Josiane ne peut pas cacher sa joie alors qu'elle remplit ses deux seaux à un kiosque à eau à Roche-à-Bateau, une petite ville de la région sud d'Haïti. Pour cette agricultrice aux cheveux gris, les avantages d'une infrastructure améliorée et d'un meilleur accès à l'eau et à d'autres services de base sont incomparables dans sa ville de 20 000 habitants.
« Après la recrudescence de l'épidémie de choléra dans le pays, nous avions très peur d'attraper la bactérie à cause du manque d'infrastructures d'eau et d'assainissement dans les zones rurales. Au fil des ans, le gouvernement a construit des infrastructures d'approvisionnement en eau dans mon quartier. Nous avons maintenant accès à de l'eau potable à proximité de nos maisons », a déclaré Josiane, mère de deux enfants.
Roche-à-Bateau et d'autres villes de la région sont sujettes à de fréquentes catastrophes naturelles. En 2016, l'ouragan Matthew a détruit des maisons, des infrastructures et les moyens de subsistance des agriculteurs, avant qu'une autre calamité n’arrive cinq ans plus tard. « Nous étions au milieu de notre processus de rétablissement lorsque le terrible tremblement de terre a frappé la région », a déclaré Exant Duyon, technicien en eau de la communauté. « Cela a plongé la population dans le désespoir. »
Le tremblement de terre d'août 2021 a été virulent, mais heureusement, il n'a pas causé de dommages sévères sur les nouvelles infrastructures hydrauliques, incluant les réservoirs, les captages de sources et les bornes-fontaines pour la distribution. « Les dommages mineurs qui ont été enregistrés concernaient la canalisation et d'autres matériaux du réseau », a déclaré Duyon.
Cette résilience est en grande partie due au projet Eau Potable et Assainissement en milieu Rural Durable (EPARD) financé par l’Association Internationale de Développement (IDA) du groupe de la Banque mondiale. Le projet a financé la construction d'un système d'alimentation en eau par gravité dans la commune. L'infrastructure comprend un système de captage à la source, un bassin de collecte, un bassin de sédimentation, cinq bornes-fontaines, près de 600 embranchements domiciliaires, et une douzaine de kiosques où les gens peuvent remplir des récipients avec de l'eau à emporter chez eux.
Globalement, le projet a permis aux autorités haïtiennes d'augmenter l'accès à l'eau potable pour plus de 560 000 habitants des zones rurales et petites villes de huit des dix départements du pays grâce à la construction de nouveaux systèmes d'approvisionnement, ainsi qu’à la réhabilitation et à l'extension de ceux existants. Il a également permis à plus de 31 000 personnes d'accéder à des installations sanitaires améliorées
Relever des défis persistants
Malgré le succès du projet EPARD, certains défis persistent dans l'amélioration de l’accès et de la qualité de ses services de base pour les 11,6 millions habitants d’Haïti, ce qui a entraîné des progrès limités dans l'amélioration des résultats sanitaires. L'accès à l'approvisionnement en eau potable et aux services d'assainissement dans les zones rurales est non seulement faible mais en baisse. En 2020, seulement 43 % de la population rurale d'Haïti avaient accès à un approvisionnement en eau potable de base, contre 48 % en 2015 et 50 % en 1990. C'est bien moins que la moyenne de 90 % en Amérique latine et dans les Caraïbes en 2022, une tendance assez inquiétante.
« Dans les zones reculées, le problème des habitats dispersés reste une contrainte sérieuse à l'accès à l'eau », a déclaré le technicien en eau. « De plus, le réservoir est en aval de petites communautés dans les régions montagneuses, ce qui empêche l'eau d'y parvenir. »
Les communautés rurales d'Haïti font également face au défi des systèmes d'approvisionnement en eau qui sont en mauvais état. Sur les 13 626 points d'eau améliorés recensés en 2022 dans la base de données (Système Intégré d'Information sur l’Eau Potable et l’Assainissement - SIEPA), seulement 7,057 (51 %) sont fonctionnels en 2022. Sur 1 041 systèmes d'adduction d'eau courante desservant la population des zones rurales denses et des petites villes, seuls 433 d'entre eux (41%) sont fonctionnels. Cette situation est le résultat d'un sous-financement historique du secteur, d'une faible appropriation communautaire, de l'effondrement de l'infrastructure en raison d'un fonctionnement et d'un entretien médiocres et d'une maintenance post-construction insuffisante et d'un manque de résilience de l'infrastructure aux aléas naturels et aux effets du changement climatique.
Il existe également des problèmes d'assainissement dans les zones rurales d'Haïti. En 2020, 31% de la population rurale pratiquait encore la défécation à l'air libre. Les toilettes publiques et les points d'eau ne sont généralement pas non plus accessibles aux personnes handicapées. Ce déficit résulte à la fois de contraintes du côté de la demande et de l'offre, et il expose la population, en particulier les enfants, au risque de maladies et de malnutrition.
La Banque mondiale prévoit de renforcer son appui au secteur. Cet effort sera conforme à son engagement d'améliorer l’accès à l'eau et à l'assainissement, notamment en renforçant ses infrastructures contre les événements climatiques et autres aléas. Un nouveau projet d'eau et d'assainissement de 80 millions de dollars sera bientôt lancé en Haïti. Le projet vise à soutenir les principales réformes politiques et institutionnelles qui sont déjà énoncées dans la réforme sectorielle de 2009 mais qui doivent encore devenir opérationnelles dans la pratique.
Développer une approche inclusive dans le secteur de l’eau en Haïti
En Haïti, la pauvreté est plus concentrée dans les zones rurales. Les femmes souffrent le plus de la pauvreté en raison des longues distances qu'elles doivent parcourir pour ramener l'eau à la maison et parce que la santé de la famille est considérée comme leur responsabilité. Cela expose davantage les femmes aux maladies d'origine hydrique. Les femmes ont également moins accès aux services et sont plus exposées aux violences sexistes et aux effets des catastrophes.
Josiane a vu ses conditions s'améliorer à Roche-à-Bateau. « L'installation de cette borne fontaine dans la commune est une bouée de sauvetage pour les habitants. Cela nous aide non seulement à gagner du temps dans la collecte de l'eau, mais c'est aussi une garantie que nous avons une eau de qualité et nous évite de faire face aux menaces physiques auxquelles nous sommes exposées, en particulier lorsque nous allons à la source d'eau la nuit », a-t-elle déclaré tout en remplissant ses récipients.
Pour aider à changer cette tendance sexiste, le Projet EPARD a plaidé pour que les femmes soient intégrées dans la gestion des systèmes d'approvisionnement en eau nouvellement construits ou réhabilités. Il a également soutenu un diagnostic de genre du secteur Eau, assainissement et hygiène pour évaluer la capacité de la Direction nationale de l'eau potable et de l'assainissement d'Haïti à résoudre les problèmes systémiques de genre, y compris sa connaissance et sa compréhension des préjugés sexistes dans le secteur.
Le prochain projet de 80 millions de dollars de la Banque mondiale contribuera à améliorer l'égalité des sexes en Haïti en élaborant une stratégie globale d'inclusion sociale et un plan d'action basé sur les résultats du diagnostic de genre. Cela aidera le gouvernement à concevoir des politiques et des projets qui répondent mieux aux besoins de tous les membres de la communauté, y compris les femmes, les jeunes et les personnes handicapées, en promouvant l'équité et l'inclusion dans la gestion des systèmes d'eau, d'assainissement et d'hygiène.