NIAMEY, le 30 mai 2017. « L’idée de créer mon application « Coach santé » qui aide les femmes à suivre leur grossesse et ensuite le développement de leur enfant jusqu’à l’âge de deux ans, m’est venue après des discussions entre femmes. Au Niger, beaucoup de femmes accouchent et c’est frustrant de savoir qu’elles sont souvent perdues et ont systématiquement besoins des conseils des grands-mères et des femmes plus mûres, comme moi. Alors, j’ai décidé de créer une entreprise et une application mobile pour répondre à leurs questions », explique Nadia Mahamadou Touré, lauréate du premier prix du « NigerAppChallenge ». Une application certainement très utile dans ce pays qui détient le taux de fécondité le plus élevé au monde, avec en moyenne 7,6 enfants par femme.
Développeur informatique de formation, cette jeune femme de 30 ans, a créé son entreprise pour mettre en œuvre son projet intitulé « Marrainage des femmes », avant de développer par la suite une application consacrée à la santé maternelle.
Une soixantaine d’autres Nigériens ont également participé à «NigerAppChallenge» (NAC), une compétition d’applications mobiles organisée par le ministère des Postes, Télécommunications et de l’Économie numérique avec l’appui de la Banque mondiale et de nombreux partenaires actifs dans le secteur des nouvelles technologies, tels que Orange Niger, Airtel Niger, l’Université Abdou Moumouni, ou encore le Haut-Commissariat à l'informatique et aux nouvelles technologies de l'information. Objectif ? Détecter et promouvoir de jeunes développeurs, et les former pour encourager l’esprit d’entreprenariat et dynamiser l’économie numérique au Niger.
Entre février et avril mars 2017, 61 équipes ont ainsi dû préparer et déposer leurs dossiers dans des secteurs aussi variés que le commerce, l’agriculture, la santé, l’éducation et les services. Les 20 meilleurs projets, retenus au bout d’une première étape de sélection, ont ensuite pu bénéficier pendant plusieurs semaines de formations techniques et en gestion, dispensées par les experts du Centre incubateur des petites et moyennes entreprises au Niger (CIPMEN).
Une deuxième sélection a ensuite désigné 10 équipes finalistes qui ont été appuyées et encadrées par un coach avant de présenter leur projet au cours de la grande finale du 6 mai 2017. Devant un peu plus de 100 personnes, elles ont chacune fait une démonstration rapide de leur application, et répondu aux questions du jury. « Mon application pourra être téléchargée sur un smartphone. Je propose trois rubriques : la consultation prénatale, la gestion du calendrier et la consultation post natale. Chaque utilisatrice dispose d’un numéro d’identification et fait l'objet d'un suivi. Elle peut, par exemple, calculer sa date probable d’accouchement, savoir comment préparer la layette et le kit pour l'accouchement. Elle pourra aussi recevoir des alertes SMS pour ses rendez-vous ou en cas d’épidémies. Enfin, le troisième module concerne le suivi de la croissance de l'enfant jusqu'à 2 ans. Nous offrirons par exemple des cours de cuisine et des conseils en nutrition avec des vidéos », explique Nadia Mahamadou Touré, qui pense que le NAC lui a permis de « prouver que les femmes ont aussi du talent, même dans le domaine des TIC ».
Le deuxième prix a été décerné à Almoctar Seyni Moussa et ses deux amis, qui ont mis au point l’application Shawara. À tout juste 23 ans, Almoctar est administrateur réseau et termine ses études en informatique et télécommunications à Cotonou, au Bénin.
Shawara, qui veut dire « conseil » en Haoussa, une langue parlée au Niger est une application éducative destinée à informer les étudiants et faciliter leur orientation et démarches administratives. Almoctar a eu l’idée de cette application en s’inspirant de son expérience personnelle à la sortie du lycée : « 6 mois après l’obtention de mon baccalauréat, j’avais toujours du mal à trouver des informations et une orientation. Je n’avais aucune information sur l'université. Je me suis dit que les bacheliers ne devraient pas être livrés à eux-mêmes. Avec Shawara, nous souhaitons faciliter la vie des élèves et étudiants. Nous souhaitons aussi simplifier leurs démarches. Aujourd’hui, à l’université Abdou Moumouni de Niamey, par exemple, certains doivent faire la queue dès 4 heures du matin, pour s’inscrire ».
Shawara existe depuis un an. Nous avons 15 abonnés à Cotonou et 15 à Niamey. D’ici juin 2017, nous souhaitons la rendre disponible sur Playstore pour permettre aux bacheliers de 2017 de l'utiliser. L’application, propose une orientation dans 19 filières offertes en Afrique et présente toutes les spécificités, spécialisations, débouchés et écoles qui les dispensent. Nous échangeons actuellement grâce à la messagerie, à des chats et forums où les étudiants de 14 pays, essentiellement de l'Afrique de l’Ouest, peuvent discuter entre eux. Dans un futur proche, nous comptons aussi développer l’inscription en ligne pour faire éviter les voyages de pré-visite, qui engendrent des dépenses inutiles aux étudiants et leurs parents. La compétition NigerAppChallenge est une belle vitrine pour se faire connaître et promouvoir ce que nous faisons. On n’a pas d'excuses pour ne pas réussir la révolution numérique en Afrique », explique Almoctar.
Le troisième prix du NAC a été attribué à Écoles Infos, une autre application éducative développée par Mohamed Sedar Egnonse, Chérifatou Ibrahim Agoumo et leur équipe. Âgés respectivement de 28 et 25 ans, Mohamed et Cherifatou possèdent la start-up I-futur.
Ils ont créé cette application dans le but de réduire l'échec scolaire dans leur pays, car « le taux de scolarisation est très faible au Niger, et très peu d’élèves parviennent à poursuivre leurs études jusqu’à l’université », explique Mohamed.
« Notre application permet de suivre les enfants scolarisés pour éviter qu’ils décrochent. Il s’agit d’une plate-forme web et mobile pour permettre aux écoles d'être en contact avec les parents. Par exemple les emplois du temps et notes seront accessibles. Nous avons remarqué que le message passe souvent mal avec les enfants, d’où cet outil pour que l’école envoie des messages directs, SMS et courriels aux parents. Ce ne serait même plus la peine de se déplacer pour connaître les résultats des examens. On peut aussi aider les parents à payer les frais de scolarité par mobile ou carte bancaire. Plusieurs établissements sont en phase pilote pour la prochaine année scolaire. »
« Le NigerAppChallenge a été l’occasion d’apprendre à réaliser un business plan. Notre projet a eu davantage de visibilité et c’est toujours confortant d’avoir l’avis d'un jury pluridisciplinaire », concluent Cherifa et Mohamed.