Comme chaque matin, Ernise dépose ses enfants à l’école et s’empresse d’aller à l’atelier de l’organisation RAFAVAL (Rassemblement des Femmes Vaillantes de Limonade) au centre-ville de Limonade, dans le Nord d’Haiti. Cette femme doit rejoindre les autres membres de son association pour transformer le cacao local en chocolat. L’organisation s’impose dans le secteur de l’agribusiness en offrant des produits dérivés du cacao cultivé dans la région à un public large et diversifié.
Pour les membres du RAFAVAL, la journée commence dès quatre heures du matin dans leurs foyers respectifs. Puis elles se retrouvent aux locaux de leur organisation afin de préparer les premières ventes de la journée. Dès 6 heures du matin, installées devant le campus de l’Université de Limonade, elles vendent des tasses de chocolat chauds et d’autres produits chocolatés aux travailleurs, étudiants, ainsi qu’aux écoliers, ouvriers, et commerçants.
Pour récolter le cacao, Ernise et ses collègues se rendent dans la zone agricole autour de la ville de Limonade qui constitue une région particulièrement fertile du pays. Des cultures telles que le maïs, le haricot, la banane, les tubercules ou encore le cacao sont autant de sources de revenus dans cette région en pleine expansion démographique. Toutefois, le manque d’accès aux marchés ainsi que les difficultés de valoriser les productions agricoles continuent à constituer des obstacles au développement des filières agricoles.
« C’est ce qui nous a motivé à mettre sur pied l’organisation RAFAVAL » se rappelle Ernise Petigny, membre fondatrice de l’organisation, et ensuite d’expliquer : « Quand nous avons commencé cette aventure en 2002, c’était très difficile pour nous. Nous avons eu de très faibles moyens, mais au fur et à mesure nous avons systématiquement réinvesti les bénéfices avant de pouvoir enfin acheter notre terrain et avant de pouvoir construire un premier hangar en guise de local ».
Grâce au projet de Renforcement des Services Publics Agricoles, financé par la Banque mondiale et mis en œuvre par le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural, cette organisation de femmes dynamiques est en train de connaitre un nouvel essor.
« Depuis 2015, nous avons reçu un appui du Ministère de l’Agriculture qui nous a permis de réhabiliter notre local et acheter les matériels et équipements nécessaires pour la transformation du cacao, nous permettant ainsi d’accéder à d’autres marchés pour toute une gamme de produits incluant dorénavant du chocolat, de la poudre et graisse de cacao, ainsi que des snacks et laits chocolatés. Nous avons aussi bénéficié de sessions de formation sur les bonnes pratiques d’hygiène, ainsi que des techniques de marketing et de gestion des micro-entreprises ».
De la ferme à la fourchette
En 2015, près de la moitié de la population du pays résidaient en milieu rural, et parmi ceux-ci, près de 78 pourcent pratiquent l’agriculture comme principale activité économique. Cependant, 70 pourcent des ménages en milieu rural vivent sous le seuil de pauvreté avec moins de deux dollars de revenus par jour.
En dépit de tout, le secteur agricole haïtien présente un potentiel économique majeur pour les ménages ruraux, notamment ceux gérés par les femmes dont les conditions de vie sont généralement plus difficiles. Les femmes en Haïti se situent traditionnellement en aval de la chaine de valeur agricole, se spécialisant dans la transformation et la commercialisation, des secteurs ayant reçu moins d’appui que la production primaire jusqu’à récemment.
Le Ministère de l’Agriculture, à travers un financement de la Banque mondiale, a mis en place ce projet de renforcement des services agricoles qui supporte les groupements agricoles en amont et en aval des chaines de valeur. Cette initiative a d’ores et déjà permis de toucher près de 70 organisations, associations et coopératives rurales telles que la RAFAVAL situées dans les départements du Nord et du Nord-est et du Sud et met l’accent sur la participation des femmes. Parmi plus des 30 000 producteurs qui bénéficient de cet appui, 40 % sont des cultivatrices basées dans le grand Nord, le Centre et le Sud d’Haïti.
« Quand il y a une hausse des récoltes, les prix des produits ont tendance à chuter considérablement à cause d’une offre supérieure par rapport à la capacité d’absorption immédiate du marché. Ce déséquilibre a constitué une sorte de frein à l’élan des cultivateurs, devant recourir à des stratégies d’adaptation parfois néfastes pour l’environnement. Ainsi, nous avons pris l’initiative de renforcer les structures existantes œuvrant dans la transformation des produits et denrées agricoles pour favoriser leur conservation et revaloriser le travail des agriculteurs », souligne Hermann Yves Augustin, Coordonnateur général du projet.