KINSHASA, le 12 juin 2020— Pour passer le temps, Kandindi Kengela aime s’installer dehors, devant sa petite table en plastique bleue et feuilleter ses cahiers. Comme tous les enfants congolais, il est confiné chez lui depuis plus de trois mois pour éviter la propagation du coronavirus et a hâte de retourner à l’école. « Étudier, c’est ce qui me rend heureux », affirme cet élève de 5e année primaire à Kananga, une ville du Kasai Central. « Ça me permettra de devenir chauffeur, pilote ou même président de la République. »
Même si Victorine Tshibola, sa maman, est contente que Kandindi l’aide de temps en temps à entretenir leurs champs, elle s’inquiète et commence aussi à trouver le temps long. Agricultrice, elle élève seule ses six enfants depuis le décès de son mari et accorde une importance toute particulière à leur instruction : « J’ai perdu mes parents très jeune. et je n’ai pas eu la chance de finir mes études, faute de moyens », explique-t-elle. « Je tiens à ce que mes enfants y parviennent, parce que l’école ouvre l’esprit, rend indépendant et aide à s’épanouir dans la vie. »
Victorine est d’autant plus préoccupée que ses enfants ont déjà été privés d’école l’année dernière. « Je n’avais pas assez d’argent pour payer les frais de scolarité », confie-t-elle. « Il a fallu choisir entre les nourrir ou les faire étudier. »
Quand les parents doivent supporter le coût de l’école
Jusqu’à la dernière rentrée scolaire de septembre 2019, la République démocratique du Congo (RDC) était l’un des seuls pays au monde où l’école primaire était encore payante. Au cours des deux dernières décennies, les ménages congolais ont financé les deux tiers des services éducatifs essentiels que l’État n’arrivait plus à prendre en charge, notamment les salaires des enseignants et du personnel administratif ainsi que les coûts de fonctionnement des établissements scolaires. En moyenne, les parents devaient dépenser près de 65 dollars, par an et par enfant, au primaire. Une somme que les familles les plus vulnérables ne pouvaient pas toujours débourser. 64 % des ménages interrogés lors d’une enquête effectuée en 2018, ont indiqué que les frais élevés de scolarité étaient le principal obstacle à la scolarisation de leurs enfants. De fait, cette année-là, quatre millions d'enfants en âge d'aller à l'école primaire n’étaient pas scolarisés.
De nombreux enfants ont ainsi effectué une scolarité en dent de scie, suivant les possibilités financières de leurs parents. La plupart ont accumulé d’importantes lacunes à cause de ces interruptions fréquentes, certains ont fini par basculer dans la délinquance. « L’école est un lieu de protection de l’enfant en général », insiste Augustin Tshiko. « Elle offre un espace qui leur évite de mal tourner, par exemple, d’entrer dans des groupes insurrectionnels ». Pour cet enseignant d’une école primaire de Kananga, il est aussi essentiel d’accorder une attention particulière aux filles, traditionnellement défavorisées par rapport aux garçons dans l’accès à l’éducation en RDC. « Les filles doivent autant avoir accès à l’école que les garçons. Eduquer une fille, c’est éduquer une nation. »