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Migrations forcées : des solutions locales à une crise mondiale

15 septembre 2016


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Photo © Dominic Chavez/Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS
  • La crise syrienne amène la communauté internationale à aborder le problème des migrations forcées sous un angle nouveau, en prenant en compte à la fois la situation des réfugiés et celle de la population des pays d’accueil.
  • Il est essentiel d’associer la population locale à la planification sur le long terme, d’accroître les opportunités d’emploi et de rendre les services environnementaux et écosystémiques plus durables.
  • La Banque mondiale s’attache à renforcer son aide aux personnes déplacées et à la population des pays à revenu faible ou intermédiaire qui les accueillent.

Les migrations forcées ne constituent pas un phénomène nouveau. Nombre de pays, tout particulièrement dans le monde en développement, y sont confrontés depuis des années, et parfois depuis des décennies. La crise syrienne amène la communauté internationale à aborder le problème des migrations forcées sous un angle nouveau. Il faut en effet repenser l’appui apporté aux autorités nationales et locales pour aider non seulement les personnes déplacées mais aussi le pays d’accueil.

« Tous les conflits actuels dans le monde concentrent l’ensemble des répercussions dramatiques qu’une guerre peut avoir, et montrent à la communauté internationale la nécessité de sortir du statu quo », explique Ede Ijjasz-Vasquez, directeur principal du Pôle mondial d’expertise en Développement social, urbain et rural, et résilience, de la Banque mondiale. « Chaque cas étant différent, nous cherchons à élaborer des solutions spécifiquement adaptées au contexte du pays d’accueil. Au fil des ans, nous avons constaté que, pour élaborer des programmes de développement efficaces, il est impératif de bien comprendre la situation des personnes déplacées et celle de la population locale, ainsi que les relations entre les deux. Nous devons les aider à s’entraider. »

La Banque s’attache actuellement à renforcer son aide aux populations locales et aux populations déplacées, non seulement dans les pays à faible revenu, mais aussi dans les pays à revenu intermédiaire. Qu’il s’agisse de la région des Grands Lacs, de la Corne de l’Afrique, du Sahel, de la Jordanie et du Liban, ou encore du Pakistan et de l’Azerbaïdjan, il existe de nombreux programmes en cours qui peuvent permettre de tirer des leçons des expériences réussies.

Même si les problèmes à résoudre sont propres à chaque situation, la Banque mondiale veille à ce que la population du pays d’accueil soit aidée et associée aux décisions de planification sur le long terme. Mais il est également impératif de soutenir et de rendre plus durables les services environnementaux et écosystémiques, en particulier la gestion des ressources naturelles, pour lutter contre la dégradation de l’environnement et la diminution du couvert végétal qu’un afflux de personnes risque de provoquer.


« Au fil des ans, nous avons constaté que, pour élaborer des programmes de développement efficaces, il est impératif de bien comprendre la situation des personnes déplacées et celle de la population locale, ainsi que les relations entre les deux. Nous devons les aider à s’entraider.  »
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Ede Jorge Ijjasz-Vasquez

Directeur du Pôle mondial d’expertise en Développement social, urbain et rural, et résilience

Aider la population locale

  • Dans la Corne de l’Afrique et la région des Grands Lacs, les zones accueillant des réfugiés et des déplacés « internes » (c’est-à-dire à l’intérieur de leur propre pays) sont souvent sous-développées et ne disposent pas d’infrastructures suffisantes. La Banque y déploie une stratégie régionale pour accroître l’accès aux services et aux opportunités économiques. En Zambie, par exemple, elle aide à la fois les anciens réfugiés et la population locale via une approche communautaire : il s’agit de renforcer l’infrastructure à tous les niveaux afin d’améliorer les services d’éducation et de santé, ainsi que de créer des opportunités économiques et de marché. En République démocratique du Congo, le Programme de relèvement dans les provinces de l’Est vise à développer les marchés agricoles dans les zones où ont lieu d’importants mouvements de population. Il cible la population locale, les familles déplacées et les personnes de retour dans leur pays. Dans la Corne de l'Afrique, un autre projet contribuera, par le biais de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), à l’harmonisation des politiques et des pratiques grâce à la création d’un secrétariat régional pour les déplacements forcés et les flux migratoires mixtes.
  • En Azerbaïdjan, 7 % de la population (environ 623 000 personnes) est déplacée. En deux décennies, les populations déplacées n’ont pas réussi à subvenir à leurs besoins, et elles peinent à accéder à des services sociaux et des logements dignes de ce nom. De surcroît, la population au contact de laquelle vivent la plupart des déplacés internes est souvent elle-même pauvre. C’est pourquoi, depuis le début de l’année 2012, le gouvernement azerbaïdjanais déploie le Programme d’aide aux déplacés internes, qui vise à améliorer les conditions de vie de ces populations et à leur permettre d’atteindre l’autosuffisance économique. Pour atténuer les difficultés rencontrées par la population d’accueil et pour faciliter l’intégration des personnes déplacées, ce programme finance des projets d’infrastructure sur la base d’une approche communautaire. À ce jour, plus de 400 communautés, dans tout le pays, en bénéficient.
  • En Jordanie, où la plupart des réfugiés vivent dans les villes, un financement prévisible et de long terme a permis à 20 municipalités, qui accueillent chacune un nombre important de réfugiés, de planifier et de développer les services de gestion de l’eau et des déchets, d’installer un nouvel éclairage urbain, de remettre en état les routes et de faire construire des installations sportives et de loisir. Ces mesures sont essentielles pour que la population locale continue de se montrer accueillante envers les réfugiés, et elles contribuent à atténuer les éventuelles tensions résultant de l’aggravation des problèmes d’infrastructure publique et d’environnement.  
  • Au Liban, où, comme en Jordanie, les réfugiés vivent parmi les habitants, la Banque mondiale apporte une aide immédiate en investissant dans l’infrastructure de base et en menant des initiatives sociales cibles qui favorisent les interactions entre les réfugiés et la population locale. Pour lutter contre la pauvreté et accroître la cohésion sociale, la Banque a aussi renforcé son appui au programme de protection sociale mis en place par l’État à l’intention des Libanais affectés par la crise syrienne. En outre, elle a aidé le système d’éducation public à absorber un grand nombre de réfugiés syriens d’âge scolaire, tout en veillant à ce que les enfants libanais restent scolarisés et à ce que l’enseignement continue d’être de bonne qualité.
  • Le Pakistan a une longue expérience de la gestion de populations déplacées. Sur plusieurs décennies, il a accueilli plus de 1,5 million d’Afghans, qui (d’après le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés) constituent la plus importante population de réfugiés au monde. Avec l’aide de la Banque, il gère également un afflux de personnes temporairement déplacées sur son territoire, dans les zones tribales sous administration fédérale. Géré par la Banque, le Fonds fiduciaire multidonateurs pour le Pakistan (a) a été établi en août 2010, à la demande du gouvernement pakistanais et des pays partenaires au développement, pour faire face à la crise dans la province de Khyber Pakhtunkhwa (KP), dans les zones tribales sous administration fédérale et dans le Baloutchistan. Il finance la reconstruction, la remise en état de l’infrastructure, la mise en œuvre de réformes et d’autres interventions nécessaires pour instaurer la paix et créer les conditions d’un développement durable.

