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ARTICLE 21 octobre 2021

Au Nigéria, l’engagement des citoyens améliore le développement des communes

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Une villageoise d'Ola s'approvisionne en eau potable.

© Sanumioluwa Modupe Dawodu, Banque mondiale


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LES POINTS MARQUANTS

  • Au Nigéria, le projet de développement communautaire et social (CSDP) a pour but d’offrir de meilleurs infrastructures et services sociaux aux populations pauvres, et ce de manière durable.
  • Cette approche participative, qui donne l’initiative aux communautés, encourage une prise de décision conjointe entre elles et les organismes publics.
  • Le succès de ce programme, présent dans 29 des 36 États du pays et dont 23 millions de Nigérians ont bénéficié, tient au fait qu'il donne aussi la parole aux groupes marginalisés.

ABUJA (Nigéria), 21 octobre 2021 – Au milieu des collines verdoyantes de Wah, une localité de la région de Sardauna, dans l'État de Taraba, coule la source d’un cours d’eau séculaire, mais longtemps sous-exploitée. Faute d'installations de stockage de l’eau dans ce village pauvre d'agriculteurs et d'éleveurs, la source formait des ruisseaux qui se perdaient dans les collines, privant la population d’une ressource précieuse. C’était avant qu’un réservoir ne soit construit, permettant désormais de stocker plus de 7 000 litres d'eau et de répondre aux besoins de tous les habitants. 

« Maintenant, l'eau potable arrive directement dans nos maisons grâce à l'ingéniosité de l'équipe du CSDP et des chefs de notre communauté », se félicite Joshua Biri, l'un des villageois. « Nos femmes et nos enfants n'ont plus à marcher longtemps jusqu'aux ruisseaux pour aller chercher de l'eau. Je suis heureux que mes filles ne soient plus en retard à l'école à cause de ça. »

La localité de Wah, dans l’est du pays, fait partie des milliers de villages nigérians où la vie a changé grâce aux équipements mis en place dans le cadre du projet de développement communautaire et social (CSDP). Ce ne sont pas moins de 491 initiatives qui ont été mises en œuvre dans le Taraba, allant de l'électrification rurale à l'approvisionnement en eau.

Le CSDP favorise l'autonomisation des communautés, et parmi elles en particulier les groupes vulnérables, pour mettre au point, exécuter et assurer le suivi de microprojets d'infrastructure. Le projet s’attache à renforcer les compétences et les capacités des autorités locales et des organismes publics sectoriels, de manière à soutenir les populations et à encourager la collaboration. 


« C'est une approche ascendante qui consiste à mettre les communautés aux manettes. »
Aderonke Funmi Abokede,
responsable du CSDP pour l’État d’Osun, au sud-ouest du Nigéria.

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« Dans notre village, il y a maintenant une route, un pont, des toilettes, l'électricité et l'eau. » Des femmes participant au projet de développement communautaire et social d'Ola, au sud-ouest du Nigéria.

© Sanumioluwa Modupe Dawodu, Banque mondiale


Une approche pilotée par les communautés 

Il n'y a pas deux villages identiques, et si les déficits d'infrastructures sont similaires dans toutes les zones pauvres du Nigéria, les caractéristiques de leurs besoins sont différentes.

Le principe de développement piloté par la communauté est au cœur du CSDP : il s’agit de donner aux populations locales les moyens d'agir en leur attribuant directement des subventions. 

« C'est une approche ascendante qui consiste à mettre les communautés aux manettes », explique Aderonke Funmi Abokede, responsable du CSDP pour l’État d’Osun, au sud-ouest du Nigéria. La mise en place d'un plan de fiabilité efficace a aidé la communauté d'Ola à mener à bien les projets qui y ont été lancés. » 

Cela fait dix ans maintenant que cet État mène des projets financés par le CSDP dans plusieurs villages, et Mme Abokede est convaincue que leurs résultats perdurent en raison d'un élément clé : les communautés fournissent un certain pourcentage des fonds nécessaires pour les exécuter.

« La contribution financière des communautés garantit l'appropriation, car elles ont le sentiment d'être des parties prenantes qui ont un intérêt dans le projet. Si elles ne versent pas d'argent, elles ne se sentiront pas investies. C'est une très bonne méthode qui devrait être appliquée partout, notamment dans les pays en développement », conclut-elle. 

La réussite de ce programme, mené dans 29 des 36 États du Nigéria et dans le territoire de la capitale fédérale, tient aussi au fait qu'il donne la parole à des groupes marginalisés. À l’instar des veuves du village de Dingis, dans l'État de Bauchi. Quand on les a consultées, ces femmes ont montré des enfants orphelins qui étudiaient sous un margousier et demandé qu'on leur construise des salles de classe.

Si l'ombre de l'arbre protégeait les enfants de la chaleur du soleil, qui peut atteindre ici 42 °C, les vents violents emportaient leurs cahiers et les tempêtes de sable irritaient leurs yeux. Le feuillage, peu touffu, n'arrêtait pas les gouttes, et les cours devaient s'interrompre pendant la saison des pluies. Après avoir réuni un peu d'argent pour construire quelques salles de classe, le village s'est résolu à solliciter une aide.

