1 décembre 2017 – Si les pays en développement ont accompli des progrès remarquables en matière de scolarisation, l’éducation est encore aujourd’hui un rêve hors de portée pour des millions d’enfants souffrant de handicap.
Leroy Philips (a) est un jeune militant associatif et animateur de radio du Guyana. Aveugle depuis l’enfance, il se souvient : « Quand j’avais six ou sept ans, mon oncle se chargeait de l’enseignement des jeunes de la famille, moi excepté. Je ne comprenais par pourquoi je restais seul quand il réunissait tous les enfants pour faire de l’orthographe, de la lecture, des tables et d’autres exercices de maths. Parce que j’étais aveugle, on me refusait la possibilité d’être instruit à la maison ou à l’école, au même titre que les autres. »
Cette situation est loin d’être exceptionnelle. D’après de nouveaux travaux (a) menés par la Banque mondiale et le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), l’écart entre enfants handicapés et non handicapés s’est largement creusé au fil du temps. Cette analyse repose sur des données de recensement collectées dans 19 pays, ce qui a pour conséquence de rendre compte principalement des handicaps lourds. Ces données révèlent que les niveaux d’instruction et d’alphabétisation ont progressé chez les enfants handicapés, mais à un rythme beaucoup plus lent que chez les enfants non handicapés. L’étude pointe, par exemple, que moins de la moitié des enfants en situation de handicap achèvent le cycle primaire, et que trois sur dix n’ont jamais été scolarisés.
« Un enfant en situation de handicap se retrouvera lourdement pénalisé dans son apprentissage ; ce facteur pèse davantage que l’inégalité entre filles et garçons ou le statut socio-économique », explique Quentin Wodon, économiste principal à la Banque mondiale et co-auteur de l’étude. « Il faut agir d’urgence pour scolariser les enfants handicapés et faire en sorte que cela leur soit profitable. »
La Banque mondiale soutient l’insertion des enfants handicapés par le biais de projets de financement, de services-conseils et de travaux analytiques. Voici un aperçu de ces activités :
Apprentissage de la langue des signes au Viet Nam
Au Viet Nam, un projet d’éducation intergénérationnelle pour les enfants malentendants a financé des formations destinées à des adultes sourds afin qu’ils puissent jouer le rôle de tuteurs auprès d’enfants d’âge préélémentaire atteints également de surdité. Le projet a par ailleurs formé 200 enseignants entendants à l’utilisation de la langue des signes, tout comme une cinquantaine de médiateurs et d’interprètes.
Une vidéo (a) raconte l’histoire d’un frère et d’une sœur, Tu et Linh, tous deux sourds de naissance, qui peuvent aujourd’hui communiquer avec leurs parents en langue des signes depuis qu’un enseignant qualifié leur rend visite chez eux.
Accueil des élèves en situation de handicap dans les écoles et les communautés en Moldova
En Moldova, alors que le code de l’éducation prévoit le développement d’un système éducatif inclusif, la Banque mondiale aide les académies locales à élaborer et à appliquer une stratégie qui œuvre dans ce sens. Son projet d’intégration des enfants handicapés dans des établissements scolaires ordinaires (a) s’attache à former des directeurs d’école, des enseignants et des collectivités locales à cette prise en charge. Ces ateliers, tout comme la réhabilitation d’infrastructures scolaires, sont menés afin que les établissements ordinaires puissent accueillir dans de meilleures conditions les élèves handicapés (en favorisant l’accès, la participation et la réussite).
Cette vidéo (a) illustre l’importance du rôle des enseignants, de la direction et des parents dans l’accompagnement scolaire de tous les enfants, y compris ceux qui souffrent d’un handicap et/ou ont des besoins particuliers.
