Lancé en 2014 dans le but de développer les compétences des jeunes en sciences, techniques, ingénierie et mathématiques, le programme des Centres d'excellence africains pour l'enseignement supérieur (CEA) favorise aussi la présence des femmes dans les filières scientifiques.
Même si les hommes sont plus nombreux à s’inscrire dans toutes ces disciplines, le programme des CEA, financé par la Banque mondiale, permet d’attirer de plus en plus d'étudiantes en Afrique car « les sciences n'ont pas de genre. »
Mbassally Manneh — Sally pour les intimes — est l'une de ces femmes qui ont investi les carrières scientifiques. Elle a réalisé son rêve : devenir architecte. Son parcours est aussi impressionnant qu'intéressant.
Pendant toute son enfance à Brikama Nema, en Gambie, Sally n’aime rien tant qu’apprendre, se rendre le matin à l'école et s’y attarder pour des cours supplémentaires, dans l'espoir de devenir un jour architecte.
Ce rêve a poussé Sally à passer un diplôme d'ingénierie civile à l'École nationale supérieure polytechnique de Yaoundé (Cameroun), l'un des Centres d'excellence africains.
Sally est maintenant ingénieure en génie civil et constructeur. Mais le parcours n'a pas toujours été facile. Dans une profession majoritairement masculine, les écueils étaient nombreux. « Avant qu'on me confie une mission de maître d'œuvre ou de chef de projet, je dois faire mes preuves à 200 %, témoigne-t-elle. Notre société est encore dans le déni vis-à-vis des femmes qui se réalisent, quels que soient leurs aptitudes et potentiel. »
Avant qu'on me confie une mission de maître d'œuvre ou de chef de projet, je dois faire mes preuves à 200 %. Notre société est encore dans le déni vis-à-vis des femmes qui se réalisent, quels que soient leurs aptitudes et potentiel.
Dans la famille de Sally, qui compte 24 enfants, l'école n'est pas une priorité, et l'instruction est avant tout une question de motivation personnelle. Pour la jeune fille, poursuivre sa vocation consistera souvent à aller à contre-courant... et à être la seule femme au milieu d’hommes. Cependant, son père lui apporte tout son soutien et accepte de financer les études de son choix. Elle s'inscrit dans un lycée particulièrement côté dans les disciplines techniques, afin d'y étudier l'électricité, la mécanique automobile, la menuiserie, la métallurgie, la chimie et le dessin industriel.
« Ma condition de seule fille de la classe n'était pas facile, se souvient-elle. Pour me taquiner, les filles des autres sections me demandaient si j'avais le temps de me faire les ongles et autres occupations dites “féminines”. »
Elle doit mettre les bouchées doubles pour faire ses preuves. Par chance, un de ses enseignants se refuse à la discrimination entre garçons et filles. Et d’affirmer en encourageant Sally : « Le savoir n'a pas de genre ! ».
« Cela m'a incitée à m'accrocher, sans craindre les obstacles. »
Un difficile numéro d’équilibriste : « C'était l'échec ou la réussite. J'ai choisi la réussite. »
Après le lycée, Sally poursuit sur sa lancée. Admise à l'Institut de formation technique de Gambie pour étudier le dessin d'architecture, elle trouve un poste de professeure-assistante puis de maître de conférences, avant d'obtenir son diplôme supérieur en conduite de travaux. Lorsque le programme CEA au Cameroun lui offre la possibilité d'entreprendre un mastère, elle est enthousiaste.
Un seul hic : Sally, qui est mariée et a déjà un enfant, apprend qu'elle en attend un second. « Je ne me suis jamais sentie aussi perdue. »
Concilier la vie d'étudiante et de mère, de surcroît enceinte et dans un pays étranger, est un défi de taille. Mais Sally sait qu'elle doit aller au bout de ses rêves. « Pour moi, Yaoundé, c'était l'échec ou la réussite. J'ai choisi la réussite. »
Elle cache sa grossesse à tous, y compris à ses parents. Convaincue qu'elle parviendra à ses fins par ses efforts et son implication, elle part pour le Cameroun suivre ses trois ans d'études. Les examens approchant, Sally craint d'accoucher à ce moment-là. De fait, le bébé arrivera quatre jours après l'épreuve de génie mathématique !
« J'ai envoyé un mot chez moi à Banjul pour annoncer la naissance de mon deuxième enfant. Tout le monde est tombé des nues, en se demandant comment j'avais pu accoucher toute seule à l'étranger, sans mes parents ou mon mari. Loin de me démolir, ces expériences me construisent pour relever de nouveaux défis. »
Des efforts récompensés
Malgré les obstacles, Sally a brillamment réussi. Ses efforts ont été récompensés. De retour en Gambie, son mastère en poche, elle est promue directrice de la section Architecture et professeure au département Construction de l'Institut de formation technique au sein de l'Université de sciences appliquées, d'ingénierie et de technologie (USET). Entre autres activités, elle fonde aussi son propre cabinet, Sally’s Engineering Firm.
Son souhait : servir de modèle à d'autres jeunes femmes. « Pendant mes cours, j'encourage les étudiantes à rester concentrées sur leur objectif, à s'engager à fond et à travailler dur. On continue à définir les femmes selon ce que veut la communauté. La plupart des gens qui me voient sur un chantier coiffée d’un casque et en combinaison de travail, n'arrivent pas à croire que le maître d'œuvre ou le chef de projet, c'est moi. Pour une femme africaine et musulmane travaillant dans le domaine de l'ingénierie, l'estime de soi est essentielle. J'espère que mon histoire inspirera d'autres jeunes filles. »
Saluons la présence des femmes dans les domaines scientifiques et techniques !
This site uses cookies to optimize functionality and give you the best possible experience. If you continue to navigate this website beyond this page, cookies will be placed on your browser. To learn more about cookies, click here.