Le Projet d’augmentation de l’alimentation en eau potable, porté par le Gouvernement libanais, vise à accroître le volume d’eau à disposition de la région du Grand Beyrouth et du Mont Liban où réside près de la moitié de la population. Il est financé par la Banque mondiale, la Banque islamique de développement et le Gouvernement libanais. Dans ce jeu de questions & réponses, Saroj Kumar Jha (a), directeur régional pour le Moyen-Orient à la Banque mondiale, explique l’importance du projet de barrage à Bisri qui mettra un terme au problème chronique de pénurie d’eau à Beyrouth.
Question 1 : Pourquoi le barrage de Bisri est-il nécessaire ? Qui en bénéficiera ?
SKJ : Le barrage de Bisri mettra un terme aux graves pénuries d’eau chroniques, un problème majeur auquel les Libanais se heurtent depuis la guerre civile.
La zone du Grand Beyrouth et du Mont Liban, qui compte 1,6 million d’habitants, dont 460 000 personnes vivant avec moins de quatre dollars par jour, disposera d’un accès amélioré à une eau propre. Une fois le barrage achevé, les familles pourront s’en remettre au réseau public et ne seront plus tributaires d’autres sources d’eau. Elles constateront ainsi une baisse considérable de leurs dépenses liées à l’eau.
Question 2 : Quelle est la capacité de stockage du barrage ? L’eau sera-t-elle traitée avant d’être distribuée ?
SKJ : Il est utile de rappeler que le barrage de Bisri captera les eaux de pluie qui ruissellent habituellement jusqu’à la mer et qu’il permettra au pays de stocker l’eau en hiver pour la consommer durant la saison sèche, quand les besoins sont les plus importants.
Le barrage de Bisri sera construit tout juste en amont du village de Bisri, situé sur le fleuve Bisri. Doté d’une capacité de 125 millions de mètres cubes, il se remplira naturellement en hiver et au printemps et servira en été et à l’automne. L’eau s’écoulera exclusivement par gravité vers la région du Grand Beyrouth et du Mont Liban, sans pompage. Elle transitera par un tunnel long de 26 km, sera traitée par la station d’épuration de Ouardaniyeh, puis distribuée au moyen de réseaux, dont la réhabilitation est prévue dans le cadre du Projet d’approvisionnement en eau du Grand Beyrouth.
Question 3 : Combien de temps prendra la construction du barrage ?
SKJ : Sa construction prendra environ cinq ans, à compter de la signature du contrat.
Question 4 : Le barrage de Bisri sera-t-il sûr ?
SKJ : Je vous remercie de me poser cette question. Oui, le barrage de Bisri sera sûr.
Le Gouvernement libanais a pensé le barrage de Bisri, sur la base d’une évaluation et d’une conception à la pointe du risque sismique. Un panel d’experts internationaux a passé au crible la conception du barrage et les études géologiques, puis confirmé que ce projet était sûr.
Ces experts de renommée internationale, spécialisés dans l’ingénierie des barrages, la géologie et la sismologie, ont travaillé à des ouvrages hydrauliques partout dans le monde, y compris dans des zones sismiques. Pour résumer, ils ont confirmé que le barrage de Bisri était conçu pour résister aux tremblements de terre les plus sévères et qu’il n’allait pas les déclencher de lui-même. Par ailleurs, le barrage de Bisri sera doté de sismographes qui contrôleront en permanence la structure du barrage.
Question 5 : Quelles seront les conséquences pour les populations voisines du barrage ?
SKJ : Le projet a été pensé dans le respect des meilleures pratiques internationales pour limiter l’impact sur les communautés locales. Les populations touchées par ce chantier ont toutes été recensées et des mesures sont mises en place pour veiller à ce que leurs moyens de subsistance soient préservés et que leurs inquiétudes soient prises en compte.
L’expropriation des terres est en cours et concerne 861 propriétaires fonciers, dont 96 seulement vivent sur le futur site du barrage et tirent une partie de leur revenu et de leurs moyens de subsistance des terres qu’ils détiennent. Les propriétaires perçoivent une indemnisation en espèces, calculée à un coût de remplacement conforme aux directives de la Banque mondiale en la matière. Une aide complémentaire sera fournie pour retrouver un revenu équivalent et restaurer les moyens de subsistance, le cas échéant.
Le plan d'actions de réinstallation qui a été élaboré détaille le processus d’expropriation et de réinstallation en cours. Les propriétaires et leurs représentants ont largement été consultés lors de l’élaboration de ce document, accessible au grand public à l’adresse www.cdr.gov.lb.
Question 6 : Le barrage de Bisri nuira-t-il à l’abondante biodiversité de la région ?
SKJ : C’est une question importante. L’une des principales priorités du projet est d’atténuer l’impact sur la biodiversité.
Un plan d’action précis a été mis en place. Il repose sur une étude de la biodiversité qui recense tous les taxons (amphibiens, reptiles et macro-invertébrés), les informations sur la localisation et les modes d’occupation de l’habitat de la flore, des mammifères, des oiseaux et des poissons. L’objectif est de compenser intégralement les incidences sur la biodiversité en remplaçant de manière écologique les habitats recouverts par le réservoir (déplacement de certaines espèces, préservation ou renforcement des habitats naturels en place). L’ambition de ce rééquilibrage est de parvenir à un « bénéfice net » pour la biodiversité du barrage de Bisri ou, tout au moins, à « l’absence de perte ».
