L’économie du Burundi repose sur une agriculture à petite échelle pratiquée en terrasse sur les pentes des collines et des montagnes. L’explosion démographique et la dépendance écrasante de 90 % de la population aux ressources naturelles ont amplifié la dégradation de l’environnement. Dans une récente analyse consacrée à la situation environnementale du pays, la Banque mondiale estime que l’érosion entraîne la dégradation de près de 38 millions de tonnes de sols par an, soit une perte annuelle de 4 % du PIB burundais.
Leonidas Nzigiyimpa a notamment travaillé avec les équipes du Projet d’aménagement durable des zones de caféiculture. Cette opération financée par la Banque mondiale et par le Fonds pour l’environnement mondial a pour objectif de collaborer avec les communautés locales pour trouver des solutions de préservation de l’environnement. Sous l’égide de l’Office burundais pour la protection de l’environnement, les habitants ont défini un plan de gestion des aires protégées, lancé des campagnes de sensibilisation, fait la promotion de moyens de subsistance durables, encouragé les recherches et sollicité l’aide de la célèbre primatologue Jane Goodall pour sauver les chimpanzés et d’autres espèces rares.
« La Banque mondiale aide le Burundi à renforcer sa résilience aux dégradations de l’environnement en travaillant avec toutes les parties prenantes », souligne Nestor Coffi, responsable des opérations de la Banque mondiale pour le Burundi. « Leonidas a dirigé une équipe spéciale dont l’action a été déterminante pour faire évoluer la protection des richesses naturelles du Burundi. »
Le projet incite à adopter des pratiques de gestion durable des terres, en particulier pour remédier à la dégradation des sols dans les zones de caféiculture situées autour de la réserve forestière de Bururi. Le café est la principale culture d’exportation du Burundi et rapporte jusqu’à 90 % des devises du pays. Il fait vivre environ 600 000 familles, soit pratiquement la moitié des ménages du pays. L’importante dégradation des terres survenue au cours de ces 40 dernières années a cependant entraîné une forte baisse de la production. De 45 000 tonnes par an, la production de café est tombée à 10 000 ou au mieux 25 000 tonnes seulement, ce qui a profondément affecté les moyens d’existence de la population.
« Pour améliorer la situation, nous devons adopter une approche globale des paysages, afin de renforcer la résilience des écosystèmes tout en faisant évoluer les moyens d’existence des populations afin d’instaurer la paix et la prospérité », explique Paola Agostini, experte mondiale en préservation des forêts, des paysages et des écosystèmes à la Banque mondiale. « Ce projet a contribué à modifier les comportements des communautés locales : ces dernières sont plus soucieuses de la protection de la réserve forestière et cultivent désormais le café sous ombrage, selon une technique qui est à la fois plus respectueuse de l’environnement et source de revenu pour les personnes qui dépendent des ressources naturelles ».
Ce mode de polyculture consiste à intercaler des plants de café et d’autres arbres. Les caféiers poussent à l’ombre de la canopée et bénéficient de nutriments et d’arômes provenant des autres cultures, comme la banane, l’avocat, l’orange, la mandarine, le citron ou encore le cacao. Grâce à cette méthode, la population a pu diversifier sa production, améliorer la fertilité des sols et, partant, sa sécurité alimentaire, tout en luttant contre l’érosion des sols.
Leonidas et son équipe sont convaincus que la protection des ressources naturelles peut être un moteur de la croissance. Ils ont lancé en 2014 un projet communautaire d’agritourisme qui permet aux cultivateurs de café de montrer que cette filière peut contribuer à la préservation de l’environnement. Ils soutiennent également l’essor de l’écotourisme, avec la réhabilitation de sources thermales, la création de nouveaux sentiers d’accès aux chutes d’eau et l’habituation des chimpanzés à la présence humaine.
L’une des grandes réussites du projet a été la participation des Batwas à la gestion de la réserve. Un système inédit a pour cela été mis en place : des membres de la communauté ont travaillé à la préservation de la réserve et les revenus correspondants ont été placés dans un fonds d’épargne communautaire. Ainsi, et pour la première fois dans l’histoire du Burundi, une communauté Batwa a pu acheter des terres avec son propre argent.
Toutes ces actions contribuent à modifier les paysages et les moyens d’existence au Burundi. Les méthodes innovantes mises en œuvre avec ce projet vont maintenant être étendues dans le cadre de deux opérations approuvées récemment : le Projet de régénération des paysages et de résilience et le Projet pour la compétitivité du secteur du café, qui bénéficient respectivement d’un financement de l’IDA de 30 et 55 millions de dollars.
Et Leonidas Nzigiyimpa de conclure : « Ce prix me donne encore plus d’énergie pour aller de l’avant et continuer à travailler avec les communautés, en particulier les jeunes. Si nous réussissons à impliquer les jeunes dans la protection de l’environnement et des ressources naturelles, nous parviendrons à transformer nos vies et notre pays ».