La gestion municipale des ordures ménagères ou des déchets solides indique généralement de manière très simple l’état des relations entre pouvoirs publics et citoyens. La crise du ramassage des poubelles qui a récemment frappé le Liban a provoqué un tollé général et des manifestations de grande ampleur. Elle illustre l’échec du contrat social entre l’État et les citoyens.
Comme le dit un jeune Libanais, tout ne se résume pas à ce service public en tant que tel : « La crise des déchets au Liban n’est pas technique, elle est d’abord politique. Il n’existe aucune volonté de prendre le problème à bras le corps. La situation est principalement due à une faillite des institutions de l’État et à l’absence de décision au sein du gouvernement. D’autre part, on se heurte aux intérêts particuliers d’une foule d’acteurs politiques, ce qui interdit toute solution. »
Cet article présente la situation de trois pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) : le Maroc, la Palestine et l’Arabie saoudite. Ils ont chacun suivi un parcours singulier, tant dans leur façon d’améliorer la gestion des déchets solides que dans la manière dont cette expérience a contribué à faire évoluer les rapports entre citoyens, autorités locales et administration centrale.
La réforme menée par le Maroc s’est déployée au cours dix dernières années. Elle s’est appuyée sur des partenariats public-privé et s’est attachée en particulier à améliorer les conditions de travail et le quotidien des catégories de population vulnérables qui survivaient en ramassant des déchets. Avant le lancement du programme de réforme, les décharges étaient très mal gérées. Les villes marocaines étaient traversées par des fleuves chargés de substances toxiques et déversant ces effluents dans l’Atlantique. Les ramasseurs de déchets — des hommes et des femmes, enfants et adultes — tentaient de gagner leur vie en triant les détritus des autres et en se disputant souvent des prises de choix dans les décharges non réglementées, sans aucune protection.
Le gouvernement marocain collabore depuis plus de dix ans avec la Banque mondiale dans le cadre de son Programme national des déchets ménagers. Il a ainsi pu bénéficier de quatre prêts à l’appui des politiques de développement pour la gestion des déchets solides. Ce programme vise à améliorer le taux de collecte et de recyclage de matériaux issus des ordures ménagères (l’objectif est de parvenir à 20 % en 2022, alors que le taux est de 5 % aujourd’hui), tout en améliorant les conditions de travail des ramasseurs de déchets.
Cette stratégie consiste en grande partie à confier de larges pans du système de collecte des déchets au secteur privé. D’après l’opérateur en charge du site d’Oum Azza, il s’agit du plus important centre d’enfouissement et de tri moderne au Maghreb, avec près de 850 000 tonnes de déchets traitées chaque année. Ce groupe privé a promu la création d’une coopérative et construit un centre de tri pour que les chiffonniers qui travaillaient dans des conditions précaires puissent continuer à gagner de l’argent, mais dans un environnement plus sécurisé et plus organisé.
Près de 150 personnes sont aujourd’hui membres de la coopérative, dont 22 femmes. Eux qui fouillaient les décharges nuit et jour en quête de ferraille à revendre sont aujourd’hui affectés au triage des déchets. Les équipes récupèrent les objets destinés à la revente et les déchets végétaux pour la fabrication de compost. Ils perçoivent un salaire acceptable, sont couverts par une assurance maladie et peuvent contracter des prêts immobiliers d’un montant modeste. Grâce à l’embauche de ces agents de recyclage, l’opérateur du site prolonge la durée de vie du centre d’enfouissement.
Le Maroc est déterminé à tirer pleinement parti des retombées financières et environnementales d’une gestion responsable des déchets. Au centre d’Oum Azza, on exploite le biogaz issu des déchets organiques. Grâce au Prêt pour une croissance verte et inclusive octroyé par la Banque mondiale, ce gaz sera revendu pour alimenter en électricité le réseau national. Oum Azza deviendra également le premier centre d’enfouissement au Maroc à vendre des unités de réduction certifiée des émissions de carbone, à hauteur de 50 millions de tonnes.