Expérimentation de méthodes innovantes au Malawi
Dans le cadre d’un programme d’appui à l’intégration scolaire des enfants handicapés, la Banque mondiale a soutenu l’expérimentation de méthodes innovantes afin de promouvoir la scolarisation d’enfants jusqu’ici exclus des établissements d’enseignement ordinaire. Le projet a permis d’organiser des campagnes de sensibilisation dans 150 écoles ; d’élaborer des lignes directrices pour détecter, identifier et évaluer différents handicaps ; de développer des ressources à destination des parents pour qu’ils puissent doter leurs enfants handicapés de compétences pratiques ; et de contribuer à l’élaboration d’une politique d’inclusion scolaire. Les activités suivantes sont également en cours de réalisation : programme de rénovation des établissements, formation des enseignants à l’inclusion scolaire, fourniture d’appareils d’assistance et soutien pratique aux élèves.
Prise en charge du handicap en Inde
Le programme Sarva Shiksha Abhiyan (a) en Inde a pour ambition d’accueillir tous les enfants à l’école primaire, y compris ceux en situation de handicap. Ce projet d’envergure nationale soutenu par la Banque mondiale a permis la création de modules de formation destinés aux formateurs en chef qui prépareront les professeurs d’enseignement ordinaire à la prise en charge d’élèves autistes, malentendants, souffrant d’infirmité motrice cérébrale ou sourds et aveugles.
Ce programme qui vise à préparer les établissements à l’accueil d’enfants handicapés prévoit également l’élaboration de plans éducatifs personnalisés, à l’issue d’une évaluation individualisée des besoins des enfants et de leur parcours scolaire.
La proportion d’élèves du primaire ayant des besoins éducatifs spéciaux est passée de 84 % sur la période 2012 -2013 à près de 90 % en 2015 (soit un total de 2,5 millions d’enfants). Par ailleurs, plus de 116 000 enfants ayant des besoins particuliers ont bénéficié d’une éducation à domicile.
Ce programme donne également lieu à des innovations pour mieux accompagner les enfants défavorisés. Dans l’État du Bihar, les Kasturba Gandhi Balika Vidyalayas (a), des internats mis en place pour scolariser les filles issues de milieux défavorisés accueillent des malvoyantes. Dans cette vidéo (a), Reebha apprend les arts martiaux aux côtés de camarades sans déficience visuelle. Grâce au soutien intensif des enseignantes, Reebha a pu acquérir les compétences nécessaires à sa scolarisation et à un bon apprentissage. Elle est aujourd’hui inscrite dans un établissement ordinaire voisin.
Recenser les solutions qui marchent
L’une des priorités à court terme sera de consolider une base de connaissances à partir d’initiatives éprouvées, tout en aidant les pays à concevoir et à mettre en œuvre des stratégies d’inclusion scolaire. La Banque mondiale évalue à cette fin l’incidence d’un programme au Kenya qui initie des élèves malvoyants à l’informatique.
En Chine, une équipe dont les travaux de recherche sont financés par la Banque mondiale, a réalisé une enquête auprès de cadres de l’éducation, d’enseignants, de parents et d’élèves sur la manière dont ils appréhendent l’inclusion scolaire dans les comtés prochainement bénéficiaires du projet d’enseignement obligatoire dans la province du Guangdong (a). Compte tenu du fait que la fréquentation d’un établissement d’enseignement ordinaire est un droit fondamental des élèves en situation de handicap, les auteurs plaident entre autres pour l’intégration de politiques d’inclusion scolaire dans toutes les efforts de planification de l’éducation. Pour en savoir plus sur cette enquête et les recommandations formulées, consulter la synthèse du rapport (a) et ce billet (a).
La Banque mondiale vient également de lancer un fonds d’affectation spéciale pour promouvoir l’intégration du handicap dans les systèmes éducatifs en Afrique, appuyé par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Ce fonds de trois millions de dollars vise à élargir l’accès des enfants handicapés à l’éducation, en renforçant le savoir et les capacités du continent.
Aller plus loin
Leroy Philips a été privé d’éducation dans son enfance, mais, à 23 ans, il a bénéficié d’une « seconde chance », lorsqu’il a obtenu son diplôme de fin d’études secondaires grâce à un projet gouvernemental destiné aux jeunes malvoyants.
Beaucoup d’enfants en situation de handicap sont confrontés à des difficultés considérables, notamment dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure.
La Banque mondiale travaille activement aux côtés des pays afin d’assurer l’accès de tous à une éducation de qualité sur un pied d’égalité.