La réglementation de l'activité économique a vocation à protéger les travailleurs, la sécurité publique, les entreprises et les investissements. Néanmoins, une réglementation inefficace ou inadéquate peut étouffer l'activité entrepreneuriale et la croissance des entreprises. Par exemple, alors que 10 heures suffisent à Singapour pour effectuer les formalités d'exportation par transport maritime, il faut y consacrer plus de 200 heures au Cameroun et en Côte d'Ivoire. Et le coût de ces démarches dans les ports du Gabon s'élève en moyenne à plus de 1 600 dollars, contre seulement un peu plus de 300 dollars à Maurice.
Les pesanteurs réglementaires risquent de faire sortir du périmètre de contrôle des organismes de surveillance et du fisc les entreprises tentées par l'ombre du secteur informel ou par une délocalisation dans des pays où le climat des affaires est plus favorable. En outre, les investisseurs étrangers risquent d'éviter les pays où la réglementation entrave la croissance de l'activité économique.
Mais une bureaucratie tatillonne n'étouffe pas seulement les entrepreneurs et les investisseurs : elle peut aussi miner la capacité d'une économie à croître de manière durable. La liberté d’entreprendre va de pair avec le développement économique et le dynamisme du secteur privé, soit deux conditions essentielles à l'élimination de la pauvreté et à la recherche d’une prospérité partagée.
Le rapport Doing Business 2020 analyse les réglementations de 190 économies dans 12 domaines afin d’évaluer le climat des affaires à travers le monde. Dix de ces indicateurs sont pris en compte pour attribuer à chaque économie une note sur la facilité de faire des affaires. Il s'agit de la 17e édition d'une étude qui a incité les gouvernements du monde entier à entreprendre des réformes destinées à améliorer le cadre d'activité des entreprises, avec en ligne de mire une croissance économique durable.
Le rapport se penche sur les règles qui affectent la vie d’une entreprise de sa naissance à sa liquidation : création d'entreprise, obtention d’un permis de construire, raccordement à l'électricité, transfert de propriété, obtention d’un prêt, protection des investisseurs minoritaires, paiement des taxes et impôts, commerce transfrontalier, exécution des contrats et règlement de l'insolvabilité.
Ce que mesure Doing Business :
Les économies où l'environnement des affaires est le meilleur
Selon l'étude, les dix économies du monde les plus performantes du point de vue de la facilité de faire des affaires sont la Nouvelle-Zélande (avec un score de 86,8 sur 100), Singapour (86,2), la RAS de Hong Kong en Chine (85,3), le Danemark (85,3), la République de Corée (84), les États-Unis (84), la Géorgie (83,7), le Royaume-Uni (83,5), la Norvège (82,6) et la Suède (82).
Les économies qui obtiennent les meilleurs résultats ont plusieurs caractéristiques en commun, notamment l'utilisation généralisée de systèmes électroniques. Les 20 premières économies du classement se sont toutes dotées de systèmes en ligne pour la constitution d'une société, la déclaration des revenus et les procédures liées aux transferts de propriété. En outre, 11 d’entre elles disposent de systèmes numérisés de gestion des permis de construire.
Ces économies possèdent en général un cadre réglementaire solide, associé à un degré élevé de transparence.
Les économies où l'environnement des affaires s'est le plus amélioré cette année
Le rapport classe également les pays en fonction de la progression de leur climat des affaires. Doing Business 2020 constate ainsi que les dix économies qui se sont le plus améliorées dans ce domaine sont l'Arabie saoudite, la Jordanie, le Togo, Bahreïn, le Tadjikistan, le Pakistan, le Koweït, la Chine, l'Inde et le Nigéria.
L'Arabie saoudite a créé un guichet unique pour la constitution d'une société et supprimé l'obligation pour les femmes mariées de fournir des documents supplémentaires lorsqu'elles demandent une carte d'identité. Le pays a également rationalisé et fusionné les processus de pré-immatriculation et de post-immatriculation.
Avec trois réformes, la Jordanie se classe pour la première fois parmi les principales économies réformatrices. Le pays a renforcé l'accès au crédit en introduisant une nouvelle loi sur les transactions sécurisées, en modifiant la loi sur l'insolvabilité et en mettant en place un registre des garanties unifié, moderne et sur déclaration. En outre, la Jordanie a facilité le paiement des impôts en instaurant la déclaration et le versement en ligne des taxes sur le travail et d'autres contributions obligatoires.
Avec trois réformes de sa réglementation, le Togo figure dans le top 10 des pays les plus réformateurs pour la deuxième année consécutive, et pour la troisième fois en cinq ans. Les autorités ont aboli l'obligation de légalisation devant notaire des statuts d'une société et réduit le délai d'immatriculation d'une entreprise. Elles ont également simplifié le mécanisme d'obtention d'un permis de construire, facilité le raccordement au réseau électrique ainsi que les processus d'enregistrement des propriétés foncières et d'obtention de prêts.
Voici un aperçu des réformes entreprises dans les autres économies qui ont le plus progressé :
- le Bahreïn a facilité l'accès à l'électricité : il est désormais plus rapide et moins cher d'être raccordé au réseau et la fourniture d'électricité est plus fiable ;
- le Pakistan a facilité l'enregistrement des biens en accélérant et en simplifiant l'enregistrement des actes de propriété et en améliorant la transparence du système d'administration foncière ;
- le Tadjikistan a favorisé l'accès au crédit avec le lancement d'un registre des garanties unifié, moderne et sur déclaration ;
- le Koweït a renforcé la protection des investisseurs minoritaires en instaurant un préavis de 21 jours pour convoquer les assemblées générales ;
- la Chine a simplifié le paiement de l'impôt en mettant en œuvre un traitement prioritaire pour définir les taux d'imposition du bénéfice des petites entreprises et des sociétés aux profits très restreints, entre autres mesures ;
- l'Inde a facilité le commerce transfrontalier en réduisant les coûts et les délais associés aux formalités et à la documentation nécessaire ;
- le Nigéria a facilité l'exécution des contrats en améliorant la qualité des procédures judiciaires.
