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ARTICLE03 février 2023

Le stockage de l’eau est au cœur de l’adaptation au changement climatique

The World Bank

Photo : CRS PHOTO/Shutterstock

LES POINTS MARQUANTS

  • Un nouveau rapport de la Banque mondiale démontre l’importance vitale du stockage des ressources en eau pour l’adaptation climatique.
  • La demande d’eau douce augmente tandis que les glaciers, le manteau neigeux et les zones humides reculent.
  • Face à ce déficit croissant, il est indispensable de trouver une nouvelle stratégie qui intègre les réservoirs naturels et artificiels et gère globalement l’ensemble des systèmes d’approvisionnement en eau.

Dans les années 1960, les agriculteurs du nord de l’Inde ont commencé à puiser dans les eaux souterraines afin d’irriguer leurs champs. Cette pratique a été le fer de lance d’une révolution verte qui a permis au pays d'assurer son autosuffisance alimentaire. Mais, six décennies plus tard, la surexploitation des eaux souterraines est à l’origine du tarissement progressif d’une ressource dont dépendent des millions d’habitants.

Aujourd’hui, la plupart des pays exercent une pression sans précédent sur les ressources hydriques. Selon des estimations basées sur les pratiques actuelles de consommation, la planète sera confrontée à un déséquilibre de 40 % entre l’offre et la demande mondiale en eau d’ici 2030. Par ailleurs, la raréfaction chronique de l’eau et les phénomènes météorologiques extrêmes figurent parmi les plus grandes menaces à la prospérité et stabilité mondiales.

Dans un monde où le changement climatique rend les précipitations de plus en plus imprévisibles, les pays et les collectivités doivent impérativement repenser les modes d'exploitation et de gestion des ressources d’eau douce, alerte un nouveau rapport de la Banque mondiale intitulé Que nous réserve l’avenir : Un nouveau paradigme du stockage de l’eau. Car cette ressource constitue « le défi le plus urgent de notre temps », à l’heure où les crises de l’eau engendrées par le changement climatique frappent déjà de plein fouet les populations, l’environnement et les économies. En 2022, les deux tiers des municipalités du Mexique ont été confrontés à des pénuries d’eau, la France a connu une sécheresse inédite, et les inondations dues à des pluies torrentielles ont submergé un tiers du Pakistan, faisant plus de 1 200 victimes et 33 millions de déplacés.

« Le stockage de l’eau douce est au cœur de l’adaptation au changement climatique, principalement parce qu’il permet d'accumuler des réserves pour les périodes plus sèches et de se protéger contre les crues », explique Saroj Kumar Jha, directeur mondial du pôle d'expertise en Eau du Groupe de la Banque mondiale.

 « Ce rapport est né du constat que nos pays clients vivent des situations sans précédent, peinant à faire face aux catastrophes d’origine hydrique tout en s'évertuant à mettre en place, fournir et entretenir des services d’approvisionnement en eau plus nombreux, mais aussi plus résilients. »

Le stockage de l’eau douce est au cœur de l’adaptation au changement climatique, principalement parce qu’il permet d'accumuler des réserves pour les périodes plus sèches et de se protéger contre les crues.
Fatimetou Mint Mohamed
Saroj Kumar Jha
Directeur mondial du pôle d'expertise en Eau du Groupe de la Banque mondiale

Un déficit croissant de stockage d’eau

L’eau est au centre du développement économique et social : elle conditionne l'accès à des conditions de vie salubres, à des cultures vivrières ou à une source d’énergie propre et fiable. L’eau entretient également le fonctionnement des écosystèmes naturels (forêts, zones humides...), alimente les activités industrielles et crée des emplois. Elle concerne tous les aspects du développement et elle est directement liée à la quasi-totalité des Objectifs de développement durable (ODD).

L’eau douce est stockée dans des réservoirs naturels : glaces, sol et végétation, aquifères (eaux souterraines), lacs et zones humides (eaux de surface). Une part stratégique des réserves d’eau est en outre stockée dans des réservoirs artificiels : barrages, citernes, retenues, champs agricoles ou rizières. Les systèmes de stockage peuvent aussi combiner infrastructures naturelles (ou « vertes ») et bâties (« grises ») et former ainsi des solutions hybrides. On peut, par exemple, construire des ouvrages qui permettent d’accélérer la recharge des nappes phréatiques.

Essentiel pour s'adapter au changement climatique, le stockage de l’eau va aussi jouer un rôle de plus en plus important en matière d'atténuation des émissions, à travers l’hydroélectricité : en plus de produire de l’électricité, les ouvrages hydroélectriques peuvent en effet fournir des services de stockage de l’énergie qui permettent d’équilibrer le réseau et d'accompagner ainsi le déploiement de sources d’énergie renouvelable plus variables telles que le solaire et l’éolien.

