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L’Île Maurice, championne de l’économie bleue

29 septembre 2016


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LES POINTS MARQUANTS
  • En Afrique de l’Ouest, les ressources halieutiques se font de plus en plus rares et la moitié des emplois liés au secteur de la pêche devraient disparaître d’ici 2050.
  • L’océan représente pourtant un énorme potentiel économique. S’il était un pays, il serait la 7e économie mondiale, avec un PIB de 24 mille milliards de dollars.
  • Les pays africains se sont réunis à Maurice pour réfléchir à la manière de bâtir des économies océaniques plus soutenables.

POINTE-AUX-PIMENTS, le 29 septembre 2016 – Dorela Tanoo, rend visite à ses voisins pendant que les enfants jouent dans les carcasses de bateaux échouées sur la plage, de plus en plus grignotée par l’océan, en face de sa modeste maison. Cette mauricienne de 40 ans est une des rares femmes pêcheurs de sa communauté. Elle a commencé ce travail il y a huit ans, pour aider son mari, pêcheur lui aussi, dont les revenus baissaient.

« La mer a énormément changé, il y a beaucoup moins de poissons, l’eau est plus chaude et les algues prolifèrent », s’inquiète-t-elle. « Nous payons déjà les conséquences du changement climatique. »

Assis près d’elle, Dani Tanoo, son mari âgé de 50 ans, caresse un des nombreux chiens qui rôdent sur la plage et ajoute, « le climat est en train de tuer nos récifs. On a déjà perdu 90 % de notre barrière de corail. »

La pêche est toujours leur gagne-pain mais les prises ne sont plus aussi abondantes qu’avant, et, les journées en mer toujours plus courtes. 

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la Zone économique exclusive de Maurice (ZEE), c’est-à-dire le territoire maritime dont l’exploitation lui est exclusivement réservée, possède toujours de bonnes réserves halieutiques. Aussi bien pour la pêche au gros, en pleine mer (comme celle du thon) que pour la pêche artisanale, à la ligne ou à l’aide de nasses et de larges filets. Et sur les étals de poissons des marchés de Port-Louis, la capitale du pays, vivaneaux rouges et mérous se trouvent toujours aisément.

Les pêcheurs en haute mer gagnent cependant bien mieux leur vie que les petits pêcheurs qui ont épuisé la plupart des ressources des lagons et autres lieux de pêche. Le gouvernement a mis en place diverses mesures pour les inciter à pêcher dans des zones moins menacées mais de nombreux pêcheurs les trouvent moins faciles d’accès.

« Dieu créa l’Île Maurice puis le paradis à son image », écrivait Marc Twain. Hélas, comme la plupart des Petits États insulaires en développement (PEID) et États côtiers africains, ce morceau de paradis doit lutter contre l’érosion rapide de son littoral, la dégradation des sols et contre la pression croissante d’acteurs différents.

Depuis 1960, l’érosion de ses côtes a amputé l’île de 11 % de sa superficie totale et ce phénomène s’accentue un peu plus chaque jour. Il est donc impératif d’aménager le territoire maritime.


« L’océan n’est pas la cause de notre problème, c’est au contraire, la solution à notre problème »

Cipriano Gomez

Secrétaire général du ministre de Guinée-Bissau

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L’océan : une solution

Lors de la dernière Conférence ministérielle africaine sur les économies océaniques et le changement climatique, dont le thème était « Vers la Cop 22 », organisée conjointement par la Banque mondiale et l’Île Maurice, les experts scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme contre la pollution de l’océan, l’agriculture intensive, le tourisme de masse incontrôlé et l’industrialisation excessive qui dégradent l’océan et le littoral, et détruisent les écosystèmes tels que les mangroves et les récifs coralliens.

L’état de délabrement des infrastructures et la mauvaise gestion de l’environnement ont contribué à l’épuisement des ressources halieutiques et à l’augmentation de l’érosion en Afrique. Cela touche particulièrement les populations côtières qui sont également les plus pauvres.

L’océan représente pourtant un potentiel immense. S’il était un pays, il serait la 7e puissance économique du monde avec un PIB de 24 mille milliards de dollars, selon un rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF) intitulé Reviving the Ocean Economy: The case for action─2015.

