GRAND-LAHOU, 2 juin 2016 – L’érosion côtière a englouti l’ancienne cité et le phare de Grand-Lahou, en Côte d’Ivoire, entraînant l’abandon des habitations et la disparition des mangroves qui procuraient du bois de feu. Après les dégâts considérables subis par cette zone qui comptait plusieurs sites emblématiques du patrimoine culturel local, Grand-Lahou a été réimplanté à 18 kilomètres dans l’intérieur des terres, en 1973, et sa population a migré vers l'ouest, en direction du fleuve Bandama.
Depuis, le littoral a reculé de 1 à 2 mètres par an, mettant en péril les vies humaines et les intérêts économiques. D’après des experts, sous l’effet d’événements climatiques extrêmes, ce recul pourrait atteindre 20 mètres par an dans les prochaines années, et nécessiter l’adoption de mesures drastiques.
Ces préoccupations ont été au centre d’un récent séminaire consacré aux zones côtières et au changement climatique en Côte d’Ivoire. Organisé à Grand-Lahou par le ministère ivoirien de l’Environnement et du Développement durable (MINEDD) et par le Programme de gestion du littoral ouest-africain (WACA), cet atelier a rassemblé plus de 70 représentants venant de Côte d’Ivoire, d’autres pays d’Afrique de l’Ouest et d’organisations de développement. L’objectif était de discuter de la nécessité de se doter de stratégies d’ensemble pour atténuer la vulnérabilité de la région au changement climatique, ainsi que de l’importance d’une approche régionale coordonnée pour la gestion du littoral ouest-africain. Les participants ont aussi pu se rendre compte sur place des ravages de l’érosion côtière sur les populations locales.
« Notre ambition est de devenir un modèle de développement local que nous pourrons diffuser auprès d’autres collectivités », a déclaré Jean Djaya, député-maire de Grand-Lahou, en soulignant l’urgence de la situation : « Face aux dangers du changement climatique et alors que la vieille ville de Grand-Lahou (Lahou-Kpanda) est déjà sous les eaux, la population du littoral, estimée à plus de 40 000 personnes réparties dans 10 villages et sur 30 kilomètres de côtes, risque d’être privée de moyens de subsistance malgré l’abondance du poisson et la richesse de l’agriculture. Cette situation compromet la réalisation des Objectifs de développement durable. »
Le littoral ouest-africain pâtit considérablement du changement climatique, dont les effets se font déjà sentir : montée des eaux, hausse de la température à la surface de la mer, inondations, érosion des côtes... Or, ces zones côtières, où vivent 31 % de la population régionale, laquelle s’accroît annuellement de 4 %, sont particulièrement cruciales car elles contribuent à 56 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique de l’Ouest.
Les côtes ouest-africaines comptent de nombreux « points chauds » du changement climatique. L’érosion croissante met en péril les moyens de subsistance traditionnels et empêche les habitants de saisir des opportunités de développement, ce qui accentue la vulnérabilité socioéconomique de l’Afrique de l’Ouest. Les populations littorales en subissent les conséquences, de même que les millions de personnes dont la survie dépend des ressources naturelles locales.
« L’érosion côtière est une menace pour la Côte d’Ivoire, qui est un pays densément peuplé et une grande économie », explique Benoît Bosquet, chef de service au pôle d’expertise en Environnement et ressources naturelles de la Banque mondiale. « La lutte contre l’érosion est essentielle et requiert un diagnostic rigoureux et participatif. Nous devons envisager des investissements dans des infrastructures classiques et écologiques ou, dans le pire des cas, une relocalisation. Toutefois, d’autres mesures sont nécessaires à court terme, comme par exemple mettre fin à l’exploitation du sable de plage : face à un blessé qui saigne, la priorité est d’arrêter l’hémorragie. »
Pour protéger cet écosystème unique et lever les obstacles au développement des côtes d’Afrique de l’Ouest, les pouvoirs publics et les acteurs du développement doivent de toute urgence aider au renforcement de la résilience au changement climatique. Lancé par la Banque mondiale lors de la COP21, en 2015, le Programme de gestion du littoral ouest-africain (WACA) vise à mieux intégrer la gestion des infrastructures et des ressources naturelles afin de renforcer la protection du littoral contre les effets du changement climatique.
Une action collective
Les participants au séminaire ont conclu que les mesures prises à l’échelle nationale ne suffiraient pas à venir à bout de ces problèmes et qu’une approche régionale s’imposait. En effet, des protections côtières érigées dans un pays aggravent l’érosion du littoral dans le pays voisin. De même, les responsables nationaux et régionaux de l’ensemble des secteurs concernés devraient commencer à évaluer les vulnérabilités et à concevoir des stratégies d’adaptation. Pour être efficace, l’adaptation doit reposer sur une analyse précise des risques climatiques, sur un aménagement de l’espace et sur des processus de prise de décision souples, afin que les meilleures solutions, technologies et interventions puissent être retenues.
« Nous voyons apparaître un nouveau paradigme pour le développement durable », estime Dahlia Lotayef, spécialiste principale des questions environnementales à la Banque mondiale. « Il faut prendre pleinement en compte le changement au niveau régional et local si nous voulons préserver les moyens de subsistance en offrant aux populations un lieu sûr pour vivre, travailler et se nourrir. L’érosion côtière compromet le développement durable. »