VICTORIA, le 18 juillet 2019―Un lundi matin comme les autres, sur la plage de Beau Vallon, aux Seychelles : un groupe d’hommes et de femmes s’affaire pour que les touristes, attendus d’une minute à l’autre, découvrent l’image de paradis tropical vantée dans le monde entier. Les sacs en plastique ou les algues charriés sur le sable par l’océan Indien ne sont pas les bienvenus... Des pêcheurs sortent de l’eau, transportant au-dessus de leurs têtes un filet rempli des prises du jour. Dans les récifs où ils pêchent, des chercheurs et des étudiants travaillant pour une ONG locale ont créé, en collaboration avec l’un des hôtels du littoral, une nurserie de coraux pour restaurer l’écosystème abîmé. Plusieurs établissements touristiques le long de la plage se sont efforcés de bâtir leurs propres défenses pour endiguer l’érosion et contenir les inondations sans détruire la beauté des lieux. Car les ressources naturelles des Seychelles jouent un rôle déterminant pour la résilience, le développement économique et les moyens de subsistance des populations côtières — mais elles sont menacées.
Une grande partie des Seychellois vivent le long des côtes, où se concentrent également les activités économiques et les infrastructures. Or, le littoral qui a subi de plein fouet le tsunami de 2004 et connu plusieurs tempêtes tropicales depuis, est victime d’une érosion continue. Depuis les années 90, des cas récurrents de blanchissement des coraux ont entraîné la perte de pratiquement 90 % de la couverture corallienne de l’archipel. Avec le changement de forme des récifs lié à la mortalité des coraux, les vagues déferlent plus souvent sur les côtes (a) et accentuent l’érosion — un phénomène aggravé par l’élévation du niveau de la mer. Faute de cadre d’aménagement du littoral, des solutions ponctuelles ont été adoptées pour gérer ces risques. En plusieurs points de l’archipel, des amoncellements de roches tentent de prévenir l’érosion des plages, mais, en gâchant des panoramas exceptionnels (a), ces mesures font fuir les touristes. D’autant que s’ils ne sont pas soigneusement conçus, les épis et les digues ne font que déplacer le phénomène d’érosion.
Afin de remédier à ce défi, l’an dernier, une équipe technique de la Banque mondiale a aidé le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et du Climat à concevoir un plan de gestion du littoral (a), officiellement entériné par le gouvernement le 30 mai 2019. Ce plan qui se veut global définit un ensemble d’actions prioritaires à mettre en œuvre de front : suivi et recherche, développement d’infrastructures de protection du littoral, aménagement du territoire en fonction des risques et renforcement des capacités. Il identifie une série d’investissements dans les infrastructures de protection des côtes, des solutions « naturelles », comme la restauration des récifs coralliens et des dunes, et des mesures d’accompagnement pour assurer le suivi de la mise en œuvre du plan entre 2019 et 2024 et renforcer les capacités.
Ce plan permettra de réduire les risques d’inondation et d’érosion pour les communautés et les infrastructures côtières et contribuera à soutenir l’activité économique sur le littoral. Si les résultats escomptés sont atteints, les 4 000 bâtiments et 117 kilomètres d’infrastructures actuellement situés, selon les estimations, en zones inondables seront mieux protégés. Le renforcement préconisé des capacités de suivi et d’évaluation permettra au gouvernement de mieux surveiller l’érosion et de prendre en temps utile les mesures nécessaires pour protéger la vie et les moyens de subsistance des populations.
Le plan de gestion du littoral permet d’intégrer des solutions naturelles (a) dans les politiques d’aménagement stratégique des zones côtières tout en offrant un modèle adaptable à d’autres États côtiers et insulaires. Il repose sur les informations tirées d’études sur les processus côtiers aux Seychelles, mais aussi sur des données sur les risques recueillies par le biais de méthodes innovantes et relativement peu coûteuses recourant à des drones et à des exercices de localisation collaborative (a) des établissements scolaires et touristiques.
Vu l’importance du patrimoine naturel des Seychelles pour l’économie de l’archipel, les solutions naturelles ou hybrides devraient permettre de maximiser les financements dédiés au développement. Les touristes et les pêcheurs étant les premiers bénéficiaires des mangroves, des récifs coralliens et des plages, un cofinancement de ces solutions se justifie. Avec le soutien de la Banque mondiale et de la Facilité mondiale pour la prévention des risques de catastrophes et le relèvement (GFDRR) (a), le gouvernement seychellois a identifié plusieurs leviers pour accroître la participation du secteur privé au financement d’une vaste opération de restauration des récifs coralliens pour assurer la protection du littoral.
Bien conscientes que ce petit État insulaire est exposé au changement climatique, les autorités jouent un rôle de premier plan dans les efforts de lutte contre le changement climatique et misent sur l’économie bleue pour stimuler durablement le développement. En témoigne le plan d’aménagement de l’espace marin (a), financé en partie par une conversion de dette en investissements écologiques (a) et la toute première obligation bleue au monde. Les Seychelles sont par ailleurs le premier pays d’Afrique à bénéficier d’un prêt à l’appui des politiques de développement assorti d’une option de tirage différé pour les risques liés aux catastrophes. L’approbation récente du plan de gestion du littoral, qui s’inscrit dans les objectifs stratégiques de résilience et de développement durable des zones côtières et des aires marines, vient compléter ces initiatives.
L’élaboration du plan de gestion du littoral des Seychelles a bénéficié du soutien de la Facilité mondiale pour la prévention des risques de catastrophes et le relèvement (GFDRR), par le biais du Programme de solutions fondées sur la nature et de l’Initiative de financement des risques de catastrophes en Afrique.