Les veuves ont également demandé la création d’un centre de santé à Dingis, qui a été construit dans le cadre du volet du CSDP dédié aux investissements en faveur des femmes et des groupes vulnérables. « Je suis très heureuse que les femmes se soient impliquées, se réjouit Aishatu Abdullahi, responsable de projet dans l'État de Bauchi. La plupart du temps, les voix de ces veuves ne sont pas entendues, car elles sont souvent très marginalisées dans leurs communautés. » 

Autre exemple, l’initiative menée dans l'État d'Osun, où un centre de formation a été construit dans la capitale, Osogbo, après concertation entre les représentants de l'État et les associations de malentendants.

Le centre a été construit avec le soutien du CSDP de l'État d'Osun par l'intermédiaire de la Banque mondiale qui a financé 95 % du projet, tandis que la communauté des sourds y a contribué à hauteur de 5 %.

« Ici, nous proposons aux malentendants diverses formations professionnelles, comme la couture, la coiffure ou la restauration, explique Olaniyi Temitope, elle-même atteinte de surdité. Le centre dispose également d'une salle qui, en plus d'être utilisée pour des réunions, est aussi louée afin de récolter des fonds pour son entretien. »

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Le village de Dingis dispose maintenant d'un centre de santé, l'une des infrastructures prioritaires demandées par les femmes. © Sanumioluwa Modupe Dawodu, Banque mondiale


Renforcer la confiance entre les populations et les organismes gouvernementaux

Un aspect essentiel du CSDP consiste à renforcer les compétences et les capacités des gouvernements locaux et des différents organismes et ministères des États, de manière à soutenir les communautés et à favoriser la confiance et la création de partenariats. L'un de ces organismes est l'Agence de développement communautaire et social de l'État de Bauchi (BSCSDA), dirigée par Abubakar Sadiq Mohammed.

« Nous avons une carte de la pauvreté dans notre État, une sorte de classement de toutes les collectivités locales en fonction de leur niveau de pauvreté et nous avons commencé par la commune la plus démunie », explique-t-il. Comme la plupart des fonctionnaires, une carte est affichée dans son bureau. Mais contrairement à la plupart de celles où l'on voit des vallées et des rivières, des forêts et des villes, sa carte montre la concentration des communautés pauvres. Son agence, qui a été créée par la loi relative à la lutte contre la pauvreté, travaille avec « passion », au service du développement communautaire.

Elle intervient dans sept secteurs : santé, eau, éducation, électricité, transport, développement socio-économique et environnement. L'État de Bauchi s’est vu distinguer récemment pour avoir mené à bien le plus grand nombre de microprojets dans le pays.

« Ce nouveau concept de développement piloté par la communauté a remplacé un modèle qui était auparavant axé non pas sur la demande mais sur l’offre, et qui n'impliquait pas les populations dans le choix des projets les plus utiles à leurs yeux, explique M. Mohammed. C’est une avancée positive pour les habitants, car pour la première fois, une agence gouvernementale leur demande leur avis, les laisse proposer des solutions et leur verse 90 à 95 % du coût du projet, que la communauté elle-même met en œuvre. »

Les défis liés aux mouvements insurrectionnels, à l'insécurité et aux protestations sociales

L'État de Bauchi et d'autres sont néanmoins aux prises avec plusieurs difficultés. Certains projets font face à des problèmes d'entretien et de pérennité en raison du non-paiement des frais d'utilisation des installations, tandis que les mouvements insurrectionnels, l'insécurité et les manifestations contre la brutalité des forces de police en 2020 dans certains États ont entraîné la destruction de certaines infrastructures et rendu des localités inaccessibles. Les taux d'inflation élevés et l'impact de la pandémie ont également affecté la valeur réelle du budget maximum de 10 millions de nairas, ce qui a limité le nombre de projets mis en œuvre.

La carte de la pauvreté affichée dans le bureau de M. Mohammed est accablante, et le responsable de l'Agence de développement communautaire et social de Bauchi déplore le manque de réelle implication des autorités locales de son État, « qui n'ont pas fait ce qui était prévu pour fournir le soutien technique nécessaire aux communautés et financer le comité de suivi technique du gouvernement local. »

« Nous subissons énormément de pression de la part des communautés qui veulent bénéficier de nos interventions, donc je pense qu'il serait bon que le gouvernement de l'État contribue aux activités de l'agence pour que nous puissions continuer à faire notre travail », poursuit-il, les yeux toujours rivés sur la carte.

Cependant, s'il ne se limitait pas à Bauchi et regardait le tableau d'ensemble du Nigéria, il serait impressionné par le succès colossal enregistré par le modèle du développement communautaire. Plus de 16 000 localités ont jusqu'à présent bénéficié du projet, qui a contribué à améliorer la vie de populations pauvres en milieu rural souvent laissées pour compte. Et, sans même se projeter loin au sud vers Wah, où un réservoir d'eau flambant neuf est maintenant installé au milieu des collines verdoyantes, il suffit de regarder la carte à droite de l'État de Gombe, vers ceux d'Adamawa, Borno et Yobe, où le CSDP a permis de construire 947 programmes de logements communautaires dans 183 villages touchés par l'insurrection.

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Centre de formation pour les groupes vulnérables, dans l’État d'Osun. © Sanumioluwa Modupe Dawodu, Banque mondiale



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