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ARTICLE 08 décembre 2021

Au Nigéria, l’enseignement à distance a permis d’éviter le décrochage scolaire pendant le confinement

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« J’ai beaucoup aimé les cours à distance. C’était vraiment bien. » Isaac, un élève de l’école primaire d’Adesuwa à Benin City, dans l’État d’Edo (Nigéria).

© Sanumioluwa Modupe Dawodu, Banque mondiale


LES POINTS MARQUANTS

  • Avec la survenue de la pandémie de COVID-19, pratiquement 40 millions d’élèves — dont plus de la moitié scolarisés en primaire — ont vu leur établissement fermer.
  • Grâce à l’initiative EdoBEST, le gouvernement de l’État d’Edo a rapidement mis en place des cours à distance pour permettre aux enfants de poursuivre leurs études.
  • Plus de 11 000 enseignants ont suivi une formation rigoureuse et créé 7 000 salles de cours virtuelles.

BENIN CITY, État d’Edo (Nigéria), 8 décembre 2021.

Comme la plupart des élèves dans le monde, elle se voyait bien passer des heures à jouer avec ses amies pour des vacances illimitées.

Mais c'était sans compter sur la réactivité des autorités de l’État d’Edo, dans l’extrême sud du Nigéria. Pour elles, la crise était l’occasion d’accélérer le mouvement en faveur de l’éducation numérique. Elles ont donc fait appel à WhatsApp et d’autres plateformes pour organiser des cours à distance.

« Une fois connectés, nous saluons notre institutrice. Ensuite, elle nous envoie un exercice qu’elle nous explique. Quand nous avons fini, nous le photographions et lui renvoyons », explique Aisosa. « Puis, à 11h du matin, nous avons un cours virtuel. »

Même si le principe a mis fin à ses premiers rêves de vacances sans fin, la fillette n’a jamais raté une séance virtuelle, les cours à distance faisant désormais partie intégrante de sa scolarité. Et le rendez-vous de 11h est devenu le moment préféré de sa journée.

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Aisosa, une élève de l’école primaire d’Obaseki à Benin City, dans l’État d’Edo (Nigéria). © Sanumioluwa Modupe Dawodu, Banque mondiale

La pandémie a permis de faire les choses différemment

La classe virtuelle d’Aisosa fait partie de l’initiative EdoBEST, lancée en 2018 par les autorités de l’État d’Edo afin d’améliorer le système public d’éducation en renforçant les capacités des enseignants, en étoffant le programme d’études et en développant les infrastructures dans les écoles. Quand la pandémie s’est déclarée, en 2020, l’initiative en était à sa deuxième année d’activité et il a fallu accélérer sa mise en œuvre.

Grâce à une assistance technique et financière apportée par la Banque mondiale à travers l’Association internationale de développement (IDA), de l’ordre de 75 millions de dollars sur quatre ans, l’apprentissage numérique a pu être rapidement intégré. « Nous n’avons eu que très peu de temps pour lancer EdoBEST@home, notre offre d’apprentissage en ligne conçue comme une alternative aux cours dans les écoles », indique Joan Osa Oviawe, présidente du Conseil national de l’éducation de base universelle de l’État d’Edo, le SUBEB.

Tous les supports d’apprentissage — guides d’étude, livres interactifs, questions et leçons audio — étaient téléchargés à partir du site web du SUBEB. Les ens.


« J’avais vraiment l’impression d’être en classe », raconte Aisosa. « Il fallait que je réclame tout le temps à mon père plus de data. Quand il me disait qu’il n’avait pas d’argent, ça me rendait triste, alors il trouvait une solution. »
Aisosa,
une élève en primaire à Benin City, dans l’État d’Edo (Nigéria).

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Joan Osa Oviawe, présidente du conseil national de l’éducation de base universelle (SUBEB) de l’État d’Edo, a été nommée commissaire à l’éducation de l’État pour l’efficacité avec laquelle elle a su déployer l’apprentissage en ligne pendant la pandémie de COVID-19 au Nigéria.

© Sanumioluwa Modupe Dawodu, Banque mondiale


La plupart des cours passaient par la plateforme, les élèves devant utiliser le téléphone portable de leurs aînés ou de leurs parents, puisque la majorité d’entre eux ne possèdent pas d’appareil mobile.

« J’avais vraiment l’impression d’être en classe », raconte Aisosa. « Il fallait que je réclame tout le temps à mon père plus de données mobiles. Quand il me disait qu’il n’avait pas d’argent, ça me rendait triste, alors il trouvait une solution. »

Shulamite a elle aussi bénéficié des cours à distance. Cette élève de quatrième année à l’école primaire d’Adesuwa, à Benin City, a réquisitionné le téléphone de sa mère pour faire ses devoirs : « Notre institutrice nous envoyait des exercices de maths, qu’elle corrigeait et nous renvoyait. Parfois, elle posait d’autres questions, alors nous devions lui renvoyer la réponse par texto. »

