NAIROBI, 15 juin 2022 – Les solutions de gestion des risques dans l'agriculture restent peu répandues en Afrique, alors que le secteur est très exposé aux effets du changement climatique et aux insuffisances du marché. Cependant, les choses sont en train de changer, à la faveur des progrès technologiques, de l’émergence de nouvelles menaces (météorologiques notamment) et de la volonté des organisations concernées d'augmenter un taux de souscription qui ressort seulement à 1 % actuellement.
L'une de ces innovations, conçue pour accroître la résilience des petits exploitants face au dérèglement du climat, est l'assurance indicielle : basée sur un indice météorologique, elle s’appuie sur la technologie pour aider les agriculteurs à maîtriser les risques climatiques.
ACRE Africa, bénéficiaire de la plateforme « One Million Farmers » de la Banque mondiale, est une société kényane qui s'est aventurée sur ces nouvelles voies technologiques. Elle propose aux agriculteurs des plans d’assurance sur mesure pour les aider à limiter les pertes de récolte causées par des conditions météorologiques défavorables. Elle utilise pour cela un produit de micro-assurance connu sous le nom de Bima Pima, ce qui peut se traduire par « petits montants d'assurance abordables ».
« Au début de la saison, un agriculteur achète une carte à gratter Bima Pima avec un sac de graines ou d'engrais, active la carte sur son téléphone, paie une prime initiale de 50 shillings kényans (KES), soit l’équivalent de 0,50 dollar, et il peut recharger sa carte par SMS pour augmenter le niveau de couverture de l'assurance. ACRE Africa peut ensuite géolocaliser sa ferme en utilisant le service de localisation mobile », explique Muthithi Kinyanjui, responsable des partenariats et des systèmes de marché chez ACRE Africa.
Un dispositif associant des données satellitaires et des stations météorologiques détermine ensuite si l'agriculteur doit recevoir une indemnisation en cas de sécheresse ou d'excès de pluie sur ses terres, et ce directement sur son compte mobile. Grâce à une conception intelligente, conjuguée à une innovation numérique, les agriculteurs peuvent acheter facilement les cartes à gratter chez les négociants agricoles locaux, utiliser le système, recharger leur compte et payer la prime par petits montants ou en plusieurs fois.
Le principe de tarification permet à la plupart des agriculteurs — dont 89 % n'avaient jamais eu recours à de tels services auparavant — de souscrire une assurance. Une prime de 50 KES, par exemple, peut rapporter 10 %, ce qui équivaut à 500 KES et suffit à acheter un sac de semis.
ACRE Africa est aujourd’hui en mesure de déployer cette innovation technologique de rupture dans 15 comtés du Kenya contre trois au début, et de servir plus de 70 000 agriculteurs contre 10 000 auparavant.
Pour renforcer la transparence et la confiance et accélérer les paiements aux agriculteurs, la carte Bima Pima possède des caractéristiques et des fonctionnalités personnalisées qui permettent de répondre aux préoccupations de chacun et de démystifier l'assurance.
« Quelques jours avant la récolte, j'ai reçu un message MPESA d'ACRE Africa, c’était une bonne surprise. J'avais oublié que j'avais acheté une carte d'assurance de 50 KES pendant une séance d’information où on m’avait expliqué que je serais indemnisée si les pluies étaient insuffisantes, raconte Mary Mate, une agricultrice du comté d’Embu. Maintenant que je vois que cela fonctionne, je vais continuer à payer cette assurance. »
Les moyens de subsistance des agriculteurs dépendent des rendements, la limitation des pertes leur est donc bénéfique. « À présent, je peux nourrir confortablement ma famille, récolter jusqu'à 15 sacs de maïs au lieu de trois, ma vie est moins stressante », déclare un autre agriculteur client d'ACRE Africa.
Le recours à la technologie réduit les coûts, améliore l’attractivité et la rentabilité du produit, et permet de toucher de petits exploitants. Par conséquent, un plus grand nombre d'agriculteurs à travers le pays se laissent tenter par l'idée de souscrire une assurance. Au cours des quatre dernières saisons, entre 2020 et 2021, des primes d'une valeur de 5 millions de KES ont été payées par les agriculteurs.
En outre, la mise en place d'un fonds commun de risque renouvelable d'un montant de 15 000 dollars a permis de raccourcir les délais, et les indemnités sont à présent versées instantanément, contre trois semaines auparavant. Enfin, ACRE Africa a été mise en relation avec les équipes de programmes financés par la Banque mondiale tels que le projet national pour une croissance agricole et rurale inclusive et le projet pour une agriculture climato-intelligente. Ses agents peuvent ainsi animer des sessions de présentation des cartes d’assurance auprès des organisations d’agriculteurs, ce qui réduit les coûts de transaction.
D’autres résultats importants ont été obtenus :
· L'augmentation de 50 % de l'adoption de Bima Pima par les agriculteurs des zones à haut risque comme des zones moins exposées est la preuve d'un élan de confiance dans les solutions d'assurance.
· ACRE Africa est devenue une entreprise rentable : sur les 50 000 dollars de primes perçues au cours des quatre dernières saisons, la société a versé 20 000 dollars d'indemnités.
· La plateforme « One Million Farmers » a également favorisé des collaborations pour la fourniture d'assurances groupées. Ainsi, un accord avec le fabricant de semences Shamba Pride a permis de proposer des services groupés à des prix raisonnables, dont la commercialisation sur le terrain, au plus près des agriculteurs, a stimulé l'utilisation de la carte.
« Le succès de Bima Pima repose sur une approche avant-gardiste qui plaide en faveur de la conception et de l'adoption d’un plus grand nombre de solutions de gestion des risques », souligne Vinay Vutukuru, économiste senior spécialisé dans l’agriculture à la Banque mondiale. « S'il est généralisé et largement imité, ce modèle pourrait propulser l'assurance-récolte et soutenir la transformation et la résilience du secteur. »