L’océan : une solution
Lors de la dernière Conférence ministérielle africaine sur les économies océaniques et le changement climatique, dont le thème était « Vers la Cop 22 », organisée conjointement par la Banque mondiale et l’Île Maurice, les experts scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme contre la pollution de l’océan, l’agriculture intensive, le tourisme de masse incontrôlé et l’industrialisation excessive qui dégradent l’océan et le littoral, et détruisent les écosystèmes tels que les mangroves et les récifs coralliens.
L’état de délabrement des infrastructures et la mauvaise gestion de l’environnement ont contribué à l’épuisement des ressources halieutiques et à l’augmentation de l’érosion en Afrique. Cela touche particulièrement les populations côtières qui sont également les plus pauvres.
L’océan représente pourtant un potentiel immense. S’il était un pays, il serait la 7e puissance économique du monde avec un PIB de 24 mille milliards de dollars, selon un rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF) intitulé Reviving the Ocean Economy: The case for action─2015.
Le littoral ouest-africain abrite 31% de la population et représente 56 % du PIB de la région. Mais pas pour longtemps, si rien n’est fait pour stopper sa dégradation. La moitié des nombreux emplois de la région liés à la pêche devraient disparaître d’ici 2050 du fait de l’épuisement des réserves halieutiques.
« L’océan n’est pas la cause de notre problème, c’est au contraire, la solution à notre problème », a insisté Cipriano Gomez, secrétaire général du ministre de Guinée-Bissau, pays côtier d’Afrique de l’Ouest qui compte plus de 90 îles. « Notre objectif est d’améliorer la sécurité alimentaire en facilitant l’accès aux zones de production, aux marchés ruraux et en améliorant la qualité du transport maritime. »
C’est dans ce contexte que s’est tenue la Conférence de Maurice pour réunir les pays africains afin qu’ils élaborent une stratégie commune, susceptible de promouvoir une exploitation durable des mers et des océans. Cette stratégie repose sur la coopération régionale, le partage d’expertise et d’expériences afin de faciliter notamment l’accès aux financements. Il s’agit également de mettre la protection du littoral et de l’océan au cœur des dialogues de la COP22.
Représentants des Petits États insulaires en développement (PEID), pays côtiers d’Afrique, scientifiques, investisseurs, partenaires aux développement et acteurs de la société civile se sont engagés à soutenir ensemble des projets d’investissement en faveur d’une économie océanique durable et à s’adapter au changement climatique pour en atténuer les effets. Cela passera par le développement d’une pêche écoresponsable, l’amélioration de l’aquaculture, la promotion d’un tourisme durable ainsi que par la construction d’infrastructures portuaires plus solides et respectueuses de l’environnement.
« L’économie bleue est la nouvelle frontière de l’Afrique » a déclaré Jamal Saghir, conseiller régional senior de la Banque mondiale pour l’Afrique. « Les pays côtiers et les États insulaires d’Afrique ont entrepris d’investir dans l’économie bleue et ont demandé notre soutien technique et financier. Leur principal défi sera de prendre en compte le changement climatique. La Banque mondiale est déterminée à soutenir cette initiative en utilisant les financements de l’IDA alloués à ces pays ainsi que d’autres sources de financements telles que le Fonds vert pour le climat (GCF). À la demande de la Conférence ministérielle qui s’est tenue à Maurice, ce thème sera abordé dans le cadre du GCF. Et la journée dédiée à la mer lors de la prochaine COP22 à Marrakech consacrera une réunion spéciale à l’Afrique. »
Économie bleue 101: reconstituer les réserves halieutiques
La plage Bain-des-Dames se trouve à moins de 15 km du village de pêcheurs de Pointe-aux-Piments. Selon la tradition locale son nom fait référence aux esclaves africaines amenées sur l’île pour travailler dans les plantations de canne à sucre au XIXe siècle, et qui avaient l’habitude de se baigner sur cette plage.
Don Banchoo, est le chef de la communauté de pêcheurs de Bain-des-Dames. À 60 ans, il porte un regard pessimiste sur la profession. « Nous sommes pêcheurs de père en fils depuis des générations » confie-t-il. « Mais d’ici quelques années cette tradition disparaîtra. Nos enfants ne veulent pas être pêcheurs à cause de la dégradation du climat et du manque de sécurité. »
Si les préoccupations de Banchoo sont bien réelles, la Conférence ministérielle de Maurice a été organisée dans le but de ne pas accepter cette fatalité et de trouver des solutions. Parmi ces solutions : la mise en place de bons partenariats public-privé (PPP) en faveur d’une pêche durable ; le financement de projets accélérés au service d’une aquaculture saine et exempte de maladies ; le développement d’une pêche écoresponsable au Mozambique ; le recours à un matériau de substitution pour remplacer le sable dans la fabrication du béton ; et la restauration des mangroves et des récifs coralliens.
« Les écosystèmes marins forment un univers vaste, complexe et en perpétuelle évolution », a souligné Jose Graziano da Silva, directeur général de la FAO, au cours de la Conférence. « Les océans qui bordent la continent africain recèlent de nombreux secrets qui appellent des solutions novatrices et offrent un potentiel à exploiter. »
Il a conclu, qu’avec le soutien de la Banque mondiale et de la FAO, « les pays africains deviendront les champions de l’économie bleue. »