Des réformes plus ou moins nombreuses dans toutes les régions
En un an, 115 économies du monde ont engagé au total 294 réformes de nature à améliorer l’environnement des affaires.
La région Moyen-Orient et Afrique du Nord est parmi les plus performantes, avec 57 réformes réglementaires permettant de faciliter l'activité des entreprises. Les pays du Golfe, particulièrement actifs, ont mis en œuvre 35 mesures. Par ailleurs, quatre économies de la région sont parmi les dix plus réformatrices du monde. Ainsi, l'obtention d'un permis de construire dans la région prend en moyenne 28 jours de moins que dans les pays à revenu élevé de l'OCDE. Les domaines dans lesquels les évolutions réglementaires ont été les plus marquées sont le raccordement à l'électricité et le traitement des permis de construire. Toutefois, obtenir un crédit est toujours plus difficile au Moyen-Orient et en Afrique du Nord que partout ailleurs dans le monde. En outre, les obstacles auxquels se heurtent les femmes souhaitant créer une entreprise sont généralisés dans la région.
Les économies d’Europe et d’Asie centrale ont encore accéléré une dynamique déjà soutenue, avec l’adoption de 56 réformes destinées à améliorer le climat des affaires. Parmi les 20 économies figurant en tête du classement sur la facilité de faire des affaires, deux sont situées dans la région Europe et Asie centrale : la Géorgie (7e) et la Macédoine du Nord (17e). La région a engagé neuf réformes dans le domaine du paiement des impôts et 22 pays ont mis en place des systèmes de déclaration en ligne des revenus depuis le lancement de l'étude Doing Business. En outre, six réformes portant sur l'exécution des contrats ont été mises en œuvre. Les économies de la région se distinguent aussi par la facilité d'enregistrement des biens fonciers : les coûts de transfert de propriété y sont en moyenne inférieurs à ceux des économies à revenu élevé de l'OCDE.
L’élan des réformes s’est maintenu dans nombre de pays d’Asie du Sud, l'Inde et le Pakistan se classant ainsi parmi les pays les plus réformateurs. L'Inde a procédé à quatre réformes, notamment pour faciliter l'obtention d'un permis de construire, et le Pakistan a engagé six réformes, dont l'amélioration de l'accès à l'électricité. Toutefois, l'Afghanistan, le Bhoutan, les Maldives et le Sri Lanka n'ont introduit aucune réforme réglementaire. Le règlement d'un différend commercial dans la région prend en moyenne près de deux fois plus de temps que dans les économies à revenu élevé de l'OCDE.
Si le climat des affaires est relativement favorable dans la plupart des pays d'Asie de l'Est et du Pacifique, le rythme des réformes s'est ralenti par rapport aux années précédentes. En effet, moins de la moitié des économies de la région (12 sur 25) ont fait évoluer leur réglementation. Il n’en reste pas moins que l’Asie de l’Est et Pacifique compte cinq économies parmi le top 25 du classement : Singapour (2e), RAS de Hong Kong en Chine (3e), Malaisie (12e), Taïwan en Chine (15e) et Thaïlande (21e). Classée au 31e rang, la Chine a gagné plusieurs places et figure pour la deuxième année consécutive dans le top 10 des pays qui ont le plus progressé.
Les 16 économies des Caraïbes ont réalisé un nombre record de 19 réformes, et 11 d’entre elles ont amélioré leur climat des affaires, principalement grâce à des mesures facilitant la création d'entreprise, le raccordement à l'électricité, le paiement des impôts et l'exécution des contrats.
L'Amérique latine affiche des performances inférieures à celles des autres régions du monde. Aucun pays ne figure dans la liste des 10 principaux réformateurs depuis deux ans et aucune économie d'Amérique latine ne se classe parmi les 50 premiers pays du monde pour la facilité de faire des affaires. Le Mexique, qui reste l'économie la mieux classée (au 60e rang), n’a pas introduit d'amélioration majeure dans l’environnement des affaires pour la seconde année d'affilée. Quelques pays d'Amérique latine se distinguent cependant. La Colombie a mis en œuvre 37 réformes au total depuis 2005 et continue d’être le pays le plus réformateur de la région. Classé au 67e rang mondial, le pays a engagé trois réformes majeures au cours de la période de 12 mois se terminant le 1er mai.
De l’intérêt de réformer
Depuis le lancement de l’étude Doing Business il y a 17 ans, 178 économies ont mis en œuvre 722 reformes portant sur la création d’entreprise et la réduction ou l’élimination des barrières à l’entrée sur le marché. En dépit de ces améliorations, il subsiste cependant des écarts considérables entre économies développées et en développement pour la plupart des indicateurs mesurés.
Pourtant, les bénéfices des réformes sont évidents. Dans les pays qui obtiennent de bons résultats selon les indicateurs de Doing Business, les entreprises sont bien plus dynamiques, ce qui permet de créer de meilleurs emplois et d'augmenter les recettes publiques comme les revenus. En revanche, là où des procédures réglementaires longues et complexes entravent l'activité, la tentation peut être grande de recourir à la corruption pour faire avancer les démarches.
Les résultats de l’étude Doing Business 2020 vient montrer que dans la quasi-totalité des économies du monde il est possible de simplifier les règles et d'accélérer les procédures pour faciliter les affaires, libérer l’esprit d’entreprise et permettre à l'activité économique d'atteindre son plein potentiel.