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ARTICLE

La Tunisie modernise sa politique de protection sociale et d’emploi

20 mai 2016



LES POINTS MARQUANTS
  • Avec un PIB qui n’aurait augmenté que de 1 % en 2015, les avancées démocratiques de la Tunisie ne s’accompagnent toujours pas d’avancées économiques.
  • Malgré la création de nombreux emplois supplémentaires dans le secteur public, le taux de chômage reste élevé, à 15 %.
  • La Tunisie pourrait améliorer la situation en renforçant l’efficacité de ses programmes de protection sociale et d’emploi et en passant d’un régime de subventions des carburants à des investissements dans le secteur privé qui créeront des emplois.

En 2011, la Tunisie a mis pacifiquement fin à 30 années de dictature, en s’engageant ainsi sur une nouvelle trajectoire. Au cours des cinq années qui ont suivi, elle s’est dotée d’une nouvelle Constitution et a organisé des élections démocratiques. Elle a aussi réussi à préserver sa stabilité, malgré des problèmes d’insécurité intérieure et la crise que connaît son voisin libyen. Cependant, en dépit de ces avancées sur le plan politique, la Tunisie reste aux prises avec des inégalités sociales et ne progresse guère dans la mise en œuvre des réformes économiques nécessaires pour mettre fin aux problèmes qui ont été à l’origine du soulèvement démocratique.  

Des réformes cruciales s’imposent car (à peine 1 % en 2015, d’après les prévisions). En l’absence de mesures vigoureuses, les perspectives économiques à court terme sont particulièrement sombres. Et bien qu’en recul par rapport à 2011, le taux de chômage reste considérable : il est ressorti à 15 % en 2015.

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Un nouveau rapport de la Banque mondiale, intitulé Consolidation de la politique de protection sociale et d'emploi en Tunisie : Renforcer les systèmes, connecter à l'emploi, est spécifiquement consacré à la modernisation des programmes de protection sociale et d’emploi dans ce pays. Il s’agit d’un objectif fondamental à la fois pour la stabilité sociale et pour la stabilité économique en Tunisie. Ce rapport évalue les principaux programmes en termes d’équité, d’efficacité et de viabilité à long terme.

Élaboré avec des experts gouvernementaux et non gouvernementaux, le rapport de la Banque mondiale constate que, depuis 2011, le chômage a nettement reculé en Tunisie grâce à la création de dizaines de milliers d’emplois dans le secteur public. Mais le budget national est loin d’être suffisant pour financer cette politique sur la durée.

D’après les enseignements tirés d’analyses et de projets pilotes récents, l’adoption de nouveaux modèles public-privé pour la mise en œuvre de politiques actives du marché du travail ciblant les travailleurs peu qualifiés pourrait permettre d’améliorer les moyens de subsistance des Tunisiens, en attendant une hausse des investissements au profit de la création d’emplois.

Ces interventions comprennent par exemple des programmes décentralisés de stages rémunérés et de création de petites entreprises. Une initiative pilote de lutte contre le chômage qui avait été lancée pour soutenir l’économie locale dans le Sud tunisien, à la suite de la chute des échanges frontaliers avec la Libye, a ainsi indirectement permis à deux femmes de monter une boutique de village. Ce n’est là qu’un aperçu de toutes les possibilités qui pourraient être mises à profit à l’avenir.

Actuellement, les Tunisiens qui n’ont pas accès à un emploi public et qui ne possèdent pas les compétences demandées par le secteur privé formel n’ont pas d’autre choix qu’une activité informelle. Plus d’un tiers de la main-d’œuvre travaille dur sans la sécurité d’un contrat en bonne et due forme ou sans la perspective d’une pension de retraite, notamment parce que le système de protection sociale et le droit du travail favorisent l’emploi dans le secteur public. 

Même ceux qui ont un emploi formel ne sont pas certains de percevoir une pension de retraite. Le système de retraite souffre d’un déficit qui pourrait représenter au moins 2 % du produit intérieur brut (PIB) du pays en 2018, selon des estimations prudentes, ce qui explique que les plus vulnérables, comme les travailleurs indépendants, ne sont toujours pas affiliés à un régime de retraite.

Seulement 37 % des Tunisiens, sur 11 millions, cotisent pour leur retraite, seulement la moitié de la population est couverte par l’assurance maladie, et il n’y a pas d’indemnités de chômage pour les personnes qui perdent leur emploi. De plus, même si près d’un Tunisien sur quatre (23 %) perçoit des allocations, c’est le cas de moins de la moitié (40 %) des plus pauvres.

En Tunisie, le système de protection sociale des pauvres souffre de plusieurs problèmes : sa pérennité n’est pas garantie, ses prestations ne sont pas suffisamment ciblées et il ne comporte pas de mécanismes veillant à la transparence ou permettant des stratégies de sortie pour les bénéficiaires. Les dernières estimations en date indiquent que seulement 40 % des bénéficiaires des filets sociaux vivent officiellement sous le seuil de pauvreté national. Les prestations sont plutôt généreuses (elles correspondent souvent à environ 21 % du revenu total), mais les travailleurs peu qualifiés n’y ont pas accès, faute de protocoles clairement définis pour assurer un ciblage précis, et faute de politiques actives pour soutenir les moyens de subsistance et l’emploi.

La Banque mondiale considère qu’une réforme systémique accélérerait les progrès. D’après sa note d’orientation, s’il n’y a pas d’amélioration significative de la coordination institutionnelle du financement et des prestations, le système de protection sociale et d’emploi de la Tunisie ne sera pas en mesure de faire avancer l’inclusion économique et sociale.   

Dans le cadre du premier plan de développement quinquennal (2016-21) depuis la transition, l’État, en étroite concertation avec le secteur privé, les syndicats et la société civile, pourrait :

  • À court terme, rationnaliser la conception et la prestation des principaux services de protection sociale et d’emploi, notamment les politiques actives du marché du travail, afin de mieux répondre aux besoins locaux et aux besoins des ménages peu qualifiés, via des partenariats public-privé ;
  • À moyen terme, renforcer la gouvernance et les institutions, notamment en réexaminant les mandats institutionnels, en élaborant une politique unifiée, avec des objectifs clairement définis, et en instaurant un système d’identification unique pour l’ensemble des prestations, services et programmes de protection sociale et d’emploi. Cela pourrait concerner les politiques actives du marché du travail, les filets sociaux, les pensions de retraite, l’assurance maladie et les futures indemnités de chômage ;
  • À long terme, assurer la pérennité financière du système, notamment en réallouant et en restructurant le financement de la protection sociale, et en passant d’un régime de subventions universelles à des investissements plus productifs, qui pourront encourager la création d’emplois et améliorer le capital humain.

Depuis 2012, la Tunisie prend des mesures qui vont dans le sens de ces réformes. Plus elle sera à même de promouvoir un consensus politique et institutionnel sur des réformes cruciales, plus ses efforts auront des chances d’aboutir.  


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