Quel est le point commun entre un parc éolien en Indonésie, un système de transport public en Égypte et des projets en faveur de l'énergie propre et de la biodiversité en Colombie ?
Tous sont adossés à des « obligations vertes », des instruments de plus en plus populaires auprès des investisseurs désireux de financer le développement durable et la lutte contre le changement climatique. Depuis 2016, 19 pays émergents (a), du Chili à l'Ouzbékistan, ont lancé des obligations vertes, sociales et durables pour stimuler le financement climatique, encourager une transition juste vers l'abandon des combustibles fossiles et réaliser leurs Objectifs de développement durable, en particulier l'ODD 7 sur l'énergie propre.
L'Inde a rejoint ce groupe début 2023. Le pays a alors émis sa première obligation verte afin de lever environ deux milliards de dollars pour financer des projets contribuant à l'atténuation du changement climatique, à l'adaptation, à la protection de l'environnement, à la conservation des ressources et de la biodiversité, ainsi qu'à l'atteinte de la neutralité carbone (a).
« Les marchés émergents ne se contentent pas de suivre le mouvement, ils sont à la pointe de l'innovation, affirme Farah Imrana Hussain, qui dirige les services de conseil de la Banque mondiale en finance durable et responsabilité ESG (environnement, société et gouvernance). L'obligation verte émise par l'Inde aura un impact énorme, non seulement parce qu'elle contribuera à la réalisation des engagements nationaux au titre de l'accord de Paris, mais aussi parce qu'elle encouragera d'autres pays à lever des capitaux privés pour les priorités environnementales. »
Financer l'action climatique et les ODD
Les pays ont commencé à se tourner vers les emprunts obligataires pour financer le développement durable après l'adoption des ODD et de l'accord de Paris sur le changement climatique en 2015. En 2016, les Fidji sont devenues le premier marché émergent à émettre une obligation verte, levant 50 millions de dollars en faveur de la résilience climatique (a).
En 2016, les Fidji sont devenues le premier marché émergent à émettre une obligation verte, levant 50 millions de dollars en faveur de la résilience climatique.
En 2020, l'Égypte a lancé la première obligation verte souveraine du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (a), d'un montant de 750 millions de dollars. Cette opération a notamment permis de lever des fonds pour investir dans les transports propres et la gestion durable de l'eau. Ainsi, le monorail du Caire qui pourra transporter plus d'un million de passagers par jour est un projet majeur. Le système réduira les émissions de carbone et le trafic routier tout en diminuant le nombre de morts et de blessés sur les routes. Ce projet devrait créer jusqu'à 4 000 emplois pendant la construction et 450 emplois permanents. L'emprunt obligataire a également financé des investissements dans des projets de gestion durable de l'eau et des eaux usées, au profit de 16,9 millions d'habitants.
Une obligation développement durable (a) lancée par l'Indonésie en 2021 soutient la construction du parc éolien de Sidrap, dans la province du Sulawesi du Sud, située sur l'une des plus grandes îles de l'archipel. Le projet qui se poursuivra jusqu'en 2028 permettra d'installer 30 éoliennes et de fournir suffisamment d'énergie renouvelable au réseau national du Sulawesi du Sud pour alimenter plus de 70 000 foyers. L'obligation a été émise par une institution financière non bancaire, PT Indonesia Infrastructure Finance, fruit d’un partenariat associant le gouvernement indonésien, le Groupe de la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement et d'autres institutions multilatérales. Ce projet s'inscrit dans le cadre d'un plan visant à accroître la part des énergies renouvelables dans le réseau électrique indonésien et à réduire le poids du charbon et du diesel.
La Colombie, dont l'action pour verdir son économie (a) est largement reconnue, a lancé en 2021 la première obligation verte d'Amérique latine émise en monnaie locale (peso colombien). Cet instrument, d'une valeur équivalente à 511,4 millions de dollars, a reçu le prix d’« obligation verte souveraine de l'année » (a) lors des Bonds Awards 2022 décernés par le site Environmental Finance. Il soutient 27 projets d'investissement dans la gestion durable de l'eau, les services écosystémiques et la protection de la biodiversité, les énergies renouvelables et les transports propres et durables, notamment la construction de la première ligne du métro de Bogota. for its efforts to green its economy, issued Latin America’s first green bond in a local currency (Colombian pesos) in 2021. The $511.4 million-equivalent bond was named sovereign green bond of the year by Environmental Finance's Bond Awards 2022 and supports 27 investment projects in sustainable water management; ecosystem services and biodiversity protection; renewable energy; and clean and sustainable transport, including funding for the first line of the Bogotá metro.
La Colombie, dont l'action pour verdir son économie est largement reconnue, a lancé en 2021 la première obligation verte d'Amérique latine émise en monnaie locale (peso colombien).
Les obligations vertes contribuent également au financement de projets écologiques dans le monde islamique. À Kuala Lumpur, en Malaisie, un projet de construction de 481,9 millions de dollars est en partie financé par une sukuk verte, une obligation sans intérêt qui génère des rendements pour les investisseurs sans enfreindre les principes de la charia (loi islamique). Ce projet soutient la construction éco-énergétique d'une tour abritant entre autres 83 étages de bureaux (a), la première en Malaisie à remplir les critères requis pour une triple certification platine des bâtiments écologiques.
La réalisation de toutes ces transactions a été facilitée par l'assistance technique des services de conseil de la Banque mondiale en matière de finance durable et d'ESG (a).
2 500 milliards de dollars à l'échelle mondiale
En janvier 2023, les obligations vertes auront levé 2 500 milliards de dollars dans le monde pour soutenir des projets écologiques et durables. Les gouvernements des pays émergents ont mobilisé 74 milliards de dollars, soit 2 % du total des obligations vertes, sociales et durables émises dans le monde.
Le potentiel de développement de cet instrument est par conséquent considérable. Pour rappel, les obligations vertes ont été créées en 2008 en réponse aux préoccupations croissantes de lutte contre le changement climatique et de développement durable. Un groupe de fonds de pension suédois a contacté la Banque mondiale, car ils recherchaient des produits liquides, négociables et à revenu fixe qui soutiendraient des solutions respectueuses du climat. Cette démarche a été à l'origine de la première obligation verte émise par une institution — la Banque mondiale —, ouvrant la voie à un marché qui a depuis pris son essor. Les méthodes appliquées par la Banque mondiale pour émettre plus de 200 obligations vertes dans 25 monnaies sont désormais la norme internationale en la matière et constituent des principes de référence pour les marchés financiers.
En janvier 2023, les obligations vertes auront levé 2 500 milliards de dollars dans le monde pour soutenir des projets écologiques et durables.
À mesure que ces obligations se sont multipliées, les investisseurs sont devenus plus conscients de l'impact global de leurs investissements.
« Les investisseurs ne vont pas acheter une obligation verte ayant des conséquences négatives sur la population ni une obligation sociale qui va nuire à l'environnement, explique Mme Hussain. Ces instruments sont vraiment remarquables parce qu'ils donnent à l'émetteur la possibilité de s'assurer qu'il finance des projets qui ont un impact positif sur l'environnement et sur les communautés locales. »
Lupin Rahman, responsable mondial des marchés souverains chez Pacific Investment Management Company (PIMCO), explique ainsi les avantages de ces obligations : « Les obligations vertes sur les marchés émergents constituent une option de plus en plus attrayante pour les investisseurs recherchant un revenu fixe, car les émetteurs se distinguent par leurs références en matière de développement durable, ils ont des objectifs renforcés et des cadres clairs pour s'attaquer à la transition énergétique et aux risques climatiques, ainsi que des objectifs de durabilité plus larges. »