Alors que la demande d’eau douce va croissant, le déficit de stockage se creuse et, dans de nombreuses régions du monde, les réserves d’eau sont insuffisantes pour couvrir les besoins. Au cours des 50 dernières années, la population mondiale a doublé, mais les volumes d’eau stockés dans la nature se sont réduits d’environ 27 000 milliards de mètres cubes sous l’effet de la fonte des glaciers, de la diminution du manteau neigeux et de la destruction des zones humides et des plaines d’inondation.

Au cours des 50 dernières années, la population mondiale a doublé, mais les volumes d’eau stockés dans la nature se sont réduits d’environ 27 000 milliards de mètres cubes sous l’effet de la fonte des glaciers, de la diminution du manteau neigeux et de la destruction des zones humides et des plaines d’inondation.


L'accent mis par le passé sur les barrages et les réservoirs n'est plus pertinent face aux défis du XXIe siècle, rendant indispensable une nouvelle approche du stockage de l'eau. Le rapport propose un cadre pour intégrer et maximiser les avantages de tous les types de stockage disponibles à l'échelle d’un bassin hydrographique : naturel, bâti et hybride. Ce cadre s’accompagne d’outils pratiques pour recenser les options possibles en fonction des besoins et faciliter la collaboration, avec l’objectif ultime de produire des solutions de stockage intégrées et résilientes conçues pour durer et bénéficier aux générations à venir.

Face aux risques de pénuries d'eau, plusieurs villes, régions et pays s’orientent déjà dans cette direction.

The World Bank

Quantité et répartition des ressources mondiales en eau douce, par région.

Source : GRID-Arendal 2009 (Cartographe : Philippe Rekacewicz). License CC-BY-NC-SA 3.0.

Préserver les ressources en eaux souterraines en Inde

Dans un pays qui concentre 18 % des habitants du monde mais seulement 4 % de ses ressources en eau (a), la surexploitation des nappes souterraines est une préoccupation majeure. C'est pourquoi l’Inde a lancé le plus grand programme de gestion communautaire des eaux souterraines au monde, baptisé Atal Bhujal Yojana (a). Avec l’appui de la Banque mondiale, ce programme aide 8 220 conseils de village (ou Gram Panchayats), soit plus de 20 000 localités dans sept États du pays, à rendre compte de l’ensemble des volumes d'eau entrants et sortants dans leur périmètre. L’un de ces aspects essentiels réside dans l'élaboration de plans locaux de sécurité hydrique, pilotés par les communautés et visant à encourager une utilisation plus efficace de l’eau chez les agriculteurs. Plus de 5 200 conseils villageois ont élaboré et commencé à mettre en œuvre ces plans, ainsi que des « budgets de l’eau » faisant état de la quantité d’eau disponible dans les nappes souterraines, des stocks à reconstituer et des volumes pouvant être réservés à l’agriculture. Cette démarche a incité de nombreux agriculteurs à innover, en utilisant des techniques d’irrigation économes en eau, en délaissant des cultures très consommatrices d’eau au profit d’une production moins aquavore, et en se tournant vers des cultures à forte valeur ajoutée comme les grenades et le cumin.

The World Bank

Traduction : Veuillez utiliser moins de 50 L/par personne et par jour.

Photo : Lisa Liidemann/Shutterstock

Une nouvelle stratégie pour l’eau en Afrique du Sud

Le Cap, qui figure parmi les nombreuses études de cas présentées dans le rapport, a élaboré une nouvelle stratégie de gestion de l’eau à la suite d’une crise majeure survenue en 2018. Confrontée à une sécheresse historique, la deuxième ville d’Afrique du Sud a échappé de peu au scénario catastrophe d’une coupure des robinets. Les autorités ont imposé des restrictions drastiques pour maintenir le système en état de marche jusqu’à ce que de fortes pluies viennent enfin conjurer la menace.

La ville s’est néanmoins retrouvée face à une nouvelle réalité et à la nécessité de repenser la question de ses réserves d'eau : s’il est indispensable d’améliorer le stockage de l’eau, cet effort doit aller de pair avec d’autres stratégies de gestion des ressources hydriques. Le Cap prévoit ainsi de revoir le système d'allocation de l’eau dans la région et de rationaliser son utilisation, mais aussi de diversifier les sources d’approvisionnement grâce à la réutilisation des eaux usées traitées, au dessalement de l’eau de mer, à l’élimination des espèces envahissantes et responsables d’une surconsommation d’eau, et à la valorisation des sources d’eau souterraines. La région va appuyer ses efforts de planification sur des données et des analyses intégrant le risque de changements climatiques soudains, et elle a récemment défini ses investissements prioritaires dans l’accroissement des approvisionnements à l’aide d’un modèle hydro-économique prenant en compte les différents usages de l’eau (agricole, industriel, domestique et environnemental).

La compréhension de l'état de la ressource en eau dans le monde et la gestion plus efficace et éclairée de nos réserves sont une condition essentielle pour raffermir les bases du développement durable, de l’action climatique et de la résilience. C’est une stratégie de long terme qui bénéficiera à la fois aux populations, aux économies et à la planète.

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