à l'agriculture hydroponique et aéroponique.

LES POINTS MARQUANTS

  • La Jordanie renforce sa sécurité alimentaire en investissant dans une production agricole climato-intelligente.
  • Un projet de la Banque mondiale créera quelque 12 000 emplois en faveur des femmes et des jeunes.
  • Le projet bénéficiera à environ 30 000 ménages agricoles.

Face à la raréfaction de l’eau, à l’intensification des sécheresses, à la hausse des températures et aux perturbations des systèmes alimentaires mondiaux, la Jordanie forme une nouvelle génération d’agriculteurs climato-intelligents et transforme son secteur agroalimentaire afin de renforcer sa résilience et de créer plus d’emplois et de valeur ajoutée.

Intitulé ARDI (‘ma terre’, en arabe), le nouveau programme agricole (a) de la Banque mondiale en Jordanie entend renforcer les systèmes alimentaires en ouvrant la voie à des pratiques agricoles plus économes en eau et plus résistantes au changement climatique. Approuvé en 2022, le projet ARDI (Agriculture, résilience, développement des chaînes de valeur et innovation) permettra d’apporter un soutien financier à environ 30 000 ménages agricoles. Dotée d’une enveloppe de 125 millions de dollars, cette opération ambitionne la création de quelque 12 000 emplois, à destination notamment des femmes et des jeunes, traditionnellement exclus du développement de l’agriculture.

Comme d’autres agricultrices, Seham Bani Mustafa constate déjà des progrès dans sa petite exploitation à Souf, une localité de la région d’Al-Burj située à 60 kilomètres environ de la capitale Amman. Dans le cadre du programme ARDI, la maraîchère a bénéficié d’un financement pour la mise en place d’un nouveau système de collecte des eaux de pluie. Aujourd’hui, elle n’attend plus que l’eau lui soit livrée tous les 15 jours : en collectant l’eau des mois d’hiver les plus humides, elle peut veiller à la croissance de ses abricots, pêches, petits pois, haricots et autres légumes.

« Même en faisant preuve d’une prudence extrême dans nos arrosages, les quantités d’eau étaient insuffisantes, déclare l’agricultrice, se remémorant l’époque où elle était tributaire des livraisons d’eau. Aujourd’hui, grâce au réservoir, tout a changé. L’accès à l’eau n’est plus un motif d’inquiétude. Nous sommes devenus autonomes. » Et de préciser que son petit verger produit des fruits sans pesticides et qu’elle écoule son excédent sur les marchés locaux, la fabrication de savons traditionnels complétant par ailleurs son revenu.

Comme de nombreux pays, la Jordanie cherche des solutions face aux préoccupations croissantes en matière d’insécurité alimentaire. En 2022, le pays s’est doté d’une nouvelle stratégie nationale pour la sécurité alimentaire, qui fixe des actions précises en faveur du renforcement des systèmes alimentaires et de la création d’emplois. Parce qu’elle est l’un des pays au monde les plus touchés par le manque d’eau, la Jordanie adopte des mesures énergiques en vue d’optimiser l’emploi de cette précieuse ressource et de mieux équilibrer l’offre et la demande.

Près d’un quart des Jordaniens en situation de pauvreté tirent leurs revenus de l’agriculture. En ne tenant compte que des activités strictement agricoles, ce secteur ne représente que 5,6 % du PIB national. Si l’on y ajoute les activités de toute la chaîne de valeur, le secteur de l’agroalimentaire contribue à hauteur de 20 à 25 % du PIB.

Parmi les priorités établies figurent le renforcement des compétences et la formation d’une nouvelle génération d’exploitants et de spécialistes agricoles à des techniques moins gourmandes en eau et à la plantation de variétés plus résistantes aux sécheresses et à d’autres aléas climatiques.

Fatima Abu Akleek, 22 ans, diplômée de l'Université jordanienne des sciences et de la technologie, s'est formée à l’hydroponie et à la pisciculture. Elle met aujourd’hui en pratique ses récents acquis à la pépinière Al Faisal, dans la région de Jerash, territoire montagneux situé au nord-ouest d’Amman. Dans cet établissement, les poissons arrivent à maturité dans un réservoir et les plantes dans un autre : les nutriments produits par les poissons sont transformés en un engrais non chimique qui nourrit ensuite les plantes. Grâce à ce produit dérivé, on évite l’utilisation d’engrais chimiques à des fins horticoles.

Lina Madlboh, ingénieure issue de la même université, s’est également spécialisée en hydroponie et en aéroponie, une technique qui permet de cultiver des plantes hors sol par simple vaporisation. Avec sa famille, elle produit du safran à l’aide d’une safranière hermétique qui préserve les bulbes de cet aromate onéreux des aléas météorologiques extrêmes ou des maladies provenant du sol. Cette méthode, qui produit des rendements plus élevés, nécessite un suivi minutieux et quotidien. La famille de Lina Madlboh a donc engagé des jeunes de la région pour l’aider dans son exploitation.

Le programme ARDI appuie la rénovation de pépinières comme celle d’Al Faisal et ouvre des fermes-écoles aux agriculteurs afin qu’ils puissent se familiariser avec des techniques climato-intelligentes, mais aussi des solutions numériques qui leur permettront de commercialiser leurs produits plus rapidement.

Ibrahim Hani Harahsheh est installé à Qafqafa, une ville située dans le gouvernorat de Jerash. Il témoigne de la manière dont les équipements de collecte des eaux de pluie fournis par le projet ont contribué à transformer ses terres : « La récupération de l’eau nous a permis de cultiver des sols qui étaient auparavant presque semi-désertiques. »

Muflih Al-Shurafat est un berger d’Azraq, dans le gouvernorat de Zarqa ; il a lui aussi bénéficié de la construction d’un nouveau réservoir dans lequel les eaux de pluie sont stockées. Auparavant, il devait parcourir de longues distances en voiture pour aller chercher de l’eau pour ses moutons. La préservation des ressources hydrologiques est essentielle dans le gouvernorat de Zarqa, une région située à l’est de la Jordanie, au cœur d’une vaste étendue désertique.

« Aujourd’hui, mon troupeau peut s’abreuver sans difficulté, explique-t-il. Cela nous a libérés des déplacements, ce qui soulage notre activité au quotidien. Ces longs trajets consacrés aux corvées d’eau étaient très éprouvants pour nous. »

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