En 2014, en plein cœur du conflit, Daech a détruit le pont d’Aldolouiya, dans la province de Salah Ad-Din, coupant du monde 80 000 Iraquiens vivant dans les alentours. Reconstruit en 2017 grâce aux fonds du projet d’opérations d’urgence pour le développement (a), un projet de la Banque mondiale mené dans l’ensemble de l’Iraq, c’est l’unique voie routière qui relie le district d’Aldolouiya et la ville de Balad.
Les citoyens ont joué un rôle important dans l’effort de reconstruction, car ils ont permis d’améliorer la transparence des institutions publiques, en les rendant plus responsables et plus efficaces. En collaboration avec le Fonds pour la reconstruction des zones affectées par les opérations terroristes (a), la Banque mondiale a organisé à Aldolouiya des ateliers visant spécifiquement à faire participer les femmes et d’autres parties prenantes, comme les jeunes, à la restauration des liens au sein des communautés et entre elles.
Ces ateliers communautaires sont un exemple de démarche informelle et ascendante en faveur de l’intégration citoyenne, pour renforcer la responsabilisation dans la prestation de services, s’attaquer aux problèmes potentiels à un stade précoce et limiter les risques émergents. On attendait de ces interactions entre les citoyens et le gouvernement ou le secteur privé qu’elles deviennent un outil essentiel pour garantir une reprise inclusive. Toutefois, le contexte conflictuel en Iraq (a) a compromis le déroulement d’un processus adapté de participation citoyenne, en dépit d’une stratégie bien établie dès le départ. Bien que le pays soit dans une certaine mesure plus apaisé aujourd’hui, il était encore difficile de mobiliser les habitants là où persistaient des problèmes de sécurité. Les longues attentes aux checkpoints compliquaient l’accès aux populations bénéficiaires et, aux premiers jours de la reconstruction, des risques d’attaques subsistaient dans les régions montagneuses du pays.
Malgré ces difficultés, des femmes comme Warda Salah ont pu prendre part aux rencontres communautaires informelles organisées à Aldolouiya et en tirer profit. Au début, les hommes avaient du mal à accepter la présence de leurs épouses aux réunions de prise de décision, mais ces réticences ont été vaincues après des heures de dialogue et les femmes ont bientôt pu y assister. Quelques mois plus tard, les femmes d’Aldolouiya ont créé leur propre bazar, heureuses de savoir qu’elles avaient désormais une voix dans la communauté.
Selon Warda Salah, l’inclusion des femmes dans les processus décisionnels a permis de créer des liens avec d’autres communautés voisines. Celle-ci enseigne désormais le tissage, la fabrication de décorations et la couture aux femmes de son village et de ceux alentour, faisant ainsi renaître une activité artisanale qui existait avant le conflit.
« Former ces femmes a pour but de leur permettre d’aider leurs familles et de leur faire acquérir des savoir-faire. Elles apprennent des choses et peuvent consacrer leur temps libre à des activités utiles pour elles-mêmes », témoigne le responsable communautaire.
Auparavant isolées dans des communautés déconnectées et sans perspective, les femmes ont été intégrées aux réunions de prise de décision et aux consultations, gagnant ainsi en autonomie économique. Alors que, auparavant, elles n’étaient pas en mesure de participer aux séances de retour d'expérience, en quelques mois seulement elles ont été formées et ont pu créer un autre bazar dans la capitale, Bagdad, à 200 kilomètres de là.
« Maintenant que nous sommes formées, nous essayons d’exporter nos idées ailleurs », explique Amina Husam, une autre femme qui enseigne les méthodes d’artisanat local. Lors de chaque Journée internationale des femmes (a), elles installent un marché spécial et se félicitent de cette expérience enrichissante.
Autre exemple : au mois de mars, un groupe de jeunes Iraquiennes a participé à une campagne de reboisement des districts de Saadia et Jalawla, dans la province orientale de Diyala. Cette initiative avait pour but de renforcer l'esprit collectif et de faire revivre la culture du bénévolat et de la participation aux affaires communautaires parmi les jeunes du pays.
« J’encourage les femmes à se faire une place dans la société et à participer à des programmes de volontariat, même s’il s’agit de quelque chose de simple comme nous l’avons fait aujourd’hui », indique Aya Ibrahim, une bénévole qui a participé au reboisement de la zone de Saadia.
Une autre bénévole, Shefaa Salem, affirme que le rôle des femmes peut devenir « plus important dans la société » et qu’elle aimerait expliquer à ses enfants « l’empreinte » qu’elle aura laissée.
Cependant, le scepticisme qui règne en Iraq à propos de l’utilité de ces réunions communautaires a empêché la Banque mondiale de conduire efficacement le projet et de favoriser le renforcement des capacités des communautés. De ce fait, et en raison de la fragilité inhérente à l’environnement du projet, la campagne n’a pas pu être structurée selon les principes formels de la participation citoyenne. Par exemple, l’équipe avait prévu de créer une ligne d’assistance téléphonique pour permettre aux citoyens de faire part de leurs doléances, de faire des suggestions ou de poser des questions, mais la ligne a rapidement été suspendue quand les factures ont cessé d’être payées.
Les processus à l’œuvre étaient informels et le dialogue s’est organisé de façon ascendante. Néanmoins, le fait d’avoir impliqué des femmes comme Warda, Aya et Amina s’est avéré efficace pour les encourager à se lancer dans le commerce, un pas positif dans le combat pour mettre fin à la pauvreté dans cette région affectée par le conflit.
Les efforts déployés pour soutenir le gouvernement iraquien visaient à obtenir des résultats tangibles de cette intégration citoyenne, même informelle, et ils ont permis de nouer une relation étroite avec les bénéficiaires.