 

Créer des emplois et des opportunités pour tous

  • Dans la région des Grands Lacs et dans la Corne de l’Afrique où la population locale vit grâce à des activités traditionnelles telles que l’agriculture, la pêche ou l’élevage nomade, la Banque propose des formations destinées à améliorer les pratiques agricoles, encourage l’utilisation de nouvelles technologies et de nouveaux équipements, améliore l’infrastructure de stockage et de transformation des produits et élargit l’accès aux financements. À cette fin, elle s’appuie sur des consultations et sur l’évaluation des marchés locaux avec les populations et les autorités locales. Ainsi, en Zambie, elle aide les anciens réfugiés et les populations locales les plus vulnérables à subvenir à leurs besoins grâce, entre autres, à des formations aux techniques agricoles, des formations professionnelles, divers projets ou l’installation de systèmes d’irrigation à petite échelle.
  • En Azerbaïdjan, le  Programme d’aide aux déplacés internes appuie des activités qui procurent à ces populations des moyens de subsistance et qui renforcent leurs compétences en leur donnant accès au marché du travail, ou en leur permettant de créer leur propre entreprise, et, au final, d’avoir un emploi mieux rémunéré et moins précaire. Ce programme propose des formations, verse des subventions pour la création d’entreprise et pour le financement d’activités générant des revenus et accorde des micro-prêts à des entreprises très diverses mais qui, en général, mettent à profit les compétences que les personnes déplacées ont acquises dans leur région d’origine : élevage de bovins ou d’ovins, agriculture, par exemple. Ce programme a aussi financé la création de boulangeries, de petites boutiques, de magasins d’alimentation, de restaurants et de cafés. Toutes ces activités sont récentes, mais elles génèrent déjà des revenus non négligeables. Par ailleurs, le programme aide les jeunes à acquérir une formation professionnelle et à créer des entreprises, tout en veillant à l’équité et à la parité hommes-femmes.
  • En Jordanie, un programme axé sur les opportunités économiques pour les Jordaniens et les réfugiés syriens aidera bientôt l’État à tenir l’un de ses engagements : permettre l’accès des réfugiés syriens au marché du travail en améliorant le climat de l’investissement et en facilitant l’obtention de permis de travail. En contrepartie, la Jordanie pourra exporter plus facilement ses produits en Europe. Dans le cadre de son programme d’appui aux municipalités, la Banque mondiale va aussi contribuer au financement de grands travaux publics dont bénéficieront à la fois les Jordaniens et les réfugiés syriens.
  • Au Liban, un nouveau programme de remise en état du réseau routier du pays devrait générer des emplois directs temporaires (qui représenteront environ 1,5 million de journées de travail) pour des Libanais et des Syriens peu qualifiés. Des emplois seront également créés au niveau des chaînes d’approvisionnement, ainsi que dans les services d’ingénierie et de conseil.
  • Au total, le Fonds fiduciaire multidonateurs pour le Pakistan (a) a versé 1 471 subventions de contrepartie et, d’après les estimations, ce financement a permis de créer 23 000 emplois dans la province du KP et dans les zones tribales sous administration fédérale.

 

Pour que la Banque mondiale puisse apporter une aide durable aux services publics et aux autorités locales en Jordanie et au Liban, ou à l’administration locale et aux organisations communautaires dans les zones rurales de l’Afrique, elle devra coordonner tous ces programmes, ce qui accroîtra leur efficacité et évitera les doublons, et améliorera in fine la qualité des services.

« La mise en œuvre est délicate », reconnaît Markus Kostner, expert mondial principal pour les questions de stabilité, de paix et de sécurité au pôle Développement social, urbain et rural, et résilience de la Banque mondiale. « Beaucoup reste encore à faire pour promouvoir des coalitions entre les États, le secteur privé, la société civile, les acteurs du développement et de l’aide humanitaire et les populations concernées, afin d’éviter les crises, d’atténuer leurs effets ou d’y remédier, mais aussi d’anticiper les crises nouvelles et de s’y préparer. »



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