Pour Moses Monyamane, l'agriculture est une passion de longue date. Avant de prendre sa retraite de fonctionnaire en 2019, il passait ses fins de journée et week-ends à cultiver le petit potager qu'il avait créé à côté de sa maison.
Il aimait tant le jardinage que sa femme, Mabokang, avait décidé de s'occuper avec lui de ses arbres à fleurs et d'en vendre de jeunes plants à ses collègues. Or ces derniers étaient surtout intéressés par les laitues et poivrons verts cultivés par son époux. Mabokang a dès lors vu dans le jardinage plus qu'un passe-temps : une activité professionnelle et lucrative.
Avec l'aide de son mari, de ses deux fils et de sa belle-fille, elle a déposé une demande de subvention dans le cadre du deuxième projet de développement des petites exploitations agricoles (SADP II) (a), soutenu par la Banque mondiale. Avec cette subvention, obligatoirement assortie d'une mise de fonds du même montant par l'exploitant, celui-ci peut s'équiper de façon à adopter des méthodes d'agriculture « climato-intelligente ». Il s'agit ainsi d'augmenter le volume, la diversité et la résistance de ses récoltes, et de trouver de nouveaux débouchés.
Ce soutien financier a permis aux Moyamane non seulement de transformer leur potager d'amateurs en exploitation familiale, mais aussi d'aider les Basotho de la localité de Morija, où se trouve leur ferme. « On voulait faire plus, en créant de l'emploi pour les villageois, car il y a partout des jeunes sans travail », raconte Mabokang, qui a deux employés à plein temps et un à temps partiel pour les aider, elle et sa famille.
En effet, l'agriculture est une importante source d'emploi et de subsistance au Lesotho. Plus de 70 % des Basotho tirant leur alimentation et leurs revenus de l'activité agricole, ce secteur possède un fort potentiel pour améliorer la sécurité alimentaire, réduire la pauvreté rurale et créer des emplois, au sein ou à l'extérieur des exploitations.
Cependant, comme le souligne Bobojon Yatimov, spécialiste senior de la Banque mondiale pour l'agriculture au Lesotho, qui a dirigé le projet SADP jusqu'à juin 2022, le changement climatique, les épisodes météorologiques extrêmes et les crises économiques mondiales entravent le développement du secteur agricole.
« Il faut absolument aider les agriculteurs qui dépendent de leurs récoltes pour nourrir leur famille et gagner leur vie, d'autant plus que les chocs climatiques sont plus fréquents que jamais, explique-t-il. Les sècheresses graves et prolongées de 2016 et 2019, puis les inondations de 2021 et 2022, sont des manifestations évidentes de ce changement des conditions climatiques qui pénalise le secteur agricole. »
Les pouvoirs publics plaçant l'amélioration de la sécurité alimentaire au premier rang de leurs actions, la première phase du projet a consisté à former les exploitants aux bonnes pratiques agricoles et en particulier à l'irrigation goutte à goutte, une technique adaptée aux enjeux du climat. Cette formation, alliée aux aides financières, a encouragé l'utilisation de méthodes modernes synonymes d’amélioration de la production, des débouchés et des moyens de subsistance. Depuis le lancement du projet en 2012 :
- le nombre de bénéficiaires ciblés qui ont adopté de meilleures pratiques et techniques agricoles a augmenté de 144 % ;
- le nombre de nouveaux contrats entre groupements d'exploitants et secteur privé a augmenté dans une proportion estimée à 20 % ;
- plus de 56 % des bénéficiaires déclarent disposer désormais d'un meilleur accès aux marchés ;
- la participation des femmes est évaluée à près de 60 %.
À ce jour, le projet a donné lieu à au moins 878 subventions, touchant un total de 78 500 bénéficiaires via ce programme d'aides financières et des actions de développement des capacités visant à accroître la productivité, les revenus et la création d'emplois dans l’agriculture.
Bokang Petje, propriétaire et directeur général de l'exploitation Happy C&J Village Farm, dans la petite localité de Mahloenyeng, est un jeune agriculteur. Avec la subvention qu'il a reçue, il a créé un forage et un système d'irrigation goutte à goutte, qui permet d'arroser les cultures directement plant par plant au lieu d'asperger des surfaces entières. Ce procédé a l'avantage de limiter ou d'éviter le gaspillage, tout en conservant les nutriments contenus dans le sol.
Outre les filets d'ombrage fournis dans le cadre du projet, qui préservent ses cultures du gel, Bokang Petje a aussi pu investir dans les tunnels en plastique nécessaires pour protéger de la grêle ses plantations de laitues, de choux, de tomates et de pommes de terre. Grâce à l'agrandissement de son exploitation et à la possibilité de cultiver tout au long de l'année, malgré la multiplication des chutes de grêle et des vagues de froid dues au changement climatique, il peut désormais vendre ses fruits et légumes dans les supermarchés locaux, tels que l’enseigne Pick ‘n Pay. Il emploie quatre salariés permanents et aide d'autres jeunes agriculteurs, convaincu qu'il est de devoir partager son savoir et sa prospérité.