NOUAKCHOTT, MAURITANIE, le 21 septembre 2020—Enveloppées dans de grands voiles colorés qui contrastent avec la succession monochrome de dunes et d’arbustes entourant la tente sous laquelle elles sont installées, les femmes du village de Bouteydouma affichent toutes le même regard satisfait et le sourire éclatant de ceux qui sont fiers d’avoir accompli quelque chose d’important. Fatimetou Mint Mohamed, déroule une à une les peaux fraîchement sorties de leur tannerie : « Avant, on passait toute la journée à prendre le thé, maintenant, on s’occupe et on contribue aux finances du ménage. »
Si elles ont toujours pratiqué le tannage de manière rudimentaire pour leur usage personnel, les choses ont pris une autre tournure il y a un an et demi, lorsque Fatimetou et quatre autres femmes de ce village du sud-ouest de la Mauritanie sont parties suivre une formation à l’Institut de formation technique et professionnelle de Boghé, à plus de 200 km de là. Dans cette région où on est généralement éleveur, « Nous nous sommes rendu compte que personne ne récupérait les peaux des bêtes abattues, elles n’avaient aucune valeur et étaient jetées », raconte Fatimetou qui préside aujourd’hui l’Association des femmes de Bouteydouma.
Accueillies en pension complète pendant deux mois avec d’autres femmes provenant des quatre coins de la Mauritanie, certaines venues avec leurs bébés, elles ont appris une technique beaucoup moins nocive pour leur santé et respectueuse de l’environnement. Hassan, leur professeur leur a aussi montré comment fabriquer de nouveaux objets, notamment des gourdes spéciales qui gardent l’eau fraîche. « Nous sommes restées en contact avec lui sur WhatsApp et il nous aide à chaque fois qu’on a des questions. » Après la formation, elles ont aussi bénéficié de cours de gestion, ont été équipées en matériel et reçu de l’argent pour acheter des peaux et disposer d’un fonds de roulement pour démarrer leur activité.
Choisir un métier et avoir les moyens de l’apprendre
Déployés dans six pays du Sahel— Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Tchad—par le Projet régional d’appui au pastoralisme au Sahel (PRAPS), ces formations et coups de pouce financiers transforment la vie de nombreux ménages ruraux dont la première source de revenu est l’élevage. Car depuis quelques années ils font face à des défis climatiques, sécuritaires et démographiques qui les fragilisent de plus en plus. Il est donc essentiel de diversifier leurs revenus pour préserver et valoriser leur mode de vie.
« Nous avons mené des enquêtes préalables auprès des ménages afin qu’ils identifient eux-mêmes les activités qu’ils aimeraient développer et les compétences dont ils ont besoin pour se lancer », explique Doussou Hamzata Dicko, responsable genre et médiation sociale pour le PRAPS. « Le projet vise surtout les jeunes et les femmes, il les accompagne jusqu’à ce qu’ils parviennent à fabriquer des produits de qualité et deviennent autonomes. »
Tannage des cuirs et peaux, production d’embouche, traite du lait et fabrication de produits laitiers, toutes ces activités génératrices de revenus se déclinent autour du monde pastoral, mais également en fonction de besoins collectifs comme la plomberie et l’électricité ou la transformation de produits agroalimentaires.
Mis en œuvre par les ministères de l’Élevage et celui de l’Emploi et de la Formation professionnelle, le projet est financé à hauteur de 248 millions de dollars par la Banque mondiale à travers l’Association internationale de développement et coordonné par le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS). Par le biais d’activités parallèles de protection des ressources naturelles, promotion de la santé animale et de facilitation de la commercialisation du bétail, le PRAPS soutient directement plus de deux millions de personnes dans les six pays où il intervient. Il a créé 517 formations qualifiantes en milieu rural et fourni des équipements et un capital de départ à plus de 20 000 personnes dont 88% de femmes.