Une équipe spécialisée d’experts en environnement travaille étroitement avec le ministère de l’Environnement pour suivre la mise en œuvre du Plan de gestion environnementale et sociale, consultable par tous à l’adresse www.cdr.gov.lb.
Question 7 : Qu’est-il prévu pour les sites culturels et archéologiques de la région ?
SKJ : Œuvrant de longue date au Liban, la Banque mondiale est tout à fait consciente de la primauté et de la valeur du patrimoine culturel et archéologique libanais. Voilà pourquoi nous apportons notre soutien au ministère de la Culture pour garantir l’entière préservation des sites culturels et archéologiques. L’église de Mar Moussa et les vestiges du monastère de Sainte-Sophie seront transférés à proximité et accessibles aux paroissiens comme aux touristes, sous l’étroite surveillance des autorités maronites et des paroissiens. Après étude, les sites archéologiques seront préservés, en coordination étroite avec la Direction générale des antiquités du Liban, qui sera chargée de superviser l’opération. Les travaux archéologiques seront financés par le projet.
Question 8 : N’existe-t-il pas de solutions plus simples et moins onéreuses pour que la région du Grand Beyrouth et du Mont Liban soit mieux approvisionnée en eau ?
SKJ : Pendant des décennies, les autorités du Liban, la société civile, des universitaires et leurs partenaires internationaux ont passé en revue l’option la plus rentable, la plus durable et la moins préjudiciable pour approvisionner en eau potable les habitants du Liban. La Stratégie nationale pour le secteur de l’eau, élaborée dans un cadre national, a conclu que la construction d’un barrage sur le site de Bisri permettait au pays de capter et d’exploiter efficacement ses ressources en eau.
D’ailleurs, lors de la phase d’élaboration du projet, le Gouvernement a demandé une analyse détaillée des solutions possibles, qui a donné lieu à l’examen des aspects techniques, économiques, environnementaux et sociaux de quatre projets de barrage (Bisri, Janna, Damour est et Damour ouest) et de projets ne comprenant pas l’érection d’un barrage (gestion améliorée des nappes phréatiques, dessalement, gestion de la demande et réutilisation des eaux usées traitées). L’étude a montré qu’à long terme la combinaison de ces deux types d’options était indispensable à un approvisionnement en eau plus abondant dans la zone du Grand Beyrouth et du Mont Liban.
La Banque mondiale travaille en étroite coopération avec divers acteurs du secteur afin d’appuyer la mise en œuvre de plusieurs interventions sans barrage, tout aussi essentielles à l’exécution de la Stratégie nationale pour le secteur de l’eau.
Question 9 : Pourquoi privilégier la région du Grand Beyrouth et du Mont Liban ?
SKJ : Le Gouvernement libanais a donné la priorité à ce projet afin de garantir au 1,6 million d’habitants de la région du Grand Beyrouth et du Mont Liban un accès amélioré à une eau propre et potable. Dans le même temps, la Banque mondiale a œuvré aux côtés des pouvoirs publics libanais dans de nombreux secteurs, sur l’ensemble du territoire libanais. Nous apportons un soutien aux secteurs de l’environnement, du transport, de la santé, de l’éducation et de la protection sociale au Liban, notamment dans les zones directement touchées par l’arrivée massive de réfugiés syriens.
Question 10 : La société civile a-t-elle été impliquée dans ce processus ? Ses préoccupations ont-elles été entendues ?
SKJ : Tout à fait. Lors des phases de préparation et d’exécution, entre avril 2012 et mai 2017, 28 réunions publiques et discussions de groupes ont été organisées en présence de bénéficiaires, de personnes affectées par le projet, d’ONG et de groupes de la société civile. La presse locale a annoncé la tenue de ces réunions auxquelles plusieurs représentants d’ONG et de groupes de la société civile ont assisté.
L’atténuation des risques environnementaux et sociaux pendant toute la durée de la construction et du fonctionnement d’un barrage est une priorité absolue. L’évaluation de l’impact environnemental et social a été effectuée en étroite collaboration avec les agences gouvernementales, la société civile, le secteur privé et les membres des communautés, puis approuvée par le ministère de l’Environnement. Un plan détaillé pour la réinstallation des populations a également été échafaudé et décrit toutes les modalités d’expropriation et de réinstallation. Ces deux documents peuvent être consultés par tous à l’adresse www.cdr.gov.lb.
Question 11 : Souhaitez-vous ajouter d’autres éléments ?
SKJ : Oui. Voilà plus de trente ans que le Liban réfléchit au projet de barrage de Bisri, pierre angulaire de sa Stratégie nationale pour le secteur de l’eau. La Banque mondiale entend pour sa part donner son appui à ce projet favorable aux populations pauvres et suivra étroitement son avancement afin qu’il réponde aux critères internationaux les plus rigoureux.