La prochaine fois que vous écouterez votre morceau préféré, pensez-y : la guitare ou le piano que vous entendez contiennent probablement des pièces fabriquées à partir d’un ébénier presque centenaire issu d’une forêt du Cameroun. Le bois d’ébène fait la fierté du pays et le bonheur des fabricants d’instruments de musique dans le monde entier.
Mais une menace plane sur le bois d’ébène du Cameroun et plus généralement sur la riche biodiversité des forêts camerounaises : l’augmentation du défrichage à des fins agricoles, conjuguée aux pratiques d’abattage industriel non viables des exploitations forestières. C’est ce constat qui a poussé Taylor Guitars, l’un des premiers fabricants au monde de guitares acoustiques de prestige, à lancer un projet en collaboration avec l’Institut du bassin du Congo. Objectif : aider les communautés locales à produire et planter différentes variétés d’ébéniers afin de reconstituer les stocks du Cameroun.
« Notre projet, qui apporte des outils scientifiques et des conseils pratiques aux communautés, vise à assurer la survie de l’ébène », explique Bob Taylor, cofondateur et président de Taylor Guitars. « Notre objectif est de laisser derrière nous plus de ressources que nous n’en prélevons. »
Le gouvernement camerounais s’est récemment associé à Taylor Guitars pour essayer d’élargir ce projet à l’échelle nationale dans le cadre du programme de réduction des émissions dues au déboisement et à la dégradation des forêts (REDD+). Ce nouveau partenariat public-privé, lancé lors de la conférence de Bonn sur le changement climatique, réfléchira à la manière de reproduire efficacement l’approche initiale de protection du bois d’ébène. Le modèle mis en place, comprend la fourniture de jeunes plants et d’infrastructures, combinée à des formations sur les techniques de plantation auprès communautés participant à des projets de reforestation et d’agroforesterie dans la région couverte par le programme. L’objectif est de planter des ébéniers, mais également des arbres fruitiers et des essences aux propriétés médicinales.
« Pour qu’un projet réussisse, nous devons mettre en place des incitations adaptées en direction des populations locales », souligne Rene Siwe, du ministère camerounais de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable. « L’idée ici est de distribuer des jeunes plants de safoutier et d’autres essences qui poussent plus rapidement et revêtent une importance culturelle, en plus des plants d’ébéniers, qui poussent plus lentement. Les populations pourront ainsi récolter des fruits à court terme, et à long terme, le bois d’ébène pourra être exploité par les futures générations. »
Et d’ajouter : « La question de la propriété des arbres fait encore largement débat au Cameroun et c’est la raison pour laquelle nous essayons également, à travers ce projet, de mettre en place des cadastres sylvicoles pour enregistrer les ébéniers plantés et l’identité de leurs propriétaires, afin de protéger leurs droits dans le cas d’un éventuel mécanisme d’indemnisation. »
Le partenariat entre le Cameroun et Taylor Guitars s’attachera entend également développer l’écologie de l’ébène africain, en sensibilisant et formant les communautés à une sylviculture écoresponsable qui puisse se transmettre d’une génération à l’autre.
Le projet pour l’ébène et le programme de réduction des émissions du Cameroun
Les forêts recouvrent près de 40 % su territoire camerounais. Conscient de l’importance de son rôle de gardien des forêts tropicales, le gouvernement s’est engagé à favoriser la gestion durable des forêts, à travers l’initiative REDD+.
Soutenu par le Fonds de partenariat pour la réduction des émissions dues à la déforestation (a) de la Banque mondiale et la Banque allemande de développement, il a piloté la conception d’un ambitieux programme infranational dans les régions méridionales du pays. La zone concernée représente environ 93 000 kilomètres carrés de forêts tropicales, qui agissent comme des « puits de carbone ». Elle comprend la réserve du Dja inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, plusieurs parcs nationaux, une réserve de gorilles, des petites exploitations de cacao et de palmiers à huile qui exportent à l’international ainsi que de nombreuses forêts indispensables à la survie des communautés autochtones.
Le programme de réduction des émissions interviendra avec ses partenaires à tous les niveaux pour convertir le secteur de la sylviculture et, plus largement, tous les acteurs impliqués dans l’utilisation du sol, à des pratiques plus durables dans le but d’atténuer les changements climatiques. Les entreprises forestières font partie des parties prenantes clés. Le partenariat du gouvernement avec Taylors Guitars souligne d’ailleurs le rôle essentiel que doit jouer le secteur privé pour parvenir à une gestion durable des ressources forestières. Les cadastres sylvicoles établis dans le cadre du projet pourraient par ailleurs aider le programme REDD+ à redistribuer équitablement les bénéfices de ses activités.
Les autorités camerounaises ont commandé pour cela une étude visant à recenser les territoires agricoles compatibles avec l’agroforesterie, dans la zone couverte par le programme REDD+. Il s’agit aussi d’identifier les essences à planter les mieux adaptées, ainsi que les meilleures approches communautaires à mettre en place. Les conclusions de cette étude permettront de définir les actions prioritaires à engager dans le cadre de cette initiative et les différentes variétés à privilégier.
Pour en savoir plus sur le projet pour l’ébène, retrouvez ce tchat organisé pendant la conférence de Bonn sur le changement climatique (COP23), en 2017 : An Innovative Collaboration for Forest Protection in Cameroon with Taylor Guitars (a).