Le littoral ouest-africain abrite 31% de la population et représente 56 % du PIB de la région. Mais pas pour longtemps, si rien n’est fait pour stopper sa dégradation. La moitié des nombreux emplois de la région liés à la pêche devraient disparaître d’ici 2050 du fait de l’épuisement des réserves halieutiques.  

« L’océan n’est pas la cause de notre problème, c’est au contraire, la solution à notre problème », a insisté Cipriano Gomez, secrétaire général du ministre de Guinée-Bissau, pays côtier d’Afrique de l’Ouest qui compte plus de 90 îles. « Notre objectif est d’améliorer la sécurité alimentaire en facilitant l’accès aux zones de production, aux marchés ruraux et en améliorant la qualité du transport maritime. »

C’est dans ce contexte que s’est tenue la Conférence de Maurice pour réunir les pays africains afin qu’ils élaborent une stratégie commune, susceptible de promouvoir une exploitation durable des mers et des océans. Cette stratégie repose sur la coopération régionale, le partage d’expertise et d’expériences afin de faciliter notamment l’accès aux financements. Il s’agit également de mettre la protection du littoral et de l’océan au cœur des dialogues de la COP22.

Représentants des Petits États insulaires en développement (PEID), pays côtiers d’Afrique,  scientifiques, investisseurs, partenaires aux développement et acteurs de la société civile se sont engagés à soutenir ensemble des projets d’investissement en faveur d’une économie océanique durable et à s’adapter au changement climatique pour en atténuer les effets. Cela passera par le développement d’une pêche écoresponsable, l’amélioration de l’aquaculture, la promotion d’un tourisme durable ainsi que par la construction d’infrastructures portuaires plus solides et respectueuses de l’environnement.

« L’économie bleue est la nouvelle frontière de l’Afrique » a déclaré Jamal Saghir, conseiller régional senior de la Banque mondiale pour l’Afrique. « Les pays côtiers et les États insulaires d’Afrique ont entrepris d’investir dans l’économie bleue et ont demandé notre soutien technique et financier. Leur principal défi sera de prendre en compte le changement climatique. La Banque mondiale est déterminée à soutenir cette initiative en utilisant les financements de l’IDA alloués à ces pays ainsi que d’autres sources de financements telles que le Fonds vert pour le climat (GCF). À la demande de la Conférence ministérielle qui s’est tenue à Maurice, ce thème sera abordé dans le cadre du GCF. Et la journée dédiée à la mer lors de la prochaine COP22 à Marrakech consacrera une réunion spéciale à l’Afrique. »

 

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Économie bleue 101: reconstituer les réserves halieutiques

La plage Bain-des-Dames se trouve à moins de 15 km du village de pêcheurs de Pointe-aux-Piments. Selon la tradition locale son nom fait référence aux esclaves africaines amenées sur l’île pour travailler dans les plantations de canne à sucre au XIXe siècle, et qui avaient l’habitude de se baigner sur cette plage.

Don Banchoo, est le chef de la communauté de pêcheurs de Bain-des-Dames. À 60 ans, il porte un regard pessimiste sur la profession. « Nous sommes pêcheurs de père en fils depuis des générations » confie-t-il. « Mais d’ici quelques années cette tradition disparaîtra. Nos enfants ne veulent pas être pêcheurs à cause de la dégradation du climat et du manque de sécurité. »

Si les préoccupations de Banchoo sont bien réelles, la Conférence ministérielle de Maurice a été organisée dans le but de ne pas accepter cette fatalité et de trouver des solutions. Parmi ces solutions : la mise en place de bons partenariats public-privé (PPP) en faveur d’une pêche durable ; le financement de projets accélérés au service d’une aquaculture saine et exempte de maladies ; le développement d’une pêche écoresponsable au Mozambique ; le recours à un matériau de substitution pour remplacer le sable dans la fabrication du béton ; et la restauration des mangroves et des récifs coralliens.

« Les écosystèmes marins forment un univers vaste, complexe et en perpétuelle évolution », a souligné Jose Graziano da Silva, directeur général de la FAO, au cours de la Conférence. « Les océans qui bordent la continent africain recèlent de nombreux secrets qui appellent des solutions novatrices et offrent un potentiel à exploiter. »

Il a conclu, qu’avec le soutien de la Banque mondiale et de la FAO, « les pays africains deviendront les champions de l’économie bleue. »


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