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ARTICLE31 octobre 2022

Les filets sociaux de sécurité réduisent la pauvreté -- et la faim. Madagascar a besoin d'en avoir plus.

LES POINTS MARQUANTS

  • Une chute de 75 % des précipitations en 2016 a entraîné la perte de 95 % des récoltes et l'insécurité alimentaire de plus d'un million de personnes.
  • Les déficits pluviométriques en 2018, 2019 et 2020 - conjugués à l'impact de la pandémie de COVID-19 – mettent plus de deux millions de personnes à risque d'insécurité alimentaire aiguë d'ici mars 2023.
  • Environ 430 000 personnes ont bénéficié, depuis 2016, d'un programme de transferts monétaires financé par la Banque mondiale dans 37 communes, et 320 000 autres personnes depuis 2021 d'une composante de crise pour les 20 communes les plus touchées.

Décembre 2021, le fleuve de Menarandra est tari, témoin de la sécheresse qui sévit dans le Sud de Madagascar depuis quelques années. Ce fleuve du versant Ouest, qui parcourt les trois régions composant le Grand Sud (Atsimo Andrefana, Androy et Anosy) longtemps fournit de l’eau pour le bétail et les cultures des villages environnants. Mais il est asséché depuis des mois.

Le Sud de Madagascar a toujours connu des périodes de sécheresse d'octobre en avril. Mais, depuis quelques décennies, cette période s’allonge et se durcit.

« Le climat a changé », note Elongosoa, chef du village d’Antaly Andrefana, commune Ampanihy avec nostalgie. Aujourd’hui, à 52 ans, Elongosoa se rappelle que lorsqu’il était petit, la pluie, sans être abondante, n’était pas aussi rare.

Je me souviens que tous les ans, nous avions eu de la pluie. Mais, maintenant, il arrive que la pluie ne tombe pas pendant une longue période. La terre s’assèche, il n’y a pas de récoltes et la faim nous guette tous les jours. Alors qu’il y a 10 ans, quand il pleuvait encore, nous arrivions à remplir notre maison d’épis de maïs, pendant la récolte. Maintenant, on ne peut plus faire cela car il n’y a pas de récoltes.
Elongosoa
Chef du village d’Antaly Andrefana, commune Ampa
The World Bank

Photo : Mamy Nirina Razafindrakoto

La moyenne des précipitations dans le Sud de Madagascar est réduite et par conséquent, les ressources en eau. Les précipitations tardives et irrégulières sont pourtant un facteur majeur d'insécurité alimentaire dans cette région aride du pays. En 2016, les précipitations ont chuté de 75% par rapport à la moyenne des 20 dernières années. En conséquence, 95% des récoltes ont été perdues, et plus d’un million de personnes ont été en situation d’insécurité alimentaire.

Les déficits pluviométriques observés en 2018, 2019 et 2020 couplés aux impacts de la pandémie COVID-19 ont à nouveau plongé le Sud dans une situation de crise alimentaire sévère. La situation pourrait pourtant se détériorer jusqu'en mars 2023, où plus de 2 millions de personnes seront confrontées à une insécurité alimentaire aiguë selon les résultats préliminaires de l'enquête IPC.

The World Bank
Photo : Mamy Nirina Razafindrakoto

Les transferts monétaires permettent aux gens d’avoir de la nourriture

Depuis 2016, la Banque mondiale intervient dans 37 des communes les plus touchées par la sécheresse dans le Sud à travers le programme FIAVOTA, qui combine transferts monétaires, mesures d’accompagnement pour la promotion du capital humain, services de nutrition et fonds de relance. 430 000 personnes ont bénéficié de ce programme depuis 2016.

FIAVOTA, qui signifier « se relever » dans le dialecte local a été conçu pour être un programme flexible et adapté aux chocs. Il est ajusté en cas de crise, afin de pouvoir être déployé rapidement. Ainsi, depuis 2018, en plus du transfert monétaire régulier, la Banque a mobilisé sa composante crise pour apporter une intervention supplémentaire aux ménages déjà bénéficiaires tout en ciblant d’autres individus qui ont basculé dans la précarité.

Un autre programme, le Toseke Vonje Aigne (“Appui pour sauver des vies” dans le dialecte du sud) a été mobilisé en 2021 en raison de la gravité de la sécheresse, pour venir en aide à 320 000 personnes dans les 20 communes les plus affectées par l'insécurité alimentaire.

Tendriraza est parmi les bénéficiaires. Cette grand-mère de 50 ans a 10 enfants dont sept sont encore sous sa charge. « Sans cette aide financière, nous n’aurions rien eu à manger sauf les fangitsy (racines). Nous cultivons, mais la récolte est très mauvaise car il n’y a pas assez d’eau pour les faire pousser. Avec l’argent que je reçois, je vais pouvoir acheter un peu de riz, de manioc et de maïs. Mes enfants seront contents. »

Atteignant seulement les plus pauvres des pauvres - jusqu'à présent

Le système de protection sociale est encore récent à Madagascar et ne couvre encore à l’heure actuelle que 6 % des personnes extrêmement pauvres. Les dépenses liées aux filets sociaux de sécurité sont très faibles : 0,3% du PIB, contre une moyenne de 1,2% du PIB en Afrique sub-saharienne. Les programmes sont majoritairement financés par les partenaires contre une contribution limitée de 16% par l'Etat en 2021.

Pourtant, ces filets sociaux de sécurité, initiés pour la première fois dans le sud de Madagascar en 2016, ont sauvé des vies et rétabli les moyens de subsistance de nombreux ménages frappés par la sécheresse et la crise alimentaire. « Le succès de ces programmes a largement dépendu d'un bon système de ciblage, réalisé avec le ministère de la Population, de la Protection sociale et de la Promotion de la femme, et le Fonds d'intervention pour le développement, qui est l'agence de mise en œuvre », explique Julia Rachel Ravelosoa, économiste principale en protection sociale de la Banque mondiale à Madagascar.

Des mesures d’accompagnement ont été mises en place pour promouvoir l’autonomisation des femmes, l’inclusion financière et les formations techniques pour soutenir et pérenniser les transferts monétaires. Une étude réalisée par la Banque mondiale en 2018 sur 695 programmes de filets sociaux actifs implantés dans 48 pays d’Afrique a démontré que les filets sociaux de sécurité peuvent réduire la pauvreté, bâtir le capital humain et renforcer la résilience des ménages vulnérables en augmentant leurs actifs productifs. Une étude menée en Ethiopie a permis de ressortir, par exemple, que si les filets sociaux étaient portés à plus grande échelle, des transferts monétaires de 50 USD par ménage par mois pourraient réduire la pauvreté de 40 %.

Face aux multiples chocs auxquels le pays est de plus en plus confronté, frappant toujours de plein fouet les plus vulnérables, Madagascar gagne à élargir ses programmes de protection sociale afin de bénéficier à un plus grand nombre. L'allocation d'un budget national plus conséquent pour le secteur de la protection sociale du pays est cruciale pour soutenir ces programmes de filets sociaux de sécurité.