Les villes marocaines, qui contribuent à plus de 75 % du produit intérieur brut (PIB) du pays (a), sont de plus en plus vulnérables aux risques naturels et climatiques. Ces risques sont liés à des phénomènes météorologiques extrêmes, comme les inondations, les vagues de chaleur et les sécheresses, et à des phénomènes à évolution lente, comme l’élévation du niveau de la mer. L’ensemble de ces phénomènes, y compris les risques géologiques comme les tremblements de terre, devraient tous se renforcer au cours des prochaines décennies sous l’effet du changement climatique. On estime que leurs effets cumulés coûtent au Maroc plus de 575 millions de dollars par an et constituent une menace importante pour la population et ses moyens de subsistance, en particulier pour les personnes vulnérables vivant en milieu urbain, touchées de manière disproportionnée, notamment les femmes et les jeunes vivant sous le seuil de pauvreté, les migrants et d’autres groupes minoritaires ayant un accès limité aux services et aux aides.
Dans ce contexte, le gouvernement marocain a pris des mesures décisives pour renforcer la gestion des risques de catastrophe et l’adaptation au changement climatique, tant au niveau national que local. Si l’on n’insistera jamais assez sur le rôle majeur que jouent les autorités nationales en fournissant des orientations et des ressources financières pour améliorer la résilience aux catastrophes et au changement climatique, c’est au niveau local que les effets des risques naturels et du changement climatique se font le plus sentir. Il est donc essentiel de renforcer les liens horizontaux et verticaux entre les secteurs et entre les autorités nationales et locales, et de fournir aux villes les outils nécessaires pour accroître leur résilience.
S’appuyant sur une collaboration de longue date en matière de gestion des risques de catastrophe entre le gouvernement marocain et la Banque mondiale, le ministère de l’Intérieur a sollicité en 2018 une assistance technique afin d’accompagner deux villes dans l’élaboration de stratégies et de plans d’action de résilience urbaine. L’objectif était de tirer des enseignements de ce projet pilote et de mettre au point une approche stratégique pour l’intégration systématique de la gestion du risque de catastrophe à l’échelle locale. Le choix s’est porté sur Fès et Mohammedia, ces deux villes étant exposées à des risques de catastrophe et des aléas climatiques différents. Important centre culturel et touristique situé à l’intérieur des terres dans le nord du pays, Fès est particulièrement vulnérable aux inondations pluviales et fluviales, ainsi qu’aux tremblements de terre, du fait de sa localisation dans une zone à forte activité sismique (dite le « front du Rif »). Mohammedia, un grand centre industriel situé au nord-est de Casablanca sur la côte atlantique, est quant à elle particulièrement vulnérable aux inondations côtières et à l’élévation du niveau de la mer.
L’élaboration des stratégies de résilience urbaine de Fès et de Mohammedia s’est étendue entre 2019 et 2021. Elle a reposé sur une approche participative mobilisant une pluralité d’acteurs, allant de la société civile et du monde de la recherche aux ministères d’exécution et aux organismes techniques, avec la création de comités de pilotage au niveau local. En mettant en évidence des mesures essentielles pour rendre leurs habitants et leurs actifs d’une importance critique moins vulnérables aux risques naturels dans le contexte du changement climatique, ces stratégies fournissent aux deux villes une feuille de route vers un développement plus sûr, plus vert, plus résilient et plus inclusif. Étayées sur des diagnostics rapides, qui ont nécessité plusieurs séries de collecte et d’analyse de données au niveau local, elles ont donné lieu à plusieurs ateliers réunissant les parties prenantes pour chaque ville et se sont attachées également à tenir compte de la pandémie de COVID 19 et de ses répercussions socioéconomiques. Ce processus de collaboration a permis aux parties prenantes de définir une vision commune, reposant sur un consensus autour d’actions concrètes et réalisables.
Voici quelques exemples de mesures de résilience urbaine qui s’inscrivent dans le cadre des plans d’action :
- Le deuxième axe prioritaire du Plan d’action de Fès 2022-2027 préconise l’identification et la mise en œuvre de solutions viables fondées sur la nature afin de minimiser les risques dus aux aléas naturels et de protéger les habitants, les industries locales et les infrastructures. Les solutions naturelles apportent en effet des bienfaits environnementaux et socioéconomiques essentiels, comme l’amélioration du niveau de vie, en contribuant à une plus grande sécurité alimentaire et à la réduction des inégalités en matière de santé. Elles peuvent en outre s’avérer moins coûteuses et plus efficaces à long terme que les investissements traditionnels qui reposent sur la construction et l’entretien d’infrastructures classiques, dites « grises ».
- Le premier axe prioritaire du Plan d’action de Mohammedia et Ain Harrouda 2022-2027 propose d’élaborer et de mettre en œuvre un cadre stratégique local pour la gestion des risques d’inondation et de l’érosion côtière dans un contexte d’élévation du niveau de la mer et d’intensification des ondes de tempête. Ce cadre permettra de mettre en lumière les lacunes actuelles à l’aide de scénarios de prospective. Par exemple, pour l’année 2050, il conjugue les projections d’élévation du niveau mondial de la mer du sixième rapport d’évaluation du GIEC (2021) (a) à des scénarios d’aménagement du territoire, afin d’identifier des mesures efficaces de gestion des risques d’inondation et d’érosion côtière. Le cadre proposé au titre de cette action réunira diverses parties prenantes qui adopteront une approche globale de la gestion urbaine et côtière.
Un nouvel outil pour renforcer la résilience des villes marocaines