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ARTICLE 15 mai 2020

La pandémie de COVID-19 risque d’aggraver l’inégalité entre les sexes en Amérique latine et dans les Caraïbes

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Lorsque les femmes perdent leur emploi, et par la même occasion leur indépendance financière, elles peuvent se retrouver dépendantes d’un partenaire violent. 


En plus de son lourd tribut sur la vie humaine et l’économie, l’impact de la pandémie de coronavirus (COVID-19) vient également exacerber les faiblesses existantes au sein du tissu social. La région Amérique latine et Caraïbes, est déjà fortement touchée par une pandémie de l’ombre, celle de la violence à l’égard des femmes et des filles. La crise actuelle menace de réduire à néant des décennies de progrès vers l’égalité hommes-femmes.

Ces derniers développements viennent s’ajouter aux impacts négatifs en matière d’égalité hommes-femmes déjà observés lors de pandémies antérieures. Ils rappellent l’urgence de poursuivre les efforts d’autonomisation des femmes à travers la région. Cela peut passer par le renforcement de leur voix et de leur capacité d’agir, par l’élimination des violences dont elles font l’objet ou des obstacles qu’elles rencontrent pour accéder à la propriété et au contrôle d’actifs. Il est également important de garantir aux jeunes femmes des transitions école-travail efficaces, de prévenir les grossesses chez les adolescentes, et d’éliminer les obstacles à davantage d’emplois de qualité.

« Il nous faut prendre en compte ces dimensions de genre dans notre réponse à la crise du COVID-19 », souligne Miriam Müller, spécialiste en sciences sociales à la Banque mondiale et co-auteur des notes Combler les écarts hommes-femmes en Amérique latine et Caraïbes (a) et Les Dimensions de genre dans la pandémie de COVID-19 (a). « Cependant, cette crise souligne également l’urgence de mettre une fois pour toute un terme aux inégalités hommes-femmes. »

Le choc de deux pandémies

Dans certains pays disposant de données, la violence domestique a doublé, voire même triplé. La majorité des victimes de violence domestique sont des femmes, alors que la plupart des auteurs sont des hommes.

Dans une région qui compte déjà une femme sur trois touchée par la violence basée sur le genre, la protection et le soutien disponibles se trouvent encore réduits du fait de la forte sollicitation des services de réponse d’urgence, ce qui peut contribuer à renforcer un sentiment d’impunité chez les hommes.

Quelques exemples pris à travers la région soulignent la gravité du problème. En Colombie, les appels à une permanence téléphonique d’aide aux victimes de violence domestique ont bondit de 91% depuis la mise en place des consignes de confinement. Au Mexique, ils ont augmenté de 36%. En Argentine, où 7 meurtres de femmes ou de filles sur 10 ont lieu au sein de leur foyer, les appels d’urgence pour des cas de violence domestique ont augmenté de 25%. En Bolivie, la ville de Santa Cruz a déclaré à la fois le plus grand nombre de cas de violence domestique et de COVID-19. Avec le Paraguay, la Bolivie compte également la plus forte prévalence de meurtres de femmes et de filles en Amérique du Sud.

Il est certain que, dans les faits, le nombre d’incidents liés à la violence domestique est bien plus élevé, car moins de 40% des victimes signalent les crimes ou recherchent une quelconque aide. Du fait de la forte sollicitation des services de santé et d’un accès restreint aux personnels de première intervention, il est encore plus difficile aujourd’hui d’obtenir de l’aide. Il est aussi possible que les femmes évitent de recourir aux services de santé de peur d’être infectées par le virus.

Participation au marché du travail

Dans les pays à faible revenu, de nombreuses femmes travaillent dans le secteur informel ou exercent d’autres formes d’emplois vulnérables, qu’il s’agisse d’activités non salariées dans de petites entreprises de subsistance ou de travail domestique. Elles peuvent ainsi se retrouver exclues des mesures de protection sociale formelles telles que l’assurance chômage, comme le rappelle la note de la Banque mondiale sur les Dimensions genre de la Pandémie de COVID-19.

De plus, il y a plus de  femmes que d’hommes qui travaillent  dans certaines des industries touchées de plein fouet par la crise comme le commerce de détail, l’hôtellerie ou le tourisme. Dans les Caraïbes, où nombre d’économies dépendent largement du secteur touristique, certains pays verront la moitié de leur population active perdre leur emploi.

Les femmes, traditionnellement chargées de veiller sur les enfants et les personnes âgées, doivent souvent assurer aussi les soins des malades lors d’une épidémie. Avec l’adoption des mesures de confinement et de fermeture des écoles, elles devront probablement faire face à une surcharge importante de leur emploi du temps, étant donné leurs responsabilités multiples. Cela pourrait impliquer une baisse de leur temps de travail et une exclusion permanente du marché du travail. Même avant la pandémie (en 2018), seules 52% des femmes participaient au marché du travail dans la région, contre 77% des hommes.

Grossesses des adolescentes

Au-delà de l’augmentation du niveau de violence et de la perte d’indépendance financière, d’autres dimensions de l’inégalité entre les sexes se trouvent exacerbées par la pandémie. La réallocation des ressources peut perturber des services de santé essentiels pour les femmes et les filles, comme les services de santé reproductive et sexuelle, notamment le planning familial. Lors de crises de ce type, on constate une hausse des grossesses non désirées chez les adolescentes mais aussi de la mortalité maternelle, en raison du manque de ressources essentielles.

Dans une région où le taux de fécondité des adolescentes occupe le deuxième rang mondial, la pandémie pourrait nuire considérablement aux efforts de réduction du nombre de grossesses au sein de ce groupe d’âge. Les taux de fécondité les plus élevés pour les adolescentes se trouvent en République dominicaine (avec 94 naissances pour 1 000 jeunes femmes âgée de 15 à 19 ans), au Venezuela, au Nicaragua, au Panama et en Équateur, selon la note de la Banque mondiale Combler les écarts hommes-femmes en Amérique latine et Caraïbes (a).

Passer à l’action

Renforcer les systèmes de première réponse face aux violences domestiques, accroître l’offre d’abris et de logements temporaires pour les victimes, ainsi que les services de santé mentale, et lutter contre le sentiment d’impunité chez les auteurs de ces violences constituent autant de pistes vitales, selon l’ONU Femmes. Des programmes de transferts monétaires à destination des groupes les plus vulnérables, notamment les ménages dirigées par des femmes, seront également nécessaires, de même que des programmes d’appui à la reprise d’une activité économique, ou des efforts pour assurer l’accès des femmes et des filles aux services de santé essentiels, comme la santé reproductive et sexuelle.

Si l’on veut mettre un terme aux inégalités déterminantes entre hommes et femmes, il est nécessaire d’intensifier les efforts et d’apporter de plus amples ressources, afin d’améliorer l’éducation et la santé des femmes, d’éliminer les obstacles les empêchant d’accéder à des emplois de qualités, à la propriété et au contrôle d’actifs, et afin de renforcer la voix des femmes et leur capacité d’agir

La note Combler les écarts hommes-femmes dans  l’Amérique latine et les Caraïbes (a) souligne non seulement les écarts hommes-femmes dans la région avant la pandémie de COVID-19, mais elle examine aussi des projets innovants grâce auxquels la Banque mondiale aide les pays clients à combler ces lacunes. Aujourd’hui, il est plus urgent que jamais de tirer les leçons de ces expériences, de développer et d’étendre les efforts qui portent leur fruit, afin de prévenir de graves reculs en matière d’égalité hommes-femmes.

Emily Bartels-Bland

Dernière mise à jour: 18 mai 2020


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