Pourquoi et comment évaluer les risques de catastrophe
Trois étapes préliminaires sont indispensables pour contrer les conséquences délétères des aléas naturels et du changement climatique : reconnaître les risques, les évaluer et les comprendre (a). En accédant à des informations détaillées sur les risques de catastrophe, les décideurs, l’opinion publique et les autres parties prenantes comprendront mieux l’impact éventuel de ces événements et pourront les anticiper à travers des mesures adaptées et des investissements.
L’enjeu de ces investissements va au-delà de la simple atténuation des menaces et de la limitation des pertes subies (a) lorsque l’événement survient. Les investissements visant à mieux gérer le risque de catastrophe et à accroître la résilience ont en effet un impact bénéfique même en l’absence de catastrophe : en réduisant les risques, ils stimulent l’activité économique, tandis qu’ils suscitent aussi des avantages annexes sur le plan du développement, avec notamment l’apport de services écosystémiques, la construction d’infrastructures qui favorise aussi les transports ou encore la hausse de la productivité agricole.
Dans cette optique, la Banque mondiale vient de publier, en collaboration avec la Facilité mondiale pour la prévention des risques de catastrophes et le relèvement (GFDRR) (a), un rapport intitulé Europe and Central Asia Country Risk Profiles for Floods and Earthquakes (a). Cette étude propose, pour chaque pays de la région, un état des lieux général des risques d’inondation et de séisme ainsi que des différents degrés d’exposition de ses territoires infranationaux, en mettant en évidence sa vulnérabilité globale par rapport au reste de la région. Soit autant d’informations précieuses pour les responsables publics de ces pays et plus généralement pour l’ensemble des parties prenantes.
Les profils de risques établis par le laboratoire d’innovation (a) de la GFDRR doivent servir de point de départ à un dialogue avec les gouvernements des pays concernés pour réfléchir à de nouveaux investissements, politiques ou mesures susceptibles d’accroître la résilience. Sur le plan de la méthode, ils découlent des modèles internationaux existants du risque d’inondation et de séisme et tiennent compte de la nature dynamique du risque en intégrant l’évolution des scénarios climatiques ou du développement socioéconomique (urbanisation, croissance démographique, etc.).
Le cas de l’Arménie
Pour chaque profil pays, l’évaluation des risques permet d’établir le degré d’exposition au risque, exprimé en termes de population touchée et d’érosion du produit intérieur brut (PIB) et, pour les modèles consacrés au risque sismique, quantifié en pertes humaines et manque-à-gagner. Chaque profil comporte également des scénarios relatifs à la « période de récurrence », un concept qualifiant un événement moins fréquent mais plus grave.
Périodes de récurrence :
Quand on parle par exemple d’inondation avec une période de récurrence de 100 ans, cela ne veut pas dire que ce phénomène se reproduira tous les siècles mais qu’il y a une chance sur 100 pour qu’une inondation de grande ampleur intervienne au cours de cette période. Ainsi, un séisme avec une période de récurrence de 250 ans équivaut à un risque de récurrence de 0,4 %.
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En Arménie (a), une inondation centennale amputerait le PIB de 6 % environ (700 millions de dollars). L’impact serait nettement plus lourd en cas de séisme avec une période de récurrence de 250 ans, avec des pertes estimées à 84 % du PIB ou 9 milliards de dollars. Pour la population et l’économie arméniennes, le risque d’impact d’un séisme est donc nettement plus élevé, même si la probabilité qu’un tel événement survienne est plus limitée.
Cette appréciation préliminaire peut permettre d’identifier en un coup d’œil les provinces où les risques annuels estimés de l’impact d’une inondation et d’un séisme sur le PIB sont les plus forts.
S’intéresser aux risques futurs
Les estimations du risque de catastrophe changent au rythme de l’évolution de notre monde, notamment sous l’effet de l’urbanisation et du changement climatique. Les profils établis dans l’étude identifient ces « facteurs de risque » en intégrant différents scénarios de croissance socioéconomique et prévisions de changement climatique. Pourtant, l’avenir étant par essence incertain, ces estimations ne sont effectivement que des estimations. En pratique, que cela signifie-t-il ?
Reprenons l’exemple de l’Arménie : imaginons que le pays ait été touché en 2015 par un séisme ayant une période de récurrence de 250 ans. Les pertes et le manque-à-gagner en termes de PIB équivaudraient à quelque 9 milliards de dollars. Pourtant, notre estimation indique qu’en 2080, le même tremblement de terre entraînerait des pertes évaluées entre 30 et 50 milliards de dollars. Cette marge relativement importante de 20 milliards s’explique par l’incertitude entourant l’évolution de l’urbanisation et de la croissance démographique mais également l’augmentation du nombre d’actifs exposés. Les décideurs doivent tenir compte de cette part d’incertitude, inhérente à tout exercice d’évaluation du risque et d’estimation d’impacts futurs.
Perspectives
Le rapport consacré à l’Europe orientale et à l’Asie centrale peut servir de base pour sensibiliser les décideurs aux éventuels impacts d’une catastrophe naturelle, particulièrement utile dans une région qui ne dispose pas toujours de données actualisées ou informatisées sur les risques. Or, ce type d’informations exploitables est crucial pour définir les politiques, les investissements et les autres mesures d’anticipation susceptibles d’accroître durablement la résilience.
Télécharger le rapport (a)
Profils de risques par pays (PDF)