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« Nous avons appris des bases en science et technologie, fait des maths et des exercices de rédaction. » Shulamite, une élève de l’école primaire d’Adesuwa à Benin City, dans l’État d’Edo (Nigéria). © Sanumioluwa Modupe Dawodu, Banque mondiale

Aider les enseignants à s’adapter

Même si l’apprentissage à distance a totalement bouleversé leur routine, les enseignants ont eux aussi été très enthousiastes face à ces nouvelles méthodes. Rosemary Ezehiwele, de l’école primaire d’Obaseki à Benin City, fait partie des plus de 11 000 enseignants à avoir suivi une formation rigoureuse pour dispenser ses cours en ligne. Et plus de 150 responsables de l’assurance qualité et responsables de l’apprentissage et du développement ont effectué des rondes quotidiennes dans les établissements pour suivre la situation dans le cadre des réformes du secteur de l’éducation.

« Nous avons découvert de nouvelles techniques de gestion des élèves et des méthodes modernes d’enseignement que nous avons pu appliquer. C’était extraordinaire », se réjouit-elle.

Comme le gouvernement leur avait fourni les outils nécessaires, elle a pu surmonter les difficultés des classes virtuelles.

« Grâce à un fournisseur de services télécoms et à l’entremise du gouvernement de l’État, la quantité de données mobiles n’a jamais été un obstacle pour passer en revue les messages des élèves et leur en envoyer », explique l’enseignante. Pour remédier à certains problèmes, comme le manque d’accès à internet, il a fallu créer des portails d’apprentissage.

Les enseignants ont d’eux-mêmes appris à faire preuve de créativité dans leurs cours, pour le plus grand bonheur des élèves. Tous les matins, comme d’habitude, l’enseignant procédait à l’appel pour voir qui était là et qui était absent. Sauf que ça se passait sur WhatsApp à grand renfort d’émoticônes…

« Chaque matin, au lieu de lever la main, nous répondons avec une émoticône », explique Aisosa.

Grâce aux symboles utilisés, l’enseignant sait qui est là et qui n’est pas là. Les enseignants n’ont pas non plus hésité à se servir des smileys pour motiver les élèves pendant les cours.

« Quand nous nous trompons, elle répond "FAUX" et elle nous corrige », explique Aisosa en élevant la voix pour imiter son institutrice. « Quand nous avons bien répondu, elle dit "CORRECT", continue la fillette dans la même veine.

« Et puis elle nous envoie des encouragements sous forme de petits cœurs, d’applaudissements ou une tête de panda, un super-héros, un éclair… »


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Avec un taux de fréquentation en primaire supérieur à 90 %, l’État d’Edo est l’un des plus performants du pays. © Sanumioluwa Modupe Dawodu, Banque mondiale

Une solution de long terme, malgré des difficultés

L’ambitieux plan de cours à distance s’est heurté à un certain nombre d’obstacles.

Environ 1 million d’enfants et d’adolescents sont scolarisés dans les écoles de l’État d’Edo. Au départ, le gouvernement voulait que chacune et chacun d’entre eux ait accès à des plateformes d’apprentissage à distance. Mais cela n’a pas pu encore se concrétiser partout.

« Nous avons commencé par le primaire », explique Joan Osa Oviawe. « Maintenant, nous allons nous occuper du premier cycle secondaire pour fournir des supports d’apprentissage supplémentaires à nos élèves. »

Et de poursuivre : « Nous voulons également leur fournir des appareils numériques, en particulier aux élèves des niveaux supérieurs, afin de favoriser une certaine indépendance pour les devoirs à la maison et de leur donner, à travers le jeu, le goût de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques. »

Dans certaines régions, les cours à distance ont incité les parents à s’impliquer davantage dans la scolarité de leurs enfants. C’est le cas de Blessing Osagie, une mère de trois enfants : « Même si mon forfait de données a fondu à vue d’œil, c’était une bonne chose. J’avais peur que mes enfants passent leur temps à jouer et j’envisageais même d’embaucher quelqu’un pour leur donner des cours particuliers », raconte-t-elle. « Mais je n’aurais pas eu les moyens de débourser entre 10 000 et 12 000 nairas pour deux ou trois jours par semaine seulement. Alors je remercie EdoBEST d’avoir assuré des cours toutes les semaines du lundi au vendredi. »

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« Je préfère passer par la plateforme EdoBEST parce que j’apprends plus de choses qu’avec un tuteur privé. » Adesuwa, un élève de l’école primaire de George Idah à Benin City, dans l’État d’Edo (Nigéria). © Sanumioluwa Modupe Dawodu, Banque mondiale

Le gouvernement de l’État d’Edo entend poursuivre résolument ses efforts d’éducation numérique. Des projets pour introduire ce que Joan Osa Oviawe qualifie de système d’apprentissage hybride sont déjà mis en place avec la réouverture des écoles, qui doivent suivre un protocole anti-COVID.

« Les élèves sont de retour à l’école mais, en fin de journée ou pendant les week-ends, ils continuent d’avoir accès aux supports de cours sur le site du SUBEB, pour prolonger leurs études », indique-t-elle.



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