ÎLE DE MAHE, RÉPUBLIQUE DES SEYCHELLES - Ulrich Banboche a pris la goélette pour une sortie matinale en mer à la recherche de concombres de mer. Pour attraper cet animal marin très prisé, ce plongeur de 29 ans plongera jusqu’à 30 ou 35 mètres de profondeur dans les eaux chaudes opales du sud-ouest de l'océan Indien.
Les concombres de mer, petits aspirateurs du fond marin, sont des parents éloignés des étoiles de mer. Ils ont été traqués par les plongeurs seychellois pendant plus de 100 ans, avant d’être exportés vers la fin des années 1800. Ces créatures sont très prisées pour leur saveur raffinée, mais sont aussi utilisées comme remède populaire, et aphrodisiaque, surtout en Asie. Pendant la majeure partie du XXe siècle, les concombres de mer abondaient au large du rivage et des récifs, et étaient pêchés en quantités raisonnables. Mais au cours des deux dernières décennies, la pêche aux concombres de mer s'est intensifiée rapidement aux Seychelles, principalement en raison de la forte demande sur le marché international, surtout de la Chine, entraînant une surexploitation des stocks.
Les prises d'holothuries capturées dans les eaux des Seychelles ont atteint leur sommet en 2012 et, depuis lors, elles ont régulièrement diminué. Une évaluation récente des stocks de concombres de mer, appuyée par le projet de gouvernance et de croissance partagée des pêches du Sud-Ouest de l'océan Indien (SWIOFish), financé par la Banque mondiale, a abouti à l'introduction de quotas. L'effort financé par la Banque mondiale vise à stopper ce déclin et à prévenir la chute rapide de cette pêche au niveau mondial. Financé par L’Association internationale de développement (IDA), le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) et d’autres partenaires, le programme SWIOFish a pour but d’aider les pays à maintenir ou augmenter leurs ressources halieutiques prioritaires ainsi que les avantages offerts par le secteur de la pêche, notamment en matière de réduction de la pauvreté et de sécurité alimentaire.
Les gens commencent à peine à comprendre le rôle important de filtrage joué par les concombres de mer dans les écosystèmes océaniques de plus en plus fragiles. Même s’ils sont moins nombreux qu’il y a un quart de siècle, on peut encore observer des concombres de mer en train de se nourrir ou de passer l'aspirateur au fond de l'océan, au large des côtes seychelloises. « Ces invertébrés sont des superstars du nettoyage océanique et sont extrêmement importants pour les écosystèmes marins », explique le professeur Iria Fernandez-Silva, membre de l'Académie des sciences de Californie. « Ne serait-ce que par ce rôle d’entretien de l’océan, cela vaut la peine de protéger leur nombre. » En 2014, environ 16 espèces d'holothuries étaient menacées d'extinction selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) .
Les espèces d'holothuries les plus prisées en Asie - tétine, tétine blanche et piquante - sont également surexploitées et en voie de disparition. Une fois que les prises ont atteint un pic et suivent une trajectoire descendante, à part l’interdiction complète de la pêche, il est peu probable que d’autres interventions puissent reconstituer les stocks puisque la reproduction a déjà été fortement altérée.
Aux Seychelles, le SWIOFish a aidé l'Autorité de pêche à renforcer le comité consultatif de cogestion des holothuries en améliorant la collecte de données et la collaboration avec les capitaines et les plongeurs afin d’établir une évaluation plus récente de la situation, tout en travaillant étroitement avec la communauté des pêcheurs. Le projet SWIOFISH soutient également la pêche à Madagascar, aux Seychelles, aux Maldives, aux Comores, en Tanzanie